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Macron et la religion, de l’irénisme à l’inquiétude : la religion comme supplément d’âme
©ALBERTO PIZZOLI / AFP

De l’irénisme à l’inquiétude

Deux discours à près de deux années d’intervalle permettent d’y voir aujourd’hui plus clair dans la vision que le président Macron a de la et des religions. Yves Michaud les a analysés en détail et montre quelle évolution a connu la pensée du président de la République sur le sujet - et le chemin qu’il lui reste à faire pour aller au-delà des résolutions verbales.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Le premier discours concerne le catholicisme. Il fut prononcé le 15 avril 2018 devant l’assemblée des évêques de France, peu de temps après l’assassinat du colonel Beltrame par un mahométan radicalisé le 23 mars.

Macron y rappelle d’abord que la laïcité n’est pas une religion d’État tournée contre la religion, mais la garantie de la liberté de croire ou de ne pas croire.

Du catholicisme lui-même, il récuse d’emblée deux visions politiques : celle qui « surjoue l’attachement aux catholiques » en visant un « électorat catholique » qui serait au cœur de l’identité française et qu’il qualifie de position « communautariste » (sic), et celle qui, à l’inverse, diabolise un catholicisme minoritaire et militant – je suppose qu’il vise la Manif pour tous.

La suite du discours est une tentative de dialogue au nom d’un « humanisme réaliste » que seraient censés partager hommes politiques et hommes d’église : le catholicisme, selon Macron, « creuserait le mystère de l’homme » et partant doit apporter sa contribution à une politique de la même bonne volonté.

Il ne vient pas à l’idée de Macron qu’une religion ait à voir avec Dieu et la transcendance. C’est de l’homme et de lui seul qu’il doit être question. Ce qui autorise Macron a lier questions de bioéthique et question migratoire. d’une manière tirée par les cheveux.

Dans la perspective de cet humanisme réaliste, la protection des plus faibles (en l’occurrence des migrants) n’autorise pas le désordre, dit-il. Quant aux questions de bioéthique et notamment de procréation assistée, les situations sont si compliquées, la famille a tellement évolué et le statut de l’enfant aussi que, toujours selon lui, il faut faire place à une casuistique (le mot n’est pas prononcé mais l’esprit est là) où l’église catholique doit apporter sa contribution.

Au nom donc de la complication du réel et du réalisme, Macron demande aux catholiques un partage des incertitudes qui serait leur vocation.

L’expression revient plusieurs fois : l’église est « une source d’incertitude », elle est en quête de sens.

Catholique ou pas, une telle conception de la religion est molle, et même gnangnan. Pour Macron, une religion c’est un supplément d’âme, une source de questionnement et rien d’autre.

Le paradoxe est que pourtant, j’allais dire « en même temps », Macron dénonce le relativisme et le nihilisme de notre société contemporaine.

Sauf qu’on ne voit pas comment le questionnement et les incertitudes viendraient à bout du relativisme. On ne voit pas non plus ce que l’éloge de l’engagement et l’appel réitéré qui y est fait dans la dernière partie (longue et bavarde) du discours peuvent signifier dans une telle situation. L’appel à Simone Weil dans un tel contexte a même quelque chose d’indécent.

Il faut avoir l’honnêteté de dire qu’un tel seau d’eau tiède s’accorde en fait assez bien avec l’électro-encéphalogramme bien ralenti de la pensée catholique en France aujourd’hui et notamment avec le désert intellectuel en matière de théologie.

Elle explique en revanche par avance les difficultés de Macron à comprendre politiquement des religions « pas très catholiques », qui ont, elles, des certitudes plutôt que des questionnements, des programmes politiques plutôt que des « engagements », des croyances fanatiques plutôt que « une vision de l’homme ». Et son appel aussi final que rituel à « initier, entretenir et renforcer » le libre dialogue du catholicisme avec l’Islam a tout des blagues œcuméniques pour ne pas voir les décapitations et crucifixions. Se référant aux chrétiens d’Orient, Macron a d’ailleurs une phrase inepte : « ils payent de leur vie leur attachement au pluralisme religieux ». On aurait plutôt cru qu’ils payaient de leur vie… leur religion tout court. Le colonel Beltrame sacrifia-t-il sa vie pour défendre le pluralisme religieux ? Non, il le fit pour épargner une femme et défendre la République.

Macron servait donc en 2018 un gloubi-boulga intellectuel typique non seulement de ses « en même temps » de campagne, mais plus encore de sa méconnaissance des réalités sociales et religieuses en France et en Europe.

La seconde partie de l'analyse d'Yves Michaud, "Religion islamique et séparatisme", sera publiée demain

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