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Mais comment échapper à l’appauvrissement relatif de la France entamé depuis 20 ans ?
Mais comment échapper à l’appauvrissement relatif de la France entamé depuis 20 ans ?
©Denis CHARLET / AFP

Automutilation

En 2000, le PIB par habitant de la France était inférieur de 18 % à celui des États-Unis et celui de l'Italie de 14 %. Après la pandémie, ils devraient lui être respectivement inférieurs de 27 % et 36 %. Pourquoi l’Europe s’enferme-t-elle dans une trappe à croissance faible pourtant évitable ?

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Les prévisions de croissance économiques du FMI indiquent que l’écart de PIB par habitant entre les Français et les Américains, déjà important, va s'accroître après la pandémie ? Comment expliquer ce phénomène ?

Rémi Bourgeot : Au-delà de performances économiques généralement catastrophiques, le choc économique lié à la pandémie a été d’amplitude très variée. Le PIB américain a chuté de 3,5 en 2020 quand celui de l’UE a perdu 6% et celui de la France environ 8%. Cela a été dû à des restrictions moins fortes en général aux Etats-Unis. Par ailleurs, le pays a très tôt fait le pari de développer un vaccin dans des délais record grâce à des moyens littéralement illimités. Cela permet aujourd’hui d’entrevoir un retour à une activité plus normale de façon plus rapide.

La divergence d’approche est tout aussi visible depuis le début et encore plus aujourd’hui sur le front de la relance. Il est difficile de comparer justement les chiffres de relance des deux côtés de l’Atlantique, en raison des dépenses sociales qui se déploient plus abondamment en Europe. Mais on voit évidemment que les montants ne sont plus du même ordre, avec le programme de 1900 milliards de dollars de Joe Biden. De son côté l’UE ne semble pas encore proche de déployer les 390 milliards d’euros de subventions aux Etats mis au point l’été dernier… Quant aux programmes de relance nationaux, on voit les pays qui ont déjà été les plus touchés par la crise de l’euro faire preuve d’une timidité considérable. Le rebond économique aura une allure très différente d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, mais aussi entre pays européens.

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Que faudrait-il faire pour assurer une croissance plus élevée en France et en Europe après la crise et ne pas se laisser distancer par les Etats-Unis ? Une pauvreté relative croissante est-elle une fatalité ?

Derrière la question des mesures de lutte contre la pandémie ou de la relance se joue évidemment celle encore plus cruciale du positionnement technologique. La France souffre de l’écart considérable entre la réalité de la révolution scientifique et technologique qui agite le monde et l’univers intellectuel dans lequel évoluent nos décideurs politiques et figures médiatiques, issus des « sciences sociales » et des chapelles idéologiques du siècle dernier. Derrière l’agitation des réformes, les débats hexagonaux continuent de faire l’impasse sur le fond de ce qui doit constituer le moteur de notre croissance et de notre stabilité sociale. Alors que notre bureaucratie partait en croisade pour établir le genre de la covid (mais en confondant allègrement à l’usage le virus et la maladie), la difficulté à élaborer une stratégie efficace contre la pandémie a illustré tragiquement cette faiblesse.

Sur le front économique, les emplois créés ces dix dernières années dans le secteur privé ont été de qualité terriblement mauvaise, centré sur un mélange de précarité et de vide technologique dans lequel s’enfonce notre pays. Les milieux qui gravitent autour de l’appareil administratif se sont emparés de thématiques technologiques mais il manque une inclusion sérieuse des milieux bénéficiant de connaissances suffisamment concrètes en matière scientifique pour affronter les défis technologiques de façon sérieuse.

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Pourquoi la France, depuis 20 ans, mais plus encore dans le contexte de la pandémie ne fait rien pour éviter le scénario de croissance molle ? Quelles conséquences cela va-t-il avoir ?

On a vu émerger des recettes prétendument miracle de relance économique avec le quantitative easing des grandes banques centrales ces dix dernières années. Si certains de ces outils sont ou ont été nécessaires, la focalisation sur les banques centrales et l’arrosage illimité de liquidités sur les marchés financiers crée à la fois des déséquilibres considérables, en particulier entre générations, et une illusion de protection. Les économistes ont plutôt justement tendance à pointer le manque d’effort sur le front fiscal pour faire face à la pandémie. Mais nous nous trouvons surtout enfermés dans une vision qui fait l’impasse sur la question du modèle technologique et industriel. La question du modèle social ne peut être envisagée indépendamment de la qualité des emplois et de leur contenu intellectuel. Le cas français est assez particulier dans le monde développé. On voit évidemment de nombreux maux communs aux diverses économies. Cependant, on voit dans notre beau pays une combinaison curieuse, concernant toutes les tendances politiques, de vide sur le fond technologique et d’aspiration prophétique en matière politico-économique.

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