Mais pourquoi sommes-nous tous aussi tentés par le livre de Valérie Trierweiler ou par les photos volées de Jennifer Lawrence nue ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le livre de Valérie Trierweiler intrigue tout le monde.
Le livre de Valérie Trierweiler intrigue tout le monde.
©Reuters

Indécence, quand tu nous tiens

Avouez-le. Le livre de Valérie Trierweiler vous intrigue, tandis que vous n'auriez pas été contre regarder les photos de Jennifer Lawrence nue. C'est normal, c'est humain et c'est vicieux.

Emmanuelle Lacroix

Emmanuelle Lacroix

Emmanuelle Lacroix est psychologue et psychothérapeute (voir son site).

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Atlantico : Les photos de Jennifer Lawrence et la publication du livre de Valérie Trierweiler apparaissent comme deux nouvelles brèches ouvertes dans la vie privée de célébrités et émoustillent l'opinion publique. Comment expliquer cet engouement ? Qu'est-ce qui nous fascine tant dans la vie privée des célébrités ? Qu'est-ce qui nous pousse à lire la presse people ?

Emmanuelle Lacroix : Il est important dans un premier temps de bien se rendre compte qu’il s’agit là de deux histoires impliquant un aspect sexuel. Valérie Trierweiler a été trompée, tandis que Jennifer Lawrence s’est retrouvée nue sur Internet. Il y a donc là une curiosité (très) mal placée à entrer dans l’intimité quasi-sexuelle de ces célébrités. D'autant plus que l'on vit à une époque où la sexualité est fortement mise en avant, où elle intéresse d'autant plus les gens qu'elle est moins taboue. On ajoute à cela également un aspect légèrement "sadique" de voir une star, une personne qui a un certain pouvoir et une certaine aura, déchoir.

Par ailleurs, cet engouement s’explique également par le fait que l’on se retrouve face à des célébrités qui traversent des moments difficiles. On se jette dans leur vie privée avec une foule d’a priori, c’est-à-dire que l’on a inconsciemment dans l’idée que leur vie est simple, facile, fluide – notamment du fait de l’argent – avant de se rendre compte que non, que finalement eux aussi traversent des moments très douloureux. Cela nous déculpabilise, nous rassure, tandis que les célébrités en question se retrouvent humanisées.

Peut-on alors presque parler de catharsis ?

Oui, on peut en quelque sorte parler de catharsis en effet. C’est-à-dire que l’on va se libérer de ses propres angoisses ou pulsions à travers leur vie. Il ne faut pas oublier l’aspect identificatoire de nos comportements face à ces célébrités. Si l’on va regarder ce type d’articles ou si l’on va s’intéresser à ce type de livres, c’est aussi parce que l’on cherche à comprendre pourquoi : pourquoi Jennifer Lawrence a-t-elle pris des photos d’elle nue, pourquoi Valérie Trierweiler a-t-elle été trompée, pourquoi ne s’en est-elle pas rendue compte, etc. On s’identifie à ces histoires, on s’y projette, qu’on les ait déjà vécues ou non.

Ce qui est intéressant également dans le cas de Valérie Trierweiler est que cette histoire implique un double sentiment. A la fois on va ressentir de la compassion pour cette femme, mais en même temps, on ne va pas pouvoir s’empêcher de se dire que quelque part, elle aussi a été la briseuse de ménages et que sa faute se retourne contre elle, justement.

Pour autant, certains faits ne présentent à priori aucun intérêt et suscitent malgré tout l'attention d'une partie des lecteurs. Qu'est-ce que la vie de tous les jours – comme par exemple leurs habitudes de vies, leur vêtements, etc. – des célébrités a alors de fascinant ? Est-ce le même mécanisme que l'attrait pour les commérages ?

Concernant les évènements de tous les jours, ce qui nous intéresse finalement c’est d’éventuellement copier certaines choses, comme par exemple un sac à main, une tenue ou un régime, afin de devenir finalement un peu célèbres nous-mêmes. C’est-à-dire que si je porte le même sac que Kate Moss, j’aurais à mon tour quelque chose de l’aura de Kate Moss. Et c’est d’ailleurs pour cela que l’on utilise l’image de célébrités pour vendre certains produits.

Je pense notamment à Marilyn Monroe et Chanel N°5. Tout le monde connaît cette phrase : "la nuit, je ne dors qu’avec quelques gouttes de Chanel N°5". A l’époque, elle incarnait la beauté, la sensualité et la féminité, et toutes les femmes souhaitaient lui ressembler ou du moins, incarner la même chose. En portant du Chanel N°5, les femmes accédaient donc à une partie de cette image. Une fois de plus, il y a là tout un aspect identificatoire, un aspect miroir.

Il ne faut pas non plus oublier le rêve que dégagent ces personnalités ! Elles sont toujours belles, toujours impeccables, extraordinaires, presque divines et en copiant une partie de leur mode de vie ou de leur possession matérielle, on met un pas dans un idéal.

Enfin, un autre aspect est important : la continuité. On suit certaines célébrités depuis leur début et lire leurs bonheurs et déboires diverses s’inscrit dans un contexte de "prise de nouvelle", c’est-à-dire que l’on va lire des articles les concernant, comme on va prendre des nouvelles d’une amie. On s’attache en quelque sorte. Et ce n’est pas sans parler de ces célébrités qui se situent dans la même tranche d’âge que nous et auxquelles on s’identifie particulièrement, avec qui l’on va grandire et vivre, à quelques mois ou années d’intervalle, les mêmes étapes fondamentales d’une vie.

La vie privée des stars fascinent depuis toujours et semblent finalement se répéter. Pourquoi aujourd'hui encore y a-t-il le même intérêt, si ce n'est plus ?

Il y a effectivement beaucoup plus d’intérêt aujourd’hui du fait de la facilité d’accès de ce type d’informations grâce à Internet et aux médias. D’une part, l’information arrive en masse et plus rapidement, et d’autre part, les internautes sont aujourd’hui sollicités sur presque chaque site par des sujets un peu "people". Mais si l’on cherche à éviter ce type de sujets, on tombera inévitablement sur un lien qui pourra nous mener vers l’un de ces articles si l’on clique dessus. Avant Internet, il fallait aller dans un kiosque à journaux acheter le magazine qui pourra renseigner sur les évènements people. Par conséquent, les gens étaient moins fascinés.

Autre point à ajouter : avec la téléréalité, on fabrique des pseudo-stars qui partent de rien, ou éventuellement d’un certain talent de danseur, chanteur ou cuisinier, et qui deviennent quelque chose – pour un temps du moins. Et par ce biais, la société nous vend l’illusion que l’on peut tous devenir une star demain, que cela est facile, accessible. Et pourtant, quelle star de téléréalité reste célèbre vraiment ?

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