Mais pourquoi la gauche française est-elle autant dans les choux quand celles d’Europe du Nord sont au pouvoir ? <!-- --> | Atlantico.fr
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La maire de Paris, membre du Parti socialiste français (PS), Anne Hidalgo, à Rouen après avoir annoncé son intention de se présenter comme candidate du PS aux élections présidentielles de l'année prochaine.
La maire de Paris, membre du Parti socialiste français (PS), Anne Hidalgo, à Rouen après avoir annoncé son intention de se présenter comme candidate du PS aux élections présidentielles de l'année prochaine.
©THOMAS SAMSON / AFP

SOS Disparue

Ce samedi, le PS organise un grand meeting à Lille pour valider l’investiture d’Anne Hidalgo et, surtout, tenter le massage cardiaque d’une candidature en perdition sondagière.

Pierre Martin

Pierre Martin

Docteur en science politique de l'Institut d'études politiques de Paris (1983), il est chercheur associé au laboratoire PACTE à l'IEP de Grenoble. 

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Atlantico : Si la gauche française n’arrive plus à reprendre une place de premier plan sur l’échiquier politique, en Europe du Nord elle vient de placer plusieurs de ses membres à la tête de gouvernements. De quelles manières la gauche arrive-telle à rester dans la course sur cette partie du continent ? 

Pierre Martin : La gauche sociale-démocrate des pays de l’Europe du Nord perdure en partie car les systèmes politiques n’y sont pas aussi polarisés qu’en France. Ces partis sont élus dans le cadre de la proportionnelle et ils dirigent grâce à des coalitions. Cependant ces grands partis ont déclinés, les sociaux-démocrates d’Europe du Nord recueillent seulement 20 à 30 % des votes. Il y a une trentaine d’années, ils étaient récoltaient 35 à 45 % des suffrages. C’est un déclin considérable, mais pas un effondrement et il n’y a pas d’autre force politique capable de les remplacer comme gauche de gouvernement car ils n’ont pas échoués au pouvoir même s’ils ont déçu une partie de leur base. Ils arrivent à tenir un certain nombre d’engagements qu’ils ont pris et quand la protestation est trop forte ils opèrent des changements de politiques.

Si l’on prend l’exemple de l’immigration dans les pays d’Europe du Nord comme le Danemark ou la Suède, ils l’ont fermé. Ces partis ont conservé de par leur lien avec les syndicats et leur politique industrielle un lien plus fort avec le monde ouvrier. Ce monde a moins disparu qu’en France dans ces pays car leurs économies sont tournées vers l’exportation. Il y a une politique de conservation de l’industrie et un mouvement syndical qui n’a pas la même histoire qu’en France. Il est beaucoup moins divisé et n’a pas de caractère idéologique et révolutionnaire, mais un lien beaucoup plus fort avec les partis socialistes ou sociaux-démocrates. Cela n’a pas empêché leur déclin, mais ces partis ont conservé une base populaire importante. Même si des personnes diplômés, de classes moyennes et ne provenant pas du monde ouvrier sont arrivées à leurs directions, ils ont conservé une base populaire, et leur chute n’a pas atteint le niveau du parti socialiste français. Si l’on regarde la situation du parti travailliste anglais sa baisse est sans commune mesure avec celle du PS. Le labour de Jeremy Corbyn a obtenu 30 % des suffrages, ce n’est pas la même chose que 6%. Ils ont réussi à conserver le cœur populaire de leur électorat.

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Alors dans quelle situation est la gauche française aujourd’hui ? 

Dans notre pays, la gauche pouvait être au pouvoir en France grâce au Parti socialiste. Deux types de partis existent : les partis « locomotives » et les partis « wagons ». Pour que les wagons participent au gouvernement, il faut qu’il s’accroche à une locomotive. Les grands partis de pouvoir, c’est eux les locomotives. À gauche, la locomotive socialiste s’est effondrée et visiblement elle n’est plus réparable, il ne reste plus que les wagons… 

Aujourd’hui le PS n’est plus vraiment crédible, pour assumer les fonctions gouvernementales comme on peut le voir avec les résultats obtenus par Anne Hidalgo dans les sondages. 

Comment le PS français, pilier de la vie politique française, est-il arrivé à une situation où sa candidate obtient 5% d’intention de votes à la présidentielle quelques mois avant le scrutin ? 

2017 signe une rupture dans l’histoire du Parti socialiste, il s’agit de ce que j’ai appelé un « effondrement ». Le PS et LR étaient les deux grands partis de gouvernement en France qui alternaient au pouvoir. Emmanuel Macron a emmené une partie de l’aile droite du PS sur un discours rompant avec l’opposition gauche/droite en voulant rassembler les meilleurs de la gauche et de la droite. À travers son élection, il a voulu faire l’équivalent d’une grande coalition en partant du pouvoir socialiste. Et il a réussi son coup. Le PS s’est effondré au premier tour de l’élection présidentielle. Le candidat socialiste venant de l’aile gauche était atypique par rapport à l’appareil. Il y a eu alors un éclatement de l’électorat socialiste et Emmanuel Macron a emmené avec lui l’aile modérée. Lorsque l’on regarde les racines de l’effondrement du PS, le rôle du leader est important. Macron a pris ce rôle du leader et il n’était pas possible pour les socialistes de dénoncer comme incompétent quelqu’un qu’ils avaient nommé comme ministre des Finances… Tout le pouvoir socialiste a légitimé Emmanuel Macron en le nommant à ce poste. Aux yeux de l’électorat qui était d’accord avec la politique de François Hollande, Macron était inattaquable. Vis à vis des électeurs légitimistes qui étaient d’accord avec la politique menée depuis 2012, Emmanuel Macron était leur champion même s’il n’était pas soutenu par l’appareil. Aux législatives qui ont suivi, le PS ne se relève pas alors qu’il avait un nombre très important de députés sortants. Le parti s’est retrouvé avec à peine plus de 7% des suffrages exprimés. Cette élection a confirmé l’élection Présidentielle dans la mesure où le seul parti qui avait été crédible à gauche pour assumer la direction du pouvoir s’est effondré. Le PS, comme LR, a échoué à rester crédible en tant que parti de gouvernement pour un grand nombre d’électeurs après avoir été si longtemps au pouvoir. Les cinq ans de Hollande ont été la fin de cela et nous sommes arrivés en 2017 à l’épuisement de ce système. LR (ex UMP) et le PS existaient alors surtout grâce au rejet de l’autre et ce système ne fonctionne plus.

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