Lutte contre l'échec scolaire : les parents sont-ils prêts à tout ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Des parents auraient versé à un professeur d'un lycée du Nord 300 euros par mois de décembre 2011 à juin 2012.
Des parents auraient versé à un professeur d'un lycée du Nord 300 euros par mois de décembre 2011 à juin 2012.
©Reuters

20/20

Dans un lycée du Nord, des parents accusent un professeur de lycée de leur avoir proposé un marché financier afin de ne pas exclure leur fils de l’établissement. Les parents lui auraient ainsi versé 300 euros par mois de décembre 2011 à juin 2012.

Carole Daverne et Yves Dutercq

Carole Daverne et Yves Dutercq

Carole Daverne (Université de Rouen) et Yves Dutercq (Université de Nantes) sont sociologues de l’éducation. Ils publient en mars prochain Les bons élèves aux Presses universitaires de France.

Voir la bio »

Atlantico : Dans un lycée du Nord, des parents accusent un professeur de lycée de leur avoir proposé un marché financier afin de pas exclure leur fils de l’établissement. Les parents lui auraient ainsi versé 300 euros par mois de décembre 2011 à juin 2012. Certains parents sont-ils prêts à tout pour éviter l’échec scolaire de leurs enfants ?

Yves Dutercq et Carole Daverne : C’est un cas isolé, non ? Et à l’heure où nous vous répondons, nous ne connaissons pas le fin mot de l’histoire. Si les parents français recourent à des stratégies scolaires, parfois sophistiquées et onéreuses, contournent ou détournent, leurs comportements restent, dans l’immense majorité des cas, légaux quoiqu’ils ne soient pas toujours justes car socialement connotés.

Quels sont les moyens généralement mis en œuvre par les parents (cours particuliers, école privée, etc…) ? Ce phénomène s’est-il accentué ces dernières années ?

Les familles des catégories sociales favorisées se mobilisent fortement autour du choix de ce qui leur paraît être le « bon » établissement. Certaines vont ainsi scolariser leur enfant dans un établissement privé, moins par idéologie que parce qu’il peut constituer une échappatoire à un établissement de secteur mal coté ou un espoir de récupérer une scolarité marquée par l’échec. D’autres adoptent des stratégies résidentielles pour se rapprocher des meilleurs établissements publics. D’autres encore envoient leurs enfants dans l’établissement public du secteur, soit parce qu’il ne leur a pas été possible de contourner la carte scolaire (au niveau de l’école ou du collège), soit en raison d’un choix délibéré, et pratiquent alors ce que les sociologues qualifient de « colonisation » de l’établissement : par exemple, elles exercent des pressions pour que leurs enfants soient affectés dans des classes protégées, à option spécifique, afin de préserver un « entre soi ». On peut dire du reste que ce que cherchent les parents c’est d’abord cet entre soi.

Les moyens mis en œuvre par les parents se déploient également à l’extérieur de l’institution scolaire. Il s’agit là d’un mouvement général : les cours particuliers payants, comme les supports commerciaux du type des cahiers d’exercices ou des logiciels éducatifs, sont utilisés aujourd’hui par des parents de tous les milieux sociaux. Toutefois ce sont essentiellement les parents des catégories privilégiées qui ont recours à des services éducatifs tels que le coaching ou les séjours linguistiques ou encore à des activités extrascolaires susceptibles de rentabiliser la scolarité de leurs enfants.

Quelles sont les sommes qui y sont généralement consacrées ?

Difficile de répondre à une telle question : les sommes dépensées dépendent évidemment des moyens financiers dont disposent les parents, mais on peut affirmer que si le soutien scolaire est un marché aussi prospère c’est qu’il y a des clients !

Outre les méthodes classiques, en existe-t-il d’autres ? Les professeurs peuvent-ils être victimes de pressions de la part de parents ? (marchandage de notes, cadeau, pot de vin, menaces, etc…)

Nous, de notre passé de professeurs du secondaire, nous ne gardons que le souvenir de croissants, de pâtes de fruits et d’un bouquet de fleurs ! S’il y a marchandage de notes, c’est plus souvent dans le cadre de négociations entre élèves et enseignants, qui ne sont pas vraiment nouvelles.

La peur de l’échec scolaire touche-t-elle toutes les classes sociales ?  

La peur de l’échec scolaire concerne effectivement toutes les classes sociales, en raison de la massification de l’enseignement, et donc de la concurrence avivée entre élèves, mais aussi des circonstances économiques actuelles : dévalorisation relative d’une partie des diplômes de l’enseignement supérieur, difficulté d’accès à un emploi stable, menace du chômage… constituent une source d’angoisse croissante et justifient la mobilisation autour de la scolarité des enfants. Précisons cependant que cette mobilisation est plus ou moins efficace, à la mesure de la connaissance et de la compréhension qu’ont les parents des rouages du système et des subtilités des choix à faire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !