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Maladie de Parkinson : de nouvelles méthodes de traitement aux effets extrêmement encourageants
©Valery HACHE / AFP

Révolution ?

Une équipe de chercheurs canadiens serait parvenue à redonner à certains patients souffrant de la maladie de Parkinson - et immobilisés - la capacité de marcher, et ce même après plusieurs années, à l'aide d'un implant produisant une stimulation électrique.

André  Nieoullon

André Nieoullon

André Nieoullon est Professeur de Neurosciences à l'Université d'Aix-Marseille, membre de la Society for Neurosciences US et membre de la Société française des Neurosciences dont il a été le Président.

 

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Atlantico : Ces travaux menés par le professeur Mandar Jog, de la Western University (Londres, Ontario) sont-ils une réelle source d'espoir pour les patients ? 

André Nieoullon : N'en doutons pas, il s’agit bien là d’une avancée, qui pourrait effectivement bien se traduire par une amélioration de l’état de certains malades. En bref, les patients concernés sont ceux souffrant d’un stade avancé de la maladie de Parkinson, ayant pour certains de grandes difficultés à marcher, ce qui se traduit par une marche dite « à petits pas », voire par une difficulté particulière à initier la marche, dans une forme de piétinement initial que l’on désigne par freezing, en Anglais. L’idée développée par l’équipe canadienne est que, dans ces difficultés à initier le pas pendant la marche, il existe un déficit d’information du cerveau de ce qui se passe au niveau des jambes, considérant que -schématiquement- si le cerveau commande la musculature des jambes, en retour les muscles et les articulations envoient des signaux au cerceau attestant qu’ils ont bien exécuté les ordres qui leur ont été donné, ce qui contribue à poursuivre la séquence de déplacement. C’est en transposant une méthode déjà très utilisée de longue date avec succès par les neurochirurgiens pour lutter contre certaines douleurs chroniques chez des patients que l’équipe du Prof. Jog a pensé jouer sur ce retour des informations sensorielles vers le cerveau chez les patients parkinsoniens en les amplifiant,pour améliorer leur déplacement.

Fort de résultats encourageants chez les souris obtenus dès 2009 dans un modèle animal de la maladie de Parkinson, l’équipe a réalisé une étude pilote chez quelques malades (5 initialement) choisis par leur difficulté à se déplacer et souffrant de maladie de Parkinson en moyenne depuis plus de 10 années. Chez ces patients, des dispositifs de stimulation de la moelle épinière similaires à ceux utilisés chez des malades souffrant de douleurs chroniques ont été implantés par une approche de neurochirurgie fonctionnelle au niveau des vertèbres thoraciques afin de stimuler ce que l’on nomme la moelle dorsale, où cheminent les informations sensorielles se dirigeant vers le cerveau. 

En adaptant chez chacun des patients la fréquence de stimulation électrique utilisant de très faibles courants entre 30 et 130 Hz, les résultats de cette étude montrent de façon assez spectaculaire -parfois même très spectaculaire s’agissant de patients qui abandonnent leur fauteuil pour se remettre à marcher- une nette amélioration de la marche, se traduisant par une disparition du freezing et une augmentation de la longueur des pas et de la vitesse de déplacement. Il semble par ailleurs que les patients parkinsoniens soumis à cette étude aient aussi gagné en confiance pour marcher, en particulier en ayant un meilleur équilibre pendant la marche. Au total donc, des résultats plutôt encourageants publiés pour la première fois en 2017, puis en 2018, confirmant le fait que ces améliorations se maintiennent au fil du temps, au moins jusqu’à plus de 6 mois dans ces premières études. Par conséquent, il semble bien que le fait d’améliorer le retour vers le cerveau des informations sensorielles issues de jambes, contribue à l’amélioration globale de la marche des patients.

De façon intéressante, ces résultats paraissent avoir été reproduits en 2016 par une équipe de Sao Paulo chez 4 patients implantés et stimulés à 300 Hz, montrant là encore une amélioration des scores de l’ordre de 60% sur la qualité de la marche et de 40% sur la qualité globale de la vie, et plus récemment par une équipe française qui confirme dans un article à venir que la stimulation chronique de la moelle épinière chez certains patients parkinsoniens est à la fois sûre et efficace, conduisant non seulement à une amélioration de la marche et plus largement de la qualité de la vie, y compris sur des symptômes qui résistent souvent à l’administration de L-DOPA ou encore à la stimulation cérébrale profonde. 

Le professeur Mandar Jog indique également que ces effets perduraient même en cas de désactivation de l'implant, laissant ainsi entendre que la stimulation provoquée permettrait de réactiver la communication entre les jambes et le cerveau. Un tel résultat peut-il être conforme à ce qui est connu du processus de la maladie ?  

Vous avez raison de le mentionner : l’une des caractéristiques qui semble se dégager de ces travaux est que les effets persistent même après arrêt de la stimulation de la moelle épinière. Ces résultats sont particulièrement intéressants et sont interprétés comme liés à une sorte d’amplification des signaux sensoriels remontant des membres inférieurs vers le cerveau, ce que nous nommons le « feedback sensoriel » qui parait ainsi jouer un rôle déterminant dans le cas de la réalisation de la marche chez les patients parkinsoniens. Sur le plan théorique, nous imaginions que ces informations jouaient un rôle essentiel pour ajuster le pas lors de la marche lorsque le sol n’est pas uniforme, notamment, mais nous n’en avions jusque-là peu d’évidences directes. Par contre ces données sont conformes à une hypothèse que nous avions développée il y a de cela plusieurs années sur la base de données expérimentales suggérant que, chez le patient parkinsonien, le contrôle des mouvements plus ou moins automatiques comme la marche justement était modifié par la maladie. Sans vouloir développer, il faut juste imaginer que la réalisation des mouvements utilise normalement un déclenchement d’une séquence « programmée » par le cerveau spécifiant vitesse, direction et précision du geste, sans faire intervenir un retour sensoriel pour atteindre précisément la cible à atteindre. Dans le cas des patients souffrant de maladie de Parkinson, le mode de contrôle des mouvements serait modifié et le geste se ferait dans ce cas par ajustement successif de la position du membre vers la cible à atteindre, sous l’influence du « retour sensoriel », y compris visuel, qui informe le cerveau de la position instantanée du membre par rapport à la cible. Bien entendu, ce qui est alors gagné en précision est largement perdu en vitesse, puisque ces informations sensorielles doivent remonter vers le cerveau pour corriger les trajectoires, ce qui pourrait rendre compte de la lenteur relative du mouvement des parkinsoniens. Pour ceux qui seraient intéressés, j’ai développé récemment cette théorie dans un ouvrage publié en 2017.

Quelles sont encore les étapes à franchir pour qu'un espoir comme celui-ci puisse devenir une réalité pour les patients concernés ?

Comme le mentionnent les auteurs de l’ensemble des publications connues à ce jour, bien que les résultats soient encourageants, il ne s’agit pour le moment que d’études pilotes, sur un très faible nombre de malades. Il va donc falloir les répliquer sur un plus grand nombre et s’attacher à spécifier plus précisément les patients qui pourraient être concernées en priorité. Comme pour toutes les solutions disponibles aujourd’hui, il est vraisemblable que cette nouvelle approche de la maladie de Parkinson ne soit pas destinée à remplacer celles déjà disponibles, mais plutôt à compléter l’arsenal des possibles, notamment en ce qui concerne l’amélioration de la marche. Ces études complémentaires sont absolument nécessaires pour savoir si cette méthode, qui apparaît aujourd’hui comme très prometteuse, va, de fait, pouvoirêtre développée au profit du plus grand nombre. Le fait cependant que la technique de stimulation soit déjà largement utilisée par les neurochirurgiens pour traiter les douleurs chroniques en dehors de la maladie de Parkinson et qu’elle n’ait pas montré d’effets indésirables majeurs y compris chez l’ensemble des patients déjà concernés, constitue une garantie que son développement pourra être rapide, à la condition toutefois que les résultats des prochaines études confirment les résultats encourageants d’aujourd’hui.

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