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Ses maladies, ses proches, ses femmes, sa grotte, sa mort : comment Ben Laden a fait l'objet d'une véritable mythologie
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Success story ?

Durant sa cavale, Oussama Ben Laden a fait l'objet des rumeurs les plus folles, du côté des journalistes mais aussi de la part des services spéciaux. Dans "La mort de Ben Laden", Jean-Dominique Merchet explique comment les militaires et les services secrets ont eu à plusieurs reprises quelques indices sur la situation réelle de l'homme le plus recherché du monde (Extrait 2/2).

Jean-Dominique Merchet

Jean-Dominique Merchet

Jean-Dominique Merchet est journaliste à L'Opinion. Il a travaillé pendant vingt ans sur les questions militaires.

Auteur du blog Secret Défense, il a récemment publié Une histoire des forces spéciales (Jacob-Duvernet / 2010) et de La mort de Ben Laden (Jacob-Duvernet / 2012).

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Il serait fastidieux de raconter par le détail toutes les fausses révélations sur le sort de Ben Laden durant les années de sa traque. Pour beaucoup, il était mort, comme l’expliquait, par exemple, L’Est républicain du 23 septembre 2006. Citant un « rapport » de la DGSE, le journaliste Laïd Sammari donnait la date (23 août) et la cause (fièvre typhoïde) du décès. Il s’agissait en réalité d’une simple note de la DGSE faisant état des propos d’une source policière en Arabie saoudite. Pour d’autres, il serait mort dans le tremblement de terre de 2005 ou des suites d’une maladie rénale. Beaucoup d’« experts » expliquaient alors que le chef d’Al-Qaïda était sous dialyse. Des personnes forcément bien informées rapportaient qu’il avait été vu ici ou là en Afghanistan, dans les zones tribales du Pakistan et même en Iran… où il aurait participé à une chasse au faucon.

Les Français ne furent pas en reste. Le 22 mars 2004, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie assurait à L’Express que les militaires du Commandement des opérations spéciales (COS), alors présents à Spin Boldak (sud-est de l’Afghanistan), « ont pu contribuer récemment à la localisation » de Ben Laden. En avril, le même hebdomadaire rendait compte d’une récente visite du général Philippe Rondot à Spin Boldak, d’où il est revenu convaincu que « Ben Laden se déplace avec une petite escorte dans les fameuses zones tribales ». Des déclarations imprudentes qui poussent quelques journalistes à broder. Ainsi, en 2006, un documentaire diffusé sur la chaîne Planète, « Ben Laden, les ratés d’une traque », affirme que des tireurs d’élite du COS ont eu le chef d’Al-Qaïda dans leur viseur, mais que les Américains ne leur ont pas accordé l’autorisation de l’abattre.

Comprenez : la CIA protège Ben Laden et nos vaillants commandos sont les dindons de cette farce. La réalité est plus prosaïque : durant l’hiver 2003/2004, des écoutes ont permis aux Français présents en Afghanistan de savoir que de « hauts responsables » talibans ou d’Al-Qaïda étaient passés par un village à la frontière pakistano-afghane quelques jours plus tôt… Le seul véritable scoop sur la participation, modeste et anecdotique, de la France à la traque de Ben Laden se trouve dans le livre de Jean-Christophe Notin, La Guerre de l’ombre des Français en Afghanistan (Fayard, 2011). Il y raconte comment, au lendemain du 11 septembre et juste avant le début des frappes en Afghanistan, « Sévérien », le chef de poste de la DGSE au Pakistan, a été contacté par un responsable taliban. « Est-il vrai que la France n’extrade pas les personnes encourant la peine de mort dans les pays qui les recherchent ? lui demande l’homme.

Est-ce que, dans ce cas, la France peut s’engager à ne pas livrer Ben Laden ? » L’historien poursuit : « Sévérien transmet à la Centrale qui se contente de lui demander d’attendre [...] L’affaire n’aura pas de suite ». Les talibans afghans – ou une partie d’entre eux – ont-ils alors cherché à se débarrasser de leur hôte devenu très encombrant afin d’éviter l’attaque américaine ? C’est ce que pourrait laisser entendre cet épisode. Plusieurs mois après le raid, un général pakistanais à la retraite proposera enfin son propre scénario. Une version romanesque visant avant tout à disculper l’armée et les services secrets de son pays : Ben Laden aurait été victime d’un complot d’Al-Qaïda et de la vengeance de l’une de ses femmes. Pas moins.

Le général Shaukat Qadir, qui aurait enquêté durant plusieurs mois auprès de ses anciens camarades, assure que Ben Laden souffrait, depuis 2001, de déficience mentale. Son bras droit Ayman al-Zawahiri, qui « en avait marre des lubies fantasmatiques » de son chef, souhaitait l’éliminer. Il en aurait trouvé le moyen en s’appuyant sur Khaira, une épouse vieillissante de Ben Laden, revenue depuis quelques mois vivre auprès de son mari. Jalouse de la jeune Amal, elle aurait trahi son mari et, téléguidée par Al-Qaïda, l’aurait dénoncé aux Américains. C’est en tout cas, explique benoîtement le général, ce qu’Amal aurait raconté à la police… Des preuves ? « C’est comme pour l’affaire Kennedy », reconnaît l’officier. Le roman Ben Laden est un filon inépuisable.

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Extrait de La Mort de Ben Laden JACOB DUVERNET (3 mai 2012)

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