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Terrorisme
Lutte anti-terroriste : un problème nommé DGSI
©STEPHANE DE SAKUTIN / POOL / AFP

Méthode

Suite aux attentats de 2015, un manque de coordination entre les services en charge de la lutte contre le terrorisme a été pointé du doigt. Alors que les attentats se multiplient ces dernières semaines, de nombreuses questions se posent encore sur ce dossier et sur les méthodes de la lutte anti-terroriste.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Après les attentats de 2015 fut identifié un manque de coordination entre les services chargés de la lutte contre le terrorisme, les divers attentats d'octobre 2020 suggèrent-ils que ce problème n'a pas été résolu ? 

Xavier Rauffer : Coordonner avec succès plusieurs segments d'un dispositif d'État ; ici, les divers appareils devant prévenir, traquer et réprimer "le terrorisme" (menace kaléidoscopique s'il en fut) exige d'agir à deux niveaux :

- Coordination opérationnelle : améliorer, perfectionner, la circulation des informations et données cruciales dans tout le "système artériel" du dispositif antiterroriste général : renseignement intérieur, extérieur, militaire ; plus renseignement territorial, celui de la gendarmerie nationale, des finances, etc. Ce, pour que toute péril sérieux identifié en un point du système soit au plus vite connu des autres. L'échec ici s'exprime en deux mots : trop tard. Il faut donc capter l'information cruciale, l'analyser, la transmettre ; enfin, agir à temps, avant le drame, le bain de sang. Ici, des progrès substantiels ont été accomplis depuis 2015 : toute machine terroriste lourde, complexe et durable (comme celle qui a frappé à Paris et Bruxelles entre novembre 2015 et mars 2016) est désormais repérée bien plus vite et mieux qu'auparavant ; multipliant ainsi les chances de la neutraliser, comme on dit, en temps utile.

- Coordination conceptuelle, sur la nature, l'essence de l'ennemi. Cette seconde tâche, qui bien sûr concerne le plus les criminologues, la coordination nationale du renseignement et de la lutte antiterroriste, voulue par le président Macron n'a su la mener à bien. Il ne fallait pas, comme la CNRLT l'a fait, prétendre jouer les universités-bis et vouloir naïvement instaurer une sorte de système de cours du soir, mais donner, de sa propre autorité, une définition claire et précise de désormais (on est alors en 2017) "qui est l'ennemi" (méthode connue depuis la Grèce antique...). Ensuite, exiger de tous les services en cause de bien vouloir converger sur cet ennemi là ; de le traquer lui seul et de rendre compte au quotidien des progrès dans sa traque ; dans l'identification des terroristes potentiels et dans la surveillance pointue de toute amorce de passage à l'acte de ceux-ci. "Est souverain, celui qui désigne l'ennemi" : une coordination sise à la présidence de la République avait bien sûr cela comme mission prioritaire ; ou plutôt, aurait dû avoir.

Quelle est la responsabilité des politiques dans ces manquements ? Pourquoi ne parviennent-ils pas à corriger les failles du système ?

Depuis le président Hollande, le sommet de notre classe politique vit dans la crainte révérentielle du renseignement intérieur ; or si professionnel soit-il, ce service fait preuve, depuis Mohamed Merah en 2012, d'une forte rigidité conceptuelle, rejetant notamment le pourtant fécond concept d'hybride (entre terrorisme et crime organisé) ; jadis, la DST, ancêtre de la DGSI, dédaignait de même les criminels ordinaires ; elle traquait l'aristocratie de l'espionnage soviétique : le reste, à ses yeux, comptait peu. Vers 1969-70, le ministre de l'Intérieur Raymond Marcellin eut grand mal à faire créer une cellule antiterroriste à la DST (ancêtre de la DGSI), qui s'y refusait. Mais Raymond Marcellin était une forte personnalité et une forte tête et parvint à ses fins, heureusement. Or, il n'est pas assuré que les récents ministres de l'Intérieur, depuis 2015, aient été de fortes personnalités et de fortes têtes...

Que peut-on faire concrètement pour changer les choses et développer une meilleure réponse contre le terrorisme ?

D'abord, confier le ministère de l'Intérieur à une personnalité capable de s'en faire obéir. En son temps, Nicolas Sarkozy y était parvenu, mais c'est à la fois difficile et un peu épuisant. Il faut du caractère, de l'acharnement et de la santé - plus bien sûr, une vision de ce que doit-être la sécurité de la france, au delà des diverses entourloupes de communication qui aujourd'hui, en sont le simulacre.

Ensuite exiger à bref délai des chefs de service concernés par l'antiterrorisme une définition clinique commune de qui pose pour l'avenir proche - devant nous sur la route - un danger terroriste sérieux et durable. Pas un ennemi de confort, ni de routine - l'ennemi vrai et grave. Puis, en ayant à l'esprit la devise des Partisans de Staline "marcher séparément, frapper ensemble", monter sur ces individus dangereux et instables, des campagnes coordonnées visant à les déstabiliser et à les mettre hors d'état de nuire.

En priorité, identifier d'abord, expulser ensuite sans faiblesse, tous les étrangers dangereux, aguerris, fanatisés, issus de pays en guerre civile ou autre, qui traînent en France sans rime ni raison. Le fait qu'il n'y ait jamais de loups vraiment solitaires n'interdit pas, bien au contraire, d'éloigner de notre pays ceux qui pourraient un jour s'y agréger en meutes.

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