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Mais qui a encore le temps de se concentrer sur sa conduite tout en respectant des variations de limitations de vitesse de plus en plus nombreuses ?
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Abus de panneaux

La départementale 974 -entre Beaune et Dijon- détiendrait le record français des variations de limites de vitesse : environ 42 sur 36km, soit une toutes les 45 secondes.

Philippe Vénère

Philippe Vénère

Philippe Vénère a été policier pendant 40 ans. Ce grand spécialiste français du doit des automobilistes a été notamment commissaire divisionnaire et officier du ministère public du tribunal de police de Paris de 1992 à 1996. Il a également enseigné à Paris 8 où il a effectué plusieurs travaux de recherche sur la délinquance des mineurs.

Il a publié Manuel de résistance contre l'impôt policier (J'ai lu / mars 2011) et Les flics sont-ils devenus incompétents ? (Max Milo / septembre 2011)

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Atlanico : En dehors du cas de cette départementale, ailleurs en France, les limitations de vitesse apparaissent de plus en plus variées, voire parfois incohérentes. Cette complexité ne le rend-elles pas dangereuses ? 

Philippe Vénère : Effectivement,  ces limitations de vitesse de plus en plus variées sont sources de gène considérable. L'automobiliste, tout en les respectant, se retrouve piégé à cause de ces variations injustifiées. Une portion de la route peut désormais être limitée à 80 km/h, et passer quelques mètres plus loin à 90 avant de repasser ensuite en 80… Ne pouvant pas porter son regard sur tout –sur le volant, les vitesses, les panneaux de signalisation…-  le conducteur s'en trouve –en quelque sorte- traumatisé.

Selon moi, ces limitations sont généralement injustifiées voire abusives. Il suffirait que l'on aménage mieux les chaussées, que l'on améliore le réseau routier tout en laissant une vitesse constante. En effet, toucher sans cesse aux limitations de vitesse vide le code de la route de tout son sens. Or,  cette incohérence papable sur tout le réseau –autoroutes incluses-  est un facteur d'inattention non négligeable. D'un instant à l'autre, une route sur laquelle la vitesse de rigueur devrait être de 130km/h se retrouve à 120km/h… Plutôt que de se concentrer sur le trafic, le conducteur se voit obliger de fixer constamment les panneaux par peur d'avoir une amende.

Cela est d'autant plus injustifié que la plupart du temps on ignore la raison d'être de ces variations de vitesse. Il peut s'agir d'un arrêté préfectoral comme d'une décision émanant de la commune que la route traverse. Dès lors, sans raison manifeste on se trouve forcé de guetter les panneaux constamment, or les yeux rivés sur le compteur, on ne vérifie pas la route et accident est vite arrivé ! Et le tout, sans bénéfice aucun pour la sécurité routière…

Pourquoi multiplier les limitations de vitesses ? Quels sont les effets escomptés ?

Ces multiplications de limitations de vitesse ont pour but premier de rendre les routes plus sûres. Se faisant, c'est un échec cuisant. Ce millefeuille de limitations et de mesures est le fait de lobbys et d'associations qui pensent que réglementer la vitesse conduira forcément à une meilleure sécurité routière et à une baisse de la mortalité. Or ceci est faux : les réglementations se multiplient et aucune baisse drastique de la mortalité ne suit.

Le code de la route –lorsqu'il est respecté- est sans danger. Ce qu'il faut, ce n'est donc pas multiplier les restrictions de vitesse mais bien améliorer la condition des routes et multiplier la présence des gendarmes et de policiers qui, remplacés par des radars, ont globalement disparu.

Les routes dans leur état actuel sont sources d'accident. Par exemple, les nationales sont massivement empruntées par les poids lourds, or puisque ce sont des routes à une seule voie et limitées à 80km/H ou 90km/h, lorsqu'un automobiliste est bloqué derrière un camion et qu'il tente de le doubler –à une vitesse qui ne le permet pas- il augmente ses risques d'avoir un accident. Ce qu'il faut c'est prendre conscience de la réalité de ces routes et créer davantage de deux et quatre voies. De plus, les routes sont bien souvent en très mauvais états. Il n'y a que regarder celles qui avaient été touchées par le dégel en début d'année : un an après et à l'approche de nouveaux dégels, elles n'ont toujours as été réparées ! Voilà donc la source réelle des accidents !

D'autre part, l'absence ou du moins la présence de moins en moins soutenue de policiers ou de gendarmes sur le bord des routes n'améliorent rien. Un radar, contrairement à un policier ne vérifie pas le taux d'alcoolémie des conducteurs ni leur consommation de stupéfiants. Or, sans vérifications régulières les risques d'accidents sont multipliés.

Dans les faits, quelles en sont les conséquences pour les automobilistes ? Ces routes -marqués par de nombreuses variations de vitesse- sont-elles généralement, aussi, les plus meurtrières ? 

Les statistiques annoncent régulièrement une baisse des morts sur la route, mais j'en doute fortement. A titre d'exemple, alors que les autorités avaient annoncé qu'entre 2003 et 2013, 36 000 vies avaient été sauvées grâce aux radars ; l'Insee a déclaré  -pour sa part- que les radars n'avaient épargné qu'un millier de vies…

Ainsi il en va de même pour les variations de limitation de vitesse : elles ajoutent bien plus aux risques qu'elles n'en retirent. Modifier sans cesse les limitations de vitesse prévues par le code de la route n'apporte aucune réponse en matière de sécurité routière. Bien au contraire, comme je le disais plus haut, ce type de variations perturbent le conducteur, le déconcentrent devenant ainsi la source d'accidents supplémentaires.

Aujourd'hui, il y a des réelles mesures à prendre. Encore une fois, il s'agit d'améliorer l'état des routes et d'augmenter le nombre de policiers et des gendarmes postées sur celles-ci. Or à présent, alors que notre réseau routier est l'un des plus mauvais d'Europe, rien de concret n'est fait.  Les mesures technocrates s'accumulent mais les résultats ne sont tristement pas à la hauteur. Il convient donc de repenser tout ceci.

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