Mais pourquoi le pôle sud de la Lune attire-t-il autant les agences spatiales ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration AFP
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©Dibyangshu SARKAR / AFP

Vers l'infini et au-delà ?

Récemment, le pôle sud de la lune a fait l'objet de plusieurs missions spatiales, réalisées par différentes équipes internationales. Les éléments à connaître pour comprendre pourquoi il intéresse (ou semble intéresser !) les scientifiques davantage que le pôle nord.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : La mission indienne Chandrayaan-3 a révélé de nouvelles informations sur l'énigmatique pôle Sud de la Lune. De futures missions dans cette région sont prévues par différents pays. Pourquoi assiste-t-on à de plus en plus de missions vers l'énigmatique pôle Sud de la lune ? Qu’est-ce qui la rend si attractive et attrayante ? Toutes les agences spatiales sont-elles concernées et que souhaitent-elles y faire ?

Olivier Sanguy : La mission Chandrayaan-3 est en effet un grand succès pour l’agence spatiale indienne ISRO. Elle a réussi un atterrissage par environ 69° de latitude Sud, donc l’arrivée en douceur la plus proche du pôle Sud sélène (même si cela reste loin en terme de distance). Elle y a aussi déployé un rover qui a pu activer ses instruments. Cette réussite s’inscrit dans un élan général de retour vers la Lune avec les États-Unis bien sûr, ainsi que la Corée du Sud, le Japon, la Russie, etc. C’est d’ailleurs pourquoi à la Cité de l’espace de Toulouse nous avons une exposition intitulée Lune : Épisode II, l’épisode I ayant bien évidemment été celui de la course entre l’Union soviétique et les États-Unis dans les années 1960 et remportée par ces derniers avec le programme Apollo. La Lune s’impose dans les agendas des agences spatiales pour plusieurs raisons. Tout d’abord, Apollo a donné à tort l’impression que tout était dit sur notre satellite naturel. On a appris certes beaucoup, mais il reste tellement encore à apprendre ! Ensuite, la Lune est la destination idéale pour les agences qui souhaitent bâtir un programme d’exploration du Système solaire. Notre voisine céleste représente un défi suffisamment intéressant tout en étant atteignable. C’est tout de même le corps céleste le plus proche de la Terre. Autre raison plus terre à terre : la Lune offre un temps de mission compatible avec les échéances politiques. En clair, un gouvernement qui initie un projet lunaire peut espérer être toujours présent lorsque la mission (surtout si elle de type robotique) se réalisera. Si le pôle Sud attire tant, c’est qu’il s’agit d’une région peu connue. Elle a été observée depuis l’orbite par des sondes, mais pas par des engins qui s’y sont posés en douceur. Rappelons qu’en 2009, la mission de la NASA LCROSS (Lunar Crater Observation and Sensing Satellite) consista en un crash volontaire d’un étage de fusée suivi d’une sonde d’observation dans le cratère Cabeus à seulement 100 km du pôle Sud lunaire afin d’y détecter la présence de glace d’eau. S’agissant d’une arrivée de type impact, ce n’était pas un alunissage en douceur !

Est-ce une zone particulièrement difficile d’accès d’un point de vue technique ? La mission russe a notamment récemment échoué…

Il est trop tôt pour savoir si l’échec de la mission russe est lié au fait que Luna-25 visait une zone proche du Pôle Sud. En revanche, atteindre les zones polaires de notre satellite naturel, au nord ou au sud d’ailleurs, demande plus d’énergie. Les missions Apollo par exemple visaient essentiellement des zones assez proches de l’équateur lunaire, car celles-ci sont plus accessibles en terme de dépense d’ergols (carburant et comburant du système de propulsion) et donc en gestion de ceux-ci. De plus, la région polaire sud est considérée plus délicate en matière d’atterrissage en raison de ses reliefs accidentés (nombreux cratères notamment) et un éclairage du Soleil plus proche de l’horizon, créant des ombres portées plus longues et donc de larges zones peu ou pas visibles.

Que pourrait cacher le pôle Sud de la Lune ? Que recèle cette zone de la Lune pour la recherche et l’exploration notamment ? Certains évoquent de la glace ou des indices plus précis sur la composition du sol lunaire. Cette zone pourrait-elle servir de ressource pour les astronautes et comme tremplin pour de futures découvertes scientifiques ?

La glace d’eau est clairement un élément majeur de recherche. On pense qu’elle existe plus ou moins mêlée au sous-sol à l’abri de zones perpétuellement à l’ombre de cratères proches du pôle Sud. D’où vient cette glace d’eau ? De bombardements météoritiques ou de comètes ? Comment a-t-elle subsisté ? En quelles quantité et concentration ? Des questions sur lesquelles on a émis bon nombre d’hypothèses en fonction des données récoltées jusqu’à aujourd’hui, mais qui exigent d’aller sur place pour apporter des réponses bien plus définitives.

En ce qui concerne de futures missions habitées, le Sud de la Lune offre quelques avantages. On y a repéré des endroits où le Soleil est quasiment en permanence présent, même si très bas sur l’horizon. Ceci signifie que la nuit lunaire et ses températures extrêmement basses (-200°C) sera très courte et qu’à l’inverse on générera presque tout le temps de l’électricité avec des panneaux solaires. La glace d’eau, si exploitable, fournit le précieux liquide ainsi que de l’oxygène et de l’hydrogène qui seront autant de ressources à ne pas amener depuis la Terre. Pour faire simple, l’eau se boit ou sert à arroser des potagers dans des serres, l’oxygène se respire alors que l’hydrogène et l’oxygène sont respectivement un carburant et un comburant pour certains types de propulseurs. Pour le moment, il ne s’agit pas de construire des vaisseaux sur la Lune afin qu’ils décollent plus aisément grâce à la gravité sélène moindre. Cette idée exigerait de bâtir sur la Lune l’équivalent des industries spatiales sur Terre… Toutefois, disposer de ressources sur place permettrait une plus grande autonomie pour de futurs habitats à visée scientifique. Cette logique appelée ISRU pour In-Situ Resource Utilization (utilisation des ressources locales) peut potentiellement changer la donne en matière d’exploration spatiale. Les schémas de missions martiennes étudiés par la NASA reposent pour certains sur le principe de fabriquer le carburant du retour sur la planète rouge au lieu de l’emmener. La Lune apparaît alors comme l’endroit idéal pour tester et fiabiliser les technologies de l’ISRU.

Qu’est que cette zone, cette localité pourrait nous apprendre sur la Lune ? De nouvelles ressources pourraient-elles être découvertes ?

Le pôle Sud sélène est un endroit fascinant en lui-même, ne serait-ce que par la présence du bassin Pôle Sud-Aitken, plus grand bassin d’impact sur notre satellite naturel avec 2500 km de diamètre et qui présente une composition différente d’autres régions. Étant donné qu’il résulte d’une collision cataclysmique voici un peu plus de 4 milliards d’années, il se peut que des éléments des couches inférieures de la croûte lunaire aient été excavés. Mais il faudra étudier plus avant cette zone pour en être certain. Plus généralement, mieux comprendre la géologie lunaire, donc l’histoire de la Lune, c’est aussi mieux comprendre l’histoire de notre propre planète, puisque la Lune est un morceau arraché à la Terre suite à une énorme collision voici environ 4,5 milliards d’années. Cette hypothèse de l’impact géant est celle qui correspond le mieux aux observations. Mais en science, il n’y a pas de dogme et le nouvel élan spatial vers la Lune se présente comme une belle occasion en vue de vérifier cette hypothèse. Pour ce qui est de nouvelles ressources, la Lune étant un morceau de Terre, on n’y trouvera probablement pas de choses hors du commun. En l’état actuel de la technologie spatiale, et pour encore un bon moment, toute ressource même très précieuse sera trop chère à ramener sur Terre comparée à la même ressource prélevée, y compris dans des conditions difficiles, sur notre planète. On a certes pas mal évoqué l’hélium-3 qui pourrait alimenter des centrales à fusion. Mais, tout d’abord, la proportion de cet isotope sur la Lune reste peu connue, ce qui fait que la réalité de son extraction en quantité suffisante est difficile à évaluer. Ensuite, la centrale à fusion opérationnelle au point de générer de l’électricité n’est pas encore au point. Et la fusion avec de l’hélium-3 n’est pas la plus simple à mettre en œuvre.

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