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Marc Fesneau : "Le MoDem n'a pas encore été suffisamment écouté depuis le début du quinquennat mais le temps viendra"
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Entretien politique

Président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale et député du Loir-et-Cher, Marc Fesneau livre son analyse sur les réformes à venir et sur la politique d'Emmanuel Macron.

Marc  Fesneau

Marc Fesneau

Après avoir été maire de Marchenoir (Loir-et-Cher) entre 2008 et 2017, Marc Fesneau a été élu député de Loir-et-Cher en juin 2017, puis président du groupe MoDem à l'Assemblée nationale.

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Atlantico : Le Modem et vous-même avez longtemps défendu le principe de l’élection de 25% des députés à la proportionnelle. Le gouvernement a retenu l’hypothèse de 15%. Votre bureau politique cette semaine a pris des allures de QG de bataille si l’on en croit certains articles. Quelle riposte prépare le Modem pour tenter d’obtenir une inflexion plus conforme à ses attentes ?

Marc Fesneau : Ce n'était pas un QG de bataille. J'y étais et je peux vous dire que ce n'était pas cela. Simplement, on a regardé la situation pour faire en sorte que puisse se faire entendre l'idée qu'il y a besoin de proportionnelle - non pas pour faire plaisir au MoDem, d'ailleurs - simplement parce que, si l'on veut sortir durablement de la bipolarisation française, il faut que l'on soit à un seuil de proportionnelle qui puisse permettre la représentation des différentes sensibilités politiques. Et donc, on va à la fois travailler avec des collègues dans les commissions qui vont se saisir de la question, et on aura après un débat parlementaire et un dialogue avec le gouvernement pour essayer de faire évoluer les choses.

La réforme des institutions proposée par le gouvernement vous paraît-elle de nature à régler la crise de défiance des Français vis-à-vis de leurs représentants ? N’y a-t-il par une part d’illusion à considérer que la réduction du nombre de parlementaires et la rationalisation de certains aspects du travail du pouvoir législatif pourra régler la profonde crise de sens que connaissent la France et les démocraties occidentales ?

Si on résume la révision constitutionnelle à cette question-là, oui, mais quand on regarde le texte et les attendus de ce qui a été dit par le Premier ministre, c'est beaucoup plus large que cela. La réduction du nombre de parlementaires, ce n'est pas en soit une données. C'est la réduction du nombre de parlementaires avec la volonté de pouvoir doter les parlementaires de moyens complémentaires pour pouvoir mieux exercer leurs missions. Ca va dans le sens d'une démocratie qui fonctionne. 

D'autre part, la rationalisation du travail parlementaire, ce n'est pas seulement l'affaire des amendements. D'ailleurs, le gouvernement y a renoncé, c'est une question qui est réglée. En réalité, c'est la question de comment le calendrier est mieux organisé. Dans le texte, il faudra aussi veiller à mieux équilibrer le travail du Parlement et du gouvernement. Mieux équilibrer, c'est avoir un calendrier qui est mieux connu et mieux maîtrisé pour pouvoir préparer les textes. La deuxième chose, c'est que le Parlement puisse mieux exercer ses missions de contrôle et d'évaluation, c'est-à-dire qu'il puisse être doté, ou se dote, d'outils qui lui permettent de contrôler et d'évaluer l'action du gouvernement quand un texte arrive, et pouvoir en voir les conséquences. Et quand le texte a été voté, de pouvoir en évaluer les conséquences aussi. C'est tout cela qu'il y a dans la révision constitutionnelle et dans la réforme institutionnelle. Il y aussi un dernier point que l'on soulève assez peu, mais qui me parait assez central et va dans le bon sens aussi, c'est la question de la différenciation territoriale, c'est-à-dire la capacité donnée aux territoires de pouvoir adapter la loi à ce que sont leurs difficultés ou leurs particularités locales. Par exemple, vous ne traitez pas la question du transport de la même façon dans un territoire très rural que dans un territoire très urbain. Et la question des inondations non plus. C'est la capacité qu'on donne aux territoires de s'organiser dans cadre national, mais quand même de pouvoir s'adapter pour tenir compte de leurs spécificités. Ca, c'est un point qui, en termes de démographie, permet de dire aux citoyens : "je tiens compte de ce qui est votre particularisme local, ce que sont vos contraintes géographiques, économiques, etc."

Après un an de présidence d’Emmanuel Macron, trouvez-vous que le Modem a obtenu une influence sur la politique gouvernementale à la hauteur de ce que l’alliance avec François Bayrou avait apporté au candidat En Marche ? Avons-nous vu des décisions prises depuis un an qui ne l’auraient pas été si le MoDem n’avait pas été là ?

Je pense, pour vous donner un exemple, que la question de la moralisation de la vie publique n'aurait été aussi loin, sur un certain nombre de ses points, si nous n'avions pas été présents pour donner l'impulsion initiale et, en même temps, veiller à ce que la promesse et l'engagement du Président se traduisent dans la loi qui a été votée au mois de juillet dernier. Et puis, par ailleurs, il y a des choses sur lesquelles, parfois, nous n'avons pas encore été suffisamment écoutés, mais le temps viendra. C'est difficile de faire un bilan, cela fait neuf mois seulement que nous sommes en place. Mais par exemple, sur l'exigence de développer, de mettre mieux en valeur un relai social dans la politique gouvernementale, je ne doute pas que les choses puissent évoluer dans les mois qui viennent.

Plusieurs enquêtes d’opinion sur le conflit à la SNCF montrent que les Français dont relativement partagés sur l’issue de la réforme, mais considèrent en majorité que la politique économique menée par le gouvernement est injuste, et ressentent en majorité également une inquiétude pour le maintien du service public. Au-delà du fond de la réforme elle-même - que vous soutenez - la stratégie gouvernementale vis-à-vis des syndicats comme vis à vis des Français vous paraît-elle efficace ?

À propos de la réforme de la SNCF, je crois que la question n'est pas de fragiliser ce service public, mais au contraire de le renforcer. Parce que quand vous regardez ce qui s'est passé dans la plupart des pays européens - je peux citer l'Allemagne, mais aussi l'Italie -, les reformes qui ont été faites sur le transport ferroviaire ont abouti, dans la plupart des cas, à des dessertes ferroviaires plus nombreuses, à une diminution des coûts - donc une diminution des prix pour les gens qui veulent se déplacer en train -, et à une augmentation du nombre de voyageurs. Donc je pense que ce n'est pas une réforme contre les agents - en tout cas ça ne peut pas être une réforme contre les agents, ils ne sont pas responsables de la situation de la SNCF, et en particulier de sa situation de dette et de déficit chronique -. Il faut qu'on arrive à travailler avec les agents, avec les représentants syndicaux, pour montrer en quoi cette réforme permet plutôt de renforcer la SNCF que de l'affaiblir. J'ajoute que la SNCF est, pour une part de son activité, déjà dans le monde de la concurrence, puisqu'elle travaille dans d'autres pays européens qui ont ouvert leurs rails à la concurrence. Donc la SNCF est capable de le faire. Simplement, à l'intérieur de nos frontières, on n'a pas encore été capables de franchir le pas, et c'est cela qui doit passer.

Le côté techno pragmatique du gouvernement vous semble-t-il une bonne chose ? Comme l’a très bien compris Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, les Français sont excédés vis-à-vis des partis traditionnels, de leur incohérence et de leur incapacité à dessiner un chemin vers un avenir souhaitable, mais son absence d’idéologie revendiquée est-elle à l’épreuve du pouvoir une alternative convaincante ?

Ce qu'il faut faire, c'est allier des réformes qui sont pour certaines des réformes techniques, parce qu'il y a de nombreux sujets qui sont complexes et que l'on pourrait qualifier de techniques. Deuxièmement, il faut quand même donner du sens. C'est-à-dire que la réforme de la SNCF, le texte que nous allons examiner à partir de lundi, c'est un texte qui est un texte technique : l'ouverture à la concurrence, la gouvernance de la SNCF, le statut des personnels. Et en même temps, on le fait avec la philosophie de maintenir un service public de qualité et d'améliorer la qualité du service. Il y a donc à la fois un volet de réformes, qui porte une part de technicité, et un volet de sens politique. Il faut qu'on explique mieux ce qui est le sens politique de ce que nous faisons ou voulons faire.

Une étude IFOP/ Synopia publiée sur Atlantico cette semaine montre que 83 % des Français considèrent que le partage des richesses créées par les entreprises est inéquitable. Emmanuel Macron peut-il, face à cela, se contenter de s’inscrire dans le fil de ce que l’on a longtemps appelé le « cercle de la raison » ? Est-il possible de redonner confiance dans le modèle économique et social français uniquement en le réformant - fut-ce avec une stratégie tous azimuts de carpet bombing comme le revendique le gouvernement-, mais sans le refonder ?

Premièrement, si l'on veut redonner confiance aux Français dans leur système économique, il faut qu'il soit en situation de créer des emplois. Alors, il faut être prudent, mais on a quand le sentiment que les choses vont plutôt dans le bon sens. Deuxième, la redistribution, c'est un élément essentiel. Il y a la redistribution par l'État - et ce sera tout l'enjeu des débats budgétaires de l'automne, c'est que l'on fasse en sorte de redistribuer la richesse qui va être produite par les Français. Et après, il y a tout ce qui peut être redistribué par les entreprises et c'est le sens d'un certain nombre de textes qui vont venir d'ici l'été et qui permettront, par exemple, de conforter l'épargne d'entreprise et de conforter ce qui avait été le grand rêve du général de Gaulle autour de ces idées-là. Là aussi, c'est un élément important. Et donc, à la fois, il y a une vocation du gouvernement à assurer de la justice et de la redistribution, et également, de doter les entreprises de moyens qui permettent, vis-à-vis de leurs salariés, de redistribuer les fruits de la croissance.  

Sur la politique familiale comme sur les questions d’éthique et de société, le Modem défend une ligne un peu plus prudente, ou peut-être un peu plus conservatrice, pensez-vous que vous serez plus écouté là-dessus que sur les institutions ?

Ce n'est pas une question de prudence ou de conservatisme, c'est la question de faire évoluer le modèle social sans toucher à ses fondements. Et l'un des fondements du modèle social français, c'est par exemple le principe d'universalité des allocations. C'est-à-dire qu'un enfant, qu'il soit issu d'un milieu favorisé ou d'un milieu très défavorisé, est considéré comme une richesse de la nation. Dès lors, le principe d'universalité, c'est de faire en sorte les familles qui ont un enfant puisse bénéficier des allocations. Alors après, s'il faut faire de la redistribution, celle-ci se faire au travers de l'impôt. Mais le principe d'universalité, ce n'est pas un principe conservateur, c'est une des belles choses qu'a inventées la France, c'est de dire que sur un certain nombre de sujets, on considère que les Français sont à égalité de droits. Et après, c'est le rôle de l'impôt que de faire la redistribution.

Emmanuel Macron doit s’adresser à la conférence des évêques de France ce lundi, avez-vous une attente particulière quant à ce discours ?

Je crois qu'Emmanuel Macron - et il l'a déjà bien fait - doit réaffirmer, peut-être, ce que sont les grands enjeux du monde et de réaffirmer ce qu'est la spécificité française, qui est aussi la question de la laïcité. La laïcité, ce n'est pas contre la religion, la laïcité, c'est le fait de faire vivre des communautés qui peuvent penser différemment d'un point de vue religieux. C'est sans doute ça que le président de la République ira dire à la conférence des évêques de France.

Le Modem a toujours été un parti profondément européen. Angela Merkel a signifié cette semaine à Emmanuel Macron qu’il lui faudrait revoir ses ambitions sur la transformation de l’Europe qu’il envisageait faute de soutien suffisant au sein de l’Union. Dans la perspective des Européennes de l’année prochaine, comment construire un discours et une stratégie réalistes et sortir d’une sorte de "wishful thinking" tournant un peu à vide ?

Nous allons regarder comment les choses vont évoluer avec Angela Merkel. C'est vrai que sa situation politique est plus fragile qu'elle ne l'était il y a quelques années. Mais en même temps, on a besoin de discuter avec le partenaire allemand parce que c'est un point fiable et un point fixe de la construction européenne. Et donc, le travail qu'il y a à faire pour sortir d'orientations qui ne vont pas tout à fait dans le bon sens, c'est d'essayer de trouver des partenaires et des alliés qui puissent comprendre l'enjeu et l'intérêt de réinventer un modèle européen qui fonctionne. 

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