Mais d'où viennent les dégoûts alimentaires ? Les Français et leurs fromages "qui puent" permettent à des scientifiques américains d'y voir plus clair<!-- --> | Atlantico.fr
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Faisant mentir les clichés sur notre beau pays, des chercheurs ont découvert qu'une proportion importante de gens sont dégoûtés par le fromage, et ont recruté des sujets qui ont une profonde aversion pour ce produit qui fait pourtant notre renommée.
Faisant mentir les clichés sur notre beau pays, des chercheurs ont découvert qu'une proportion importante de gens sont dégoûtés par le fromage, et ont recruté des sujets qui ont une profonde aversion pour ce produit qui fait pourtant notre renommée.
©Reuters

Beurk

Le dégoût est une émotion très forte, mais pourtant les scientifiques le comprennent mal. Deux indices peuvent décrypter sa nature : ses origines évolutionnaires, et son lien aux centres du plaisir dans le cerveau.

Le dégoût. C'est une sensation que nous avons tous ressentie. Il peut nous surprendre et provoquer de puissantes réactions, parfois physiques et incontrôlables. Et pourtant, c'est un phénomène que les scientifiques comprennent mal.

Dans une étude récente publiée dans le journal Frontiers in Human Neuroscience, des scientifiques français ont essayé de comprendre d'où venait le dégoût en plaçant des gens dans une machine à imagerie cérébrale (IRM), en leur mettant un masque à oxygène, et en leur faisant sentir des odeurs dégoûtantes pour eux, comme le rapporte Rafi Letzter de Business Insider.

Faisant mentir les clichés sur notre beau pays, les chercheurs ont découvert qu'une proportion importante de gens sont dégoûtés par le fromage, et ont recruté des sujets qui ont une profonde aversion pour ce produit qui fait pourtant notre renommée internationale (sans leur dire que c'était pour cela qu'ils étaient recrutés).

Si une IRM ne peut pas voir directement quels neurones sont activés par un stimulus, elle suit les mouvements du sang au sein du cerveau, ce qui permet de voir quelles zones sont activées. Et là, surprise : les trois régions les plus activées sont celles liées aux mécanismes de récompense du cerveau. Ce sont les mêmes zones qui s'activent lorsqu'on aime vraiment quelque chose. Le dégoût serait-il donc un voisin du plaisir ?

Une autre étude par IRM a montré que le dégoût activait plutôt le cortex insulaire, lié aux fonctions limbiques mais également aux réactions émotionnelles et primales. L'étude a procédé en montrant aux sujets des images de contamination et de mutilation, ce qui donne réellement envie de participer à des études scientifiques.

Jusqu'à présent, rien de plus logique : le dégoût est une émotion forte, et donc il est logique que le cortex, lié à beaucoup d'émotions, y soit lié. Plus intéressant, une autre étude montre que, chez les personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs, les sensations de dégoûts activent les mêmes zones que les stimuli qui activent leur complexe. Étant donné que les troubles obsessionnels compulsifs sont liés aux peurs de contamination, cela suggère que le dégoût vient de la peur de la contamination.

Le dégoût, réponse évolutionnaire

Cela corroborerait l'hypothèse évolutionnaire du dégoût : l'évolution par sélection naturelle nous a donné cette émotion pour nous protéger des risques de contamination, ce qui explique par exemple que les excréments sont une source forte et universelle de dégoût. "Avant que nous ayons développé une théorie de la maladie, le dégoût nous préservait de la contagion", explique David Pizarro, professeur à Cornell University, au journal New Scientist.

Pour l'anecdote, pour ses expériences, le professeur Pizarro a dû développer un parfum synthétique qui reproduit exactement l'odeur du pet.

Cette hypothèse expliquerait également le fait que le dégoût peut souvent être lié à un traumatisme : lorsqu'on est malade après avoir mangé un aliment en particulier, on est souvent dégoûté par l'aliment en question après, alors qu'avant il ne posait pas de problème, comme le suggère une autre étude.

Quand dégoût et plaisir sont liés

Ceci dit, un autre aspect du dégoût est qu'il peut se surmonter. Paul Rozin, professeur de psychologie à l'Université de Pennsylvanie, et considéré comme un ponte du dégoût, a par exemple étudié le cas étrange du piment, comme le rapporte Meeri Kim du Washington Post. En effet, le piment est génétiquement programmé pour dégoûter : le piment comprend de la capsaïcine, une substance qui provoque une sensation de brûlure dans la bouche, dans l'objectif de dissuader les herbivores qui voudraient le manger.

Alors, comment expliquer que tant de personnes aiment manger épicé ? En général, les enfants n'aiment pas ça, pas plus que les personnes âgées qui mangent épicé pour la première fois. Mais chez de nombreuses personnes, le goût de la nourriture épicée s'acquiert progressivement au cours de la vie (on pense aussi à tous ceux qui ont détesté leur première bouffée de cigarette, ou leur première gorgée de bière, ou leur première huître, avant de devenir amateurs).

La réponse est une capacité humaine unique que le professeur Rozin appelle "le masochisme bénin". En effet, à notre connaissance, les humains sont la seule espèce à pouvoir apprécier des expériences qui sont négatives d'un premier abord, tant que ces expériences sont dans un environnement contrôlé. Il prend l'expérience des grands huit ou des maisons hantées des parcs d'attraction, ou des films tristes. On peut donc surmonter un dégoût initial par une exposition progressive à la source de notre dégoût. Et, pour revenir à la conclusion de l'étude sur le fromage, qui avait vu un lien entre centres de dégoût et centres de récompense, cela peut même être un plaisir. Selon Rozin, le fait d'affronter quelque chose de difficile dans des circonstances où nous n'avons rien à craindre nous renforcerait. Cela peut nous rassurer : nous n'avons pas à être contrôlés par notre dégoût, et pouvons même avoir des expériences positives avec ce qui nous rebute de premier abord. 

Alors maintenant, qui veut de la boulette d'Avesnes ? 

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