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Macron : tout va bien. Insee, agences économiques, entreprises et investisseurs, tous le disent... Louche, non ?
©REUTERS/Ralph Orlowski

Atlantico Business

Et encore, s’il n’y avait que l’Insee. Mais tout le monde semble dire que le climat des affaires n’a jamais été aussi bon en France depuis dix ans.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Le concert de prévisions élogieuses sur le climat des affaires en France est évidemment satisfaisant. Cela faisait plus de dix ans que le pays n’avait pas bénéficié d’un climat aussi bon. La croissance est forte (plus de 2%), les perspectives d’investissement et les créations d’emplois n‘ont jamais été aussi soutenues et cerise sur le gâteau, les investisseurs américains (les fameux fonds de pensions), les observatoires de conjoncture pensent tous que ça va durer parce que cette reprise forte s’opère sans inflation, dans un monde où les rythmes de développement ne baissent pas. Il n’y a donc pas trop de risques de dérapage.

Bref tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil, comme disait autrefois Jean Yanne. Tout le monde croit et souhaite le succès de Macron.

A écouter le bruit des salles de marché et des salons, Macron ne serait pas Jupiter, mais Macron serait mi-magicien, mi-sorcier que ca n’étonnerait personne.

Donc tout va bien et par conséquent, c’est forcément louche. Tout a changé depuis François Hollande. Quand on demandait à l’ancien président comment il sentait la situation :

-« En un mot M. le président ?

-En un mot ? Bien

-Et en deux mots ?

- En deux mots ? Pas bien ! » 

Et François Hollande pensait que cette forme d’humour allait désamorcer l’agressivité de l’opinion. Il faisait « l’anguille », comme dirait Jean-Luc Mélenchon. L’arrivée de Macron lui a cruellement prouvé qu‘il se trompait.

Maintenant, si on faisait le même test auprès du président actuel, gageons qu’il répondrait :

-« En un mot ? bien !

-En deux mots ? Très bien ou presque !  » 

Ce qui est étonnant, c’est que l'assurance de l’entourage d’Emmanuel Macron ne provoque guère de sarcasme, puisque le monde entier croit qu‘il a raison.

L’Insee vient d’affirmer que la situation dans le monde des affaires n’a jamais été aussi bonne depuis deux ans, mais le moral des ménages est également très bien orienté. Quant à l’écosystème international, il ne reconnait plus cette France qui se serait débarrassée de son pessimisme structurel.

Ce bilan du « tout va bien » soulève quand même deux séries de questions.

La première est de savoir à qui la faute si tout va pour le mieux, parce que personne ne croira qu’Emmanuel Macron ait pu faire des miracles. La France va bien pour trois raisons.

D’abord, parce que tout va bien ailleurs dans le monde depuis 3 ans. Heureusement que la France a trouvé comment ouvrir la porte de ce train que les autres ont attrapé bien avant nous, mais c’est parti.

Ensuite parce que le couple Hollande/Valls a, avec le CICE, redressé la barre pour restaurer les marges d’entreprise ce qui a de la même occasion restauré la confiance. Donc, merci Manuel Valls puisque c’est lui l’auteur du virage social-démocrate.

Enfin, il faut reconnaitre qu'Emmanuel Macron a imprimé un vocabulaire nouveau, des têtes nouvelles pour piloter les affaires de l’Etat. Et il se trouve que son projet apparait tellement cohérent que les acteurs du monde des affaires et des marchés français et étrangers sont arrivés en soutien, en sponsoring... d’où l’amorce de ce cercle vertueux dans lequel la France s’est peut-être installée.

Alors, tout le monde est content sauf que cette auto satisfaction est-elle aussi auto-réalisatrice sur la durée ? En d’autres termes, est ce que cette trajectoire de sortie de crise est durable ?

Beaucoup le croient, sauf qu‘ils occultent des facteurs potentiels de freinage et même d’accident.

La croissance retrouvée, c’est bien, sauf que cette croissance est toujours tractée par la consommation intérieure et que par conséquent, elle pousse à importer massivement ce que nous ne produisons pas. D’où le déficit commercial abyssal. C’est évidemment une question de compétitivité. On a cru longtemps que ce déficit de compétitivité était creusé par des questions de coût du travail. D’où les projets de baisse des charges de travail qu’il faut poursuivre mais dont on sait bien qu’ils ne suffiront pas. Il faut pousser la compétitivité hors coût et là, nous sommes très mal équipés. C’est même le désastre français. Nous n’avons plus que quelques rares secteurs avec quelques grosses entreprises où nous sommes compétitifs : le luxe, la haute couture et accessoires de mode, bagages, parfums, bijoux… L’aéronautique et la constructionnavale, un peu d’agro alimentaire et quelques activités de services comme l’assurance, mais c’est très fragile.

Cette faiblesse structurelle sera longue et compliquée à redresser. C’est une question d’innovation, qui débouche sur la formation et l’école du risque. Dans ces domaines-là, tout est à refaire.

Mais ce handicap de compétitivité nous oblige aussi à repenser le périmètre de l’action de l’Etat. Trop lourd puisque les dépenses publiques représentent encore 57% du PIB. C’est presque un record du monde qui génère une attitude collective très simple.

Quand on sent et on sait que les revenus de redistribution sont supérieurs aux revenus de marché, les actifs sont entrainés sur une pente naturelle dont on connait les effets. En clair, si les revenus de redistribution sont plus lourds que les revenus de production, ceux qui produisent de la valeur sont écrasés d’impôts, ils sont dissuadés de travail.

Quant aux actifs qui ont compris cela, ils seront plus enclins à essayer de capter des revenus de redistribution que des revenus de production. Cette démarche sera pour eux plus rentables. `

Cette situation bancale ne contribue pas à résoudre le chômage structurel. Nous sommes donc dans une situation paradoxale où les créations d’emplois progressent assez vite mais où les entreprises ne trouvent pas les salariés correspondant à leur besoin.

Emmanuel Macron n’ignore pas ces risques de déstabilisation certes. Beaucoup de ses projets de réforme, fiscalité, mutation sociale, baisse des dépenses publiques et sociales, éducation nationale, sont fléchés sur l’appareil industriel afin de le réanimer, mais tout le monde sait que ça demandera du temps. Beaucoup de temps.

Avec cette certitude : la réussite des réformes annoncées est une des composantes de la prévision optimiste sur le climat des affaires. Donc si ça marche aujourd’hui, c’est parce que tous ces acteurs du monde des affaires pensent que le président peut réussir et ne cèdera pas sur l’essentiel de la transformation de ce pays. Pour beaucoup, ça reste à prouver!

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