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Mais pourquoi les Français épargnent-ils une part non négligeable du pouvoir d’achat gagné ces derniers mois ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Fourmis

Le taux d’épargne des ménages français remonte depuis fin 2018, malgré les mesures annoncées pour soutenir le pouvoir d’achat.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Malgré des mesures annoncées par le gouvernement afin de renforcer le pouvoir d'achat, le taux d'épargne des Français est en hausse depuis fin 2018. Quelles sont les raisons principales de cette tendance des ménages à l'épargne ? Sur quoi se concentre-t-elle ?

Philippe Crevel : Depuis la fin de l’année, le taux d’épargne est en augmentation. Il retrouve les niveaux atteints durant la crise des dettes souveraines entre 2011 et 2012. Les Français sont en mode fourmis. De nombreux facteurs contribuent à cette progression, certains sont d’ordre conjoncturel, d’autres de nature plus structurelle.

La France a peur de demain ou plutôt les Français ont peur. Les incertitudes économiques et sociales les conduisent à mettre de l’argent de côté. La crise des gilets jaunes en fin d’année 2018 les a conduits à reporter leurs dépenses de consommation en les empêchant d’accéder aux centres commerciaux et aux centres-villes. Mais, au-delà des blocages, cette crise les a amenés à être prudents en matière d’achats durables. Le caractère anxiogène de la crise a pesé sur le niveau global des dépenses de consommation. Il y a certes eu un rattrapage en janvier mais qui n’a pas compensé le manque à gagner de la fin d’année.

Les variations de l’inflation influent également sur le comportement des ménages. En période de remontée des prix, les ménages augmentent traditionnellement leur effort d’épargne. Ils mettent de l’argent de côté pour se prémunir des prochaines hausses. Or, depuis plus d’un an, le pétrole et les énergies qui lui sont liées font le yo-yo.

Au-delà de la défiance et des variations des prix, il faut prendre en compte que la France vieillit. Or, une population plus âgée consomme moins et épargne davantage surtout que de plus en plus de Français estiment que les pensions de retraite seront rognées dans les prochaines années. Enfin, pour acquérir un bien immobilier compte tenu de l’augmentation des prix, les apports personnels doivent être plus importants ce qui contribue à la hausse du taux d’épargne.

Le Livret A et l’assurance vie en sont les principaux bénéficiaires de cette préférence pour l’épargne. Ainsi, pour le sixième mois consécutif, le Livret A enregistre, en avril, une collecte positive de 1,94 milliard d’euros. Avec le LDDS, la collecte s’élève à 2,46 milliards d’euros portant le gain sur les quatre premiers mois de l’année à 12,13 milliards d’euros. L’encours du Livret A bat ainsi un nouveau record à 293,6 milliards d’euros. En intégrant le LDDS, l’encours dépasse 402 milliards d’euros.

L’assurance vie a, de son côté, enregistré une collecte nette, en avril,de 3,4 milliards d’euros. Il faut remonter au mois de décembre 2012 pour retrouver une collecte supérieure.Sur les quatre premiers mois de l’année, la collecte brute est de 50,4 milliards d’euros (49,1 milliards d’euros sur la même période en 2018) et les prestations se sont élevées à 39,2 milliards d’euros (contre 41 milliards d’euros en 2018). La collecte nette atteint dans ces conditions 11,2 milliards d’euros contre 8,1 milliards d’euros en 2018.

Le gouvernement avait annoncé plusieurs mesures pour soutenir le pouvoir d'achat en France. Pourquoi n'ont-elles pas eu le résultat escompté ?

Les ménages ont décidé d’épargner une partie non négligeable de leurs gains de pouvoir d’achat générés par la baisse de l’inflation et les mesures prises par le Président de la République (heures supplémentaires défiscalisés, primes de fin d’année, etc.) pour traiter la crise des « gilets jaunes ». Avec le versement de l’acompte des réductions d’impôt au mois de janvier, c’est une dizaine de milliards d’euros qui ont été redistribués. Mais, pour le moment, la fourmis l’emporte sur la cigale. Le recul de l’investissement immobilier et des immatriculations de véhicules neufs sont des manifestations de cette préférence pour l’épargne financière.

Les annonces contradictoires en début d’année sur l’état de la conjoncture ont certainement inquiété les ménages qui restent dubitatifs face à l’amélioration de la situation du marché de l’emploi. Le climat de défiance est important ce qui les conduit à être prudents. Ils préfèrent conserver d’importantes liquidités et renforcer également la poche « assurance vie » en fonds euros.

Quelles pistes pourrait explorer le gouvernement d'Edouard Philippe pour inverser cette tendance ?

La restauration de la confiance ne se décrète pas. Elle se construit jour après jour. Il faut éviter les changements de caps inconsidérés. Depuis le début de l’année 2018, le gouvernement godille. Le Premier Ministre devrait énoncer clairement des objectifs : miser sur le digital, les biotechnologies, l’innovation, etc. Le Président de la République a déclaré remettre le travail au cœur de l’économie mais il faudrait que le gouvernement traduise cette incantation en actes. La désescalade des prélèvements avec un plan crédible assis sur une décrue des dépenses publiques seraient à même de relever la confiance.

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