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Les ventes de disques, qu'elles soient physiques ou digitales, sont en berne.
Les ventes de disques, qu'elles soient physiques ou digitales, sont en berne.
©Reuters

Monte le son !

Avec l'explosion du streaming, les ventes de disques, qu'elles soient physiques ou digitales, sont en berne. Les radios en ligne semblent ainsi prendre le pas sur toutes les autres formes d'écoute de la musique.

Pascal Comas

Pascal Comas

Pascal Comas est trader pour son propre compte. Passionné de musique, il collabora avec de grandes maisons de disques à la sortie des albums d'IAM, Massive Attack... Auteur d'un pamphlet intitulé Pensées à Rebrousse-Poil, il fut également co-directeur d'une grosse start-up suédoise.

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Atlantico : D'après une étude Américaine, l'écoute de musique en streaming a augmenté de 32% alors que les ventes totales physiques et digitales de disques ont baissé respectivement de 13% et 6% sur un an. Comment peut-on expliquer ce phénomène ? Comment en est-on arrivé là ?

Pascal Comas : Reprenons le déroulement des faits depuis 15 ans. Lorsque Internet a permis l'écoute en streaming limité et le téléchargement payant de titres, au début des années 2000, des projets très attractifs montés par des gens respectant les droits d'auteur sont apparus. Mais les majors du disque ont refusé de les laisser distribuer leurs catalogues car elles avaient pour ambition de monter leurs propres plate-formes en exclusivité. Elles ont lamentablement échoué et ouvert la voie à Napster et à toutes les plates-formes de peer to peer qui ont signé l'arrêt de mort du disque et des possibilités pour les artistes de passer harmonieusement à l'ère digitale en continuant à vivre de leur musique enregistrée. Il a fallu attendre l'arrivée de iTunes pour rétablir un système permettant de générer des revenus à partir de la vente de chansons, mais les maisons de disque ont du accepter a contre-cœur les conditions de Steve Jobs. Mais une majorité de personnes continuaient à pirater la musique, soit en s'échangeant les chansons soit en visitant le sites de téléchargement illégal. Le streaming a fini par s'imposer car la plupart des gens n'éprouvent pas le besoin de "posséder" les titres qu'ils écoutent, et parce que pour 10€ / mois, on leur permet d'acheter la bonne conscience de ne pas être en infraction et d'accéder à 15 millions de titres (Spotify). 

Quelle est la particularité de ces radios en ligne que sont Pandora, Spotify ou encore ITunes Radio, tant plébiscitées par les jeunes ? 

Hormis l'accès à de gigantesques catalogues pour une bouchée de pain, ces radios ont beaucoup travaillé sur les aspects de recommandations, d'orientations, de partages de playlists et tous les aspects communautaires des plates-formes digitales pouvant être appliquées à la musique, avec en plus les exclusivités accordées par les maisons de disques. 

Ces radios numériques pourraient-elles devenir la principale source d'écoute de musique dans les années à venir ? 

C'est à peu près certain et inévitable. 

Peut-on penser qu'un jour plus personne n'achètera de musique ?

Il est très difficile de se prononcer sur ce point. La tendance actuelle est d'offrir l'accès à des catalogues énormes pour des sommes dérisoires - ce qui est proche de la gratuité - et offre des revenus inexistants ou ridicules à la plupart des artistes. Certains musiciens de poids ont décidé de boycotter Spotify et les autres services de streaming. Mais pour les artistes moins importants, les labels s'opposent à ce boycott, ce qui prouve bien que dans la nouvelle donne, les labels trouvent leur compte alors que les artistes sont lésés. Certains acceptent le principe selon lequel leur musique doit être gratuite et les revenus doivent provenir d'autres prestations (concerts, merchandising...). Mon opinion, partagée avec de nombreux artistes, est que ce nouveau paradigme présenté comme inévitable est une grosse arnaque. On n'attend pas des écrivains qu'ils donnent leurs livres, ni des peintres qu'ils offrent leurs peintures... pourquoi des chansons qui ont souvent coûté beaucoup de temps et d'argent à produire devraient-elles être gratuites ou quasi-gratuites ? 

Si la télévision semble avoir réussi à s'adapter à la nouvelle donne du numérique, pourquoi l'industrie de la musique a-t-elle plus de mal ?

La télévision fonctionne selon le même principe que le streaming au niveau de ses rentrées (redevances ou abonnement + publicité), sauf que les acteurs, scénaristes, producteurs sont grassement payés pour leurs œuvres. Car la télévision présente un nombre limité de programmes vers une audience large, alors que le streaming musical n'est attractif pour quelqu'un que s'il a le sentiment de pouvoir écouter à peu près tout. 

Peut-on relancer la vente de disques aujourd'hui ? Quels moyens sont nécessaires pour y parvenir ? 

L'industrie du disque a fait une erreur magistrale : c'est d'enterrer le vinyle, enivrée qu'elle était par les chiffres énormes de la vente de CDs dans les années 90. Ce faisant, elle a ouvert la voie à la copie digitale, puis a ensuite prodigieusement échoué à créer un environnement favorable au maintien de revenus acceptables pour elles et leurs artistes, et d'offres attractives pour les consommateurs. Le vinyle reste le meilleur support aussi bien en terme de son que d'intérêt artistique et de magie. Il a survécu grâce aux DJs et collectionneurs, et à présent quelques effets de modes. Il est difficile de dire s'il pourra opérer un vrai retour, d'autant plus que beaucoup de labels abusent les amateurs en faisant payer des prix astronomiques pour certaines rééditions ou éditions limitées. Le CD est mort et enterré, même si tout le monde ne s'en est pas encore rendu compte. Il reste donc le streaming, le téléchargement la plupart du temps en MP3, et le vinyle. Le seul à offrir un son non compressé et chaud est le vinyle. Il est extrêmement regrettable que la plupart des consommateurs de musique, y compris de nombreux DJs, n'écoutent et ne diffusent que des formats MP3, quelquefois en se donnant bonne conscience car c'est du MP3 à 320kbps. La différence est pourtant abyssale avec le son du vinyle ou même des fichiers numériques WAV ou AIFF. Au point que les capacités auditives des personnes n'écoutant que des formats compressés régressent et ne distinguent plus les dynamiques présentes sur un vinyle des Beatles par exemple. Je pense qu'il est urgent de revenir à une offre privilégiant la qualité à la quantité. Qualité de l'audio, qualité des sélections, qualité de l'information (souvenez-vous des textes sur les pochettes de vinyles). Autant de souhaits très peu compatibles avec les intérêts des majors et des annonceurs, sauf pour des marchés de niche dont j'espère qu'ils pourront se développer. 

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