Mais qui songe à tirer les leçons de la débâcle européenne sur les vaccins ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le drapeau européen et une seringue pour vacciner contre la Covid-19.
Le drapeau européen et une seringue pour vacciner contre la Covid-19.
©JUSTIN TALLIS / AFP

Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?

L’UE a une longue histoire de politiques déployées sans succès. Et sans remise en cause…

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Atlantico : Sur le dossier des vaccins pourquoi est-ce que nous n’apprenons rien, notamment sur les leçons de nos erreurs ? Les bonnes pratiques dans la stratégie vaccinale ne sont pas forcément appliquées, notamment sur le dossier de l’achat des vaccins.

Bruno Alomar : Observons d’abord qu’il y a une difficulté énorme de l’Union européenne à faire à froid ce que les militaires appellent le « retex », c’est à dire le retour d’expérience. 

L’exemple emblématique est le Brexit. C’est, à l’évidence, la plus formidable remise en cause de toute la construction européenne que l’on ait jamais vue. Or ni les institutions européennes, ni les Etats membres n’ont jugé opportun, à aucun moment, de tenter d’en faire l’analyse. Au contraire, ils se sont réfugiés dans une succession de dénis.

Comment en est-on arrivé là ? Il y a beaucoup d’explications.

D’abord la médiocrité croissante des gens qui l’incarnent, et sur laquelle il y aurait beaucoup à dire. L’on pourrait aussi évoquer le désalignement des cycles électoraux dans les pays, et l’instrumentalisation par les politiciens nationaux du sujet européen : il n’est pas toujours de leur intérêt de critiquer l’UE, même pour le bien de cette dernière.

Il y a, plus fondamentalement, la difficulté, consubstantielle à la plupart des politiques européennes, à isoler ce qui est purement européen et ce qui demeure de niveau national. Comment voulez-vous sur la question des vaccins être capable de dire qui a fait quoi, qui s’est trompé à quel moment et pourquoi ? C’est extrêmement complexe. C’est bien pour cela que l’UE ne marche – au sens « agit sans équivoque pour être éventuellement critiquée » - vraiment que dans les domaines fédéralisés (monnaie, concurrence, commerce).

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Sur la question de l’euro, nous avons besoin d’une politique commune qui dure. L’idée de l’euro a émergé en 1970 et cela s’est réellement mis en œuvre en 2000. Pourquoi les actions menées sont maintenant prises sous le signe de la rapidité. Le temps long de la construction européenne qui a du sens ne semble plus être respecté…

Bruno Alomar : Pour l’euro, on voit bien à quel point cela a d’abord mis énormément de temps à se faire. Le rapport Werner date de 1970. Il y a eu tout le processus du serpent monétaire et du système monétaire européen (SME). Puis les trois phases de l’UEM. Puis la création proprement dite de l’euro. Tout cela a pris un temps fou, et le moins que l’on puisse dire, est que le résultat est critiquable (et critiqué).

Si l’on prend la question des vaccins, il y a un sentiment d’urgence à changer les politiques européennes depuis quelques années. Il s’agit bien d’un sentiment d’urgence. Cette urgence est imposée par les faits. Prenons quelques exemples.

La décision de sortie du nucléaire allemand en 2012 a impacté fantastiquement la politique énergétique européenne. C’est le résultat d’une pression extérieure. Pour la politique migratoire avec la situation des Syriens en 2015, là encore c’est arrivé de l’extérieur. La création de l’Union bancaire, l’union bancaire à partir de la crise de Lehman Brothers, c’est encore une pression extérieure. 

Tout ceci dit en réalité une chose : le temps s’est considérablement accéléré depuis 1989, et l’UE en a de moins en moins plus la maîtrise. Prenons la Chine : qui aurait pu prédire en 2000 qu’elle en serait là en 2021 ? Or, plus le temps s’accélère, et plus l’UE est lente. Car elle a de plus en plus d’États membres. Car le droit y prend de plus en plus de place. Elle est simplement insuffisamment agile.

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Est-ce que des choix pourraient être faits pour créer une unité en Europe avec la stratégie vaccinale où l’on commande des vaccins ?  

Bruno Alomar : La réponse est non. Le problème est là. Le problème c’est que l’on parle d’une chose qui en fait n’existe largement pas, qui est l’UE. Si par UE on entend l’identification claire d’intérêts et de traits de caractéristiques des peuples des 27 Etats membres, il est de plus en plus difficile de la discerner. Les Etats et les populations qui la composent n’ont pas les mêmes perceptions et les mêmes intérêts. 

C’est pour cela que l’Union européenne n’avance pas. Elle ne peut plus avancer sainement parce qu’il n’y a plus de terreau et de terrain d’intérêts communs tels que les États membres sont capables de les identifier rapidement et se donner ensemble des moyens d’action.

Alors que faire ?

Bruno Alomar : C’est très simple : faire – enfin - une analyse à froid de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Arrêter de bâtir des châteaux en Espagne. Et surtout, surtout, que chacun comprenne, à commencer par les citoyens, que le siège de la responsabilité politique et donc démocratique, est pour l’essentiel dans les Etats et nulle part ailleurs.

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