Lutte anti-corruption : l’Union européenne vient-elle de trouver l’arme fatale contre Viktor Orban ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue du Danube et du Parlement hongrois, à Budapest.
Vue du Danube et du Parlement hongrois, à Budapest.
©ATTILA KISBENEDEK / AFP

Stratégie protéiforme

Après avoir tancé la Hongrie sur le plan des valeurs, l'Union européenne la menace désormais de bloquer le versement du plan de relance européen. En cause : des soupçons de corruption, qui visent aussi la Pologne et la Slovénie.

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard

Sébastien Cochard est économiste, conseiller de banque centrale. Il exprime ses vues personnelles dans Atlantico.

Twitter : @SebCochard_11

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Atlantico : La Hongrie est une nouvelle fois dans le viseur de l’union européenne, cette fois-ci pour des faits de corruption qui posent la question d’où va l’argent européen. La commission a estimé que le pays ne respectait pas les critères anti-corruption et donc qu’elle ne pouvait valider le plan de relance pour l’instant. De quoi est accusée concrètement la Hongrie ?

Sébastien Cochard : C'est le gouvernement de Viktor Orbàn qui est bien sûr dans le viseur de la Commission européenne et d'une partie du Parlement européen. Il n'est pas le seul : sont ciblés également le gouvernement de la Pologne et celui de la Slovénie, avec l'ironie du fait que ce dernier se trouve assurer depuis le 1er juillet la présidence tournante de l'UE. Nul doute que tout gouvernement qualifié de "populiste" ferait rentrer l'Etat membre qui l'aurait élu dans la liste noire de Bruxelles.
Il y a très clairement, dans les actions de Bruxelles, un parfum de "regime change", entretenu par les médias et les groupes d'influences mondialistes. Que reproche-t-on en l'espèce à la Hongrie ? Le nombre important d'enquêtes de l'OLAF (l'organisme interne de lutte anti-fraude de la Commission européenne, créé après la démission de la Commission Santer en 1999) visant l'utilisation passée des fonds européens ; or l'OLAF initie ses enquêtes sur la base de dénonciations, qui semblent systématiques et bien organisées en Hongrie, faisant partie de cette pression générale contre le gouvernement de Budapest.
Est reprochée également à la Hongrie ce qui serait une indépendance insuffisante de la justice : l'idéal mondialiste est en effet le "gouvernement des juges", qui auraient le pouvoir de détricoter les décisions politiques voulues par les citoyens et plébiscitées dans les urnes. On retrouve le même modèle globaliste anti-démocratique avec, par exemple, l'indépendance des banques centrales, dont le pouvoir est soustrait à la volonté des électeurs. Que reproche-t-on en réalité à M. Orbàn ? D'être massivement et répétitivement élu sur la base d'une idéologie de défense des intérêts nationaux et des valeurs traditionnelles, qui rejette en particulier l'immigration de masse. 

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Après avoir échoué à faire pression à de nombreuses reprises sur la Hongrie de Orban, la commission a-t-elle trouvé l’argument massue ? La Hongrie peut-elle tenir sans les aides européennes ?

Le débat actuel autour de l'acceptation ou non du plan de relance hongrois s'inscrit dans le contexte de l'application du "mécanisme de protection de l'état de droit", qui a été érigé en conditionalité du déboursement des fonds du plan de relance européen, "NextGeneration EU", et a été conçu pour justement faire pression sur la Hongrie et la Pologne. Les négociations au Conseil de l'UE, au second semestre 2020, afin de lever le véto hongrois, avaient en effet restreint le déclenchement du mécanisme de protection de l'état de droit aux situations dans lesquelles les défauts relevés dans un pays incriminé risqueraient de se traduire par un usage frauduleux des fonds européens. Cela ne s'applique pas bien sûr pour l'ensemble des fonds structurels européens, mais uniquement pour le plan de relance -et je dirais que cela fait partie du jeu de la pression anti-Orbàn et était attendu.

L'Union européenne a-t-elle compris que l'attaque sur les valeurs, comme récemment concernant les droits LGBT, n'était pas efficace et faisait débat ? La question de la corruption n'est elle pas, à ce titre, plus consensuelle ?

La logique de harcèlement des institutions de l'UE est multiforme. La loi hongroise contre la propagande LGBT dans les écoles devrait faire l'objet d'une procédure d'infraction de la Commission européenne qui arrivera devant la Cour de Justice de l'UE. 

Comment peut-on imaginer que va se résoudre ce nouveau bras de fer entre l’UE et la Hongrie ? 

Il est certain que la Commission européenne, en réalité, va valider le plan de relance hongrois. Avec quelques jours ou quelques semaines de retard, ce qui engendrera des gros titres dans la presse internationale et participera de la propagande anti-Orbàn. Mais au final le plan sera accepté, après que la Hongrie ait fait quelques annonces qui permettront à chaque camp de sauver la face. Le Parlement européen prendra ensuite le relais pour prétendre bloquer le plan hongrois, ce qui ne se passera pas non plus mais continuera à donner lieu à une couverture médiatique intense. Tout cela va s'étaler sur plusieurs mois et visera entre autres à impressionner les électeurs hongrois en vue des élections parlementaires de 2022. Il s'agit là, encore une fois, d'une application à la lettre des techniques internationales de "regime change" : les électeurs hongrois ne devraient toutefois pas dévier de leur trajectoire.  

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