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Macronracourcix : la France prise au piège de son syndrome Astérix ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

A contretemps

Mitterrand face à Thatcher/ Reagan, Emmanuel Macron face à Trump/ May ou comment la France s’épuise dans des politiques menées à contre temps du reste de la planète, ce qui condamne ses élites à une gymnastique les poussant à la dissimulation voire le mensonge sur la réalité des politiques qu’ils mènent.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico: Alors que la vague libérale touchait l'Occident des années 79-80 par l'élection de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, la France avançait contre-courant en élisant François Mitterrand à la présidence de la République. De la même façon, après le Brexit de 2016 et l'élection de Donald Trump, la vague dite "populiste" a abouti à l'élection paradoxale d'Emmanuel Macron en 2017. Comment comprendre cette position à contre-courant de la France dans ce contexte, dans une forme de syndrome d'Asterix du village gaulois ? 

Edouard Husson: N’oubliez pas Panoramix et la potion magique !  La France a produit, en 1974 comme en 2007, un président de la République qui a compris plus vite que les autres le monde qui est en train d’advenir. Dans les années 1970, Valéry Giscard d’Estaing plaide pour une « société libérale avancée ». Il a plusieurs années d’avance sur le reste de l’Occident. Il invente le G7. Il est un pionnier d’une  construction européenne intégrée. Il met en place la politique de change fixe franc-mark. Il est le premier président à parler d’environnement. Il fait voter la fin de la pénalisation de l’avortement etc....Et il n’est pas réélu en 1981. De même, Nicolas Sarkozy a plusieurs années d’avance quand, en se présentant à l’élection de 2007, il propose un programme que l’on peut présenter comme « conservateur », au sens anglo-américain du terme. Il prône une politique de sécurité intérieure, un contrôle plus strict de l’immigration, il réhabilite le travail et l’argent gagné honnêtement. Il est le premier à réformer les universités depuis 1968, dans un sens de meilleure gestion. Il dit d’ailleurs vouloir inverser l’esprit de 1968. Et, comme VGE, il perd le scrutin où il tente d’être réélu. VGE comme Giscard avaient une recette de potion magique bien dosée sur le papier. Ils avaient juste oublié que l’effet de la potion magique, administrée lors de campagnes électorales brillantes et propre à susciter l’enthousiasme gaulois, ne dure qu’un temps. Il faut renouveler la dose de potion magique; et surtout adapter le dosage à ce que peut supporter le village, sans quoi ils renversent la marmite et se ruent sur le druide sans réfléchir. On remarquera que, dans les deux cas, les présidents ont été secoués par une crise qui confirmait largement leur diagnostic d’un nécessaire changement de politique. Mais ils n’ont pas voulu en tirer toutes les conséquences. Ensuite, effectivement, profitant du violent orage qui secoue le village, un personnage apparemment intelligent, hautain et quelque peu inquiétant, s’introduit dans le village pour proposer aux Gaulois de maîtriser leur avenir - en abusant de leur vanité et de leur crédulité. Je ne sais pas à qui, de Mitterrand ou Macron, la comparaison avec le devin Prolix d’Uderzo et Goscinny se prête le mieux.  

Cette position n'est-elle pas simplement vaine, dans un contexte ou les propositions portées par la France, dans les deux cas, vont à contre sens d'une vague plus large ? 

François Mitterrand est le dernier socialiste d’Europe dans un monde en train de devenir libéral. Emmanuel Macron est le dernier libéral d’Europe, ou peu s’en faut, dans un monde en train de devenir conservateur. La France sécrète dans les deux cas à la fois un président précurseur et un retour en arrière imprégné d’une radicalisation de l’idéologie du monde en train de disparaître. Maurice Clavel avait, dans une formule spirituelle, expliqué, dans les années 1960, que le dernier stalinien de France serait un curé breton. Il y a en effet une propension de nos intellectuels et notre classe politique à s’accrocher à une vision abstraite des choses. Peut-être, d’ailleurs, le défaut de Giscard et de Sarkozy a-t-il été, à l’origine, d’être eux aussi trop ....prolixes. Il y a en France une propension à préférer l’intelligence au courage. Giscard et Sarkozy ont donné l’impression aux Français qu’ils avaient plus parlé qu’agi. Alors sont arrivés Mitterrand ou Macron, dont la passion principale a été d’opposer un discours au discours antérieur. Nous payons, que cela nous plaise ou non, le déclin du christianisme, religion de l’incarnation du Verbe divin dans la réalité du monde: depuis la Révolution, une grande partie de la politique a consisté à séparer l’intelligence du réel. Les zizanies du village gaulois sont largement d’éternels débats sur les principes. 

Comment anticiper le scénario par lequel cette "vague" atteindra la France ? 

Il y a une différence essentielle entre François Mitterrand et l’actuel président de la République. Le premier ne croyait absolument pas un mot du socialisme qu’il prônait.  Il ne lui a pas été difficile de se rallier au libéralisme en 1983, quand il est devenu évident que la politique social-démocrate mise en oeuvre avait échoué. Emmanuel Macron, au contraire, est un « libéral, centriste, Européen » convaincu, pour reprendre la célèbre formule de VGE, qui lui va si bien. On a oublié combien Mitterrand est devenu impopulaire en 1982-1983 mais il a su prendre le tournant. A contraire, Emmanuel Macron se raidit face au mécontentement populaire. Les années 1980 avaient vu émerger une génération de nouveaux entrepreneurs en France; tandis qu’aujourd’hui ce sont les Gilets Jaunes qui battent le pavé. Dans les deux cas, on voit que la société, au terme d’un mouvement de balancier entre les Anciens et les Modernes, est en train d’accepter lentement, le monde nouvau. . 

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