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LR : pourquoi François-Xavier Bellamy n’est pas le meilleur candidat aux européennes mais pas vraiment pour les raisons évoquées par Gérard Larcher
©Capture d'écran

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Le président du Sénat Gérard Larcher s'est opposé à la nomination de François-Xavier Bellamy en tant- que tête de liste LR pour les élections européennes, jugeant ce dernier trop à droite.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Le vrai problème n'est-il pas plutôt le fait que la droite n'arrive pas à construire un discours économique et social en prévision des élections de mai ?

Edouard Husson : Talleyrand aurait dit des émigrés revenant dans les bagages de Louis XVIII en 1814 qu’ils n’avaient « rien appris ni rien oublié ». La formule, malheureusement, s’applique fort bien aux Républicains. C’est consternant. LR avait, début 2017, le favori de l’élection présidentielle en la personne de François Fillon, un candidat porté en tête des primaires par les sympathisants les plus conservateurs. Que s’est empressé de faire le parti? De torpiller son champion en faisant sortir sur lui une affaire peu substantielle mais qui a livré le candidat en pâture aux juges; et la vraie raison de cette  mauvaise action, c’est, au-delà de l’envie de vengeance de Nicolas Sarkozy, que la majorité des responsables LR jugeaient Fillon « trop à droite ». Loin de tirer les leçons de ce suicide collectif, Laurent Wauquiez n’a jamais vraiment assumé une ligne « plus à droite » et il le paie aujourd’hui dans les sondages. Nicolas Dupont-Aignan et le Rassemblement National aspirent une partie des électeurs de la droite dite de « gouvernement ». Eh bien que croyez-vous que fasse Gérard Larcher? Il reproduit l’erreur déjà commise plusieurs fois ! Il torpille la tête de liste proposée par Laurent Wauquiez en la personne de François-Xavier Bellamy, penseur du conservatisme bien utile au renouveau de la droite. Bien entendu, il faudra un nouveau programme économique à droite, pour reprendre la maîtrise de la politique monétaire, baisser les impôts, libérer les forces entrepreneuriales, favoriser l’investissement du secteur privé dans l’éducation. Mais ce programme économique indispensable est lui-même inséparable d’un programme qui réaffirme l’effort de défense français et l’indépendance diplomatique de notre pays, qui mette fin à l’idéologie multiculturelle et mette en place une politique d’immigration choisie, qui rétablisse la sécurité intérieure, qui dépolitise la justice et qui rende aux Français la décision politique, dont ils ont été dépossédés ces dernières années, sur tous les grands sujets - avec un nouvel effort de décentralisation ou, plus exactement, de dévolution démocratique. En un mot, un programme conservateur, susceptible de répondre au défi lancé par les Gilets Jaunes.

Dans ces circonstances comment appréhender une possible nomination de François-Xavier Bellamy ? Ne serait-ce pas une erreur vu que l'homme incarne plus la ligne des "valeurs" que celle d'un possible volet social ?

Les possibles réserves à faire sur la candidature de François-Xavier Bellamy portent sur son éventuel manque d’expérience pour un scrutin national; sur le paradoxe qu’il y a, de la part de Laurent Wauquiez, à ne pas assumer ses responsabilités et demander aux Français d’évaluer son bilan à la tête de LR en prenant lui-même la tête de liste; et enfin sur l’impossibilité pour le candidat de tenir son rang face à Dupont-Aignan et au candidat du Rassemblement National à partir du moment où Les Républicains ont été incapables, en dix-huit mois de présidence Macron, de proposer un programme politique alternatif. Finalement, le discours conservateur de Bellamy est son seul atout alors que son parti lui lie les mains de différentes manières. 

Enfin, qui dans les rangs des LR serait apte à porter cette ligne et se montrer assez rassembleur ?

L’attaque de Gérard Larcher a en fait peu à voir avec les élections européennes. Le Président du Sénat prend position en pleine crise politique. Emmanuel Macron est fragilisé et Edouard Philippe n’a pas profité de la mise en cause du Président par une partie de l’opinion. D’autre part, le seul homme politique à pouvoir apparaître comme un recours, Nicolas Sarkozy, n’a pas su s’imposer une cure de silence ni résister aux sollicitations d’Emmanuel Macron. Enfin, Laurent Wauquiez n’a pas réussi la mue des Républicains en grand parti de rassemblement à droite. Gérard Larcher, qui s’est toujours présenté comme un « gaulliste social » peut penser que son heure est venue. Il est suffisamment centriste pour occuper une partie de l’espace macronien; et suffisamment « gaulliste » pour rassembler un peu plus à droite. Comme il est le deuxième personnage de l’Etat et serait président par intérim en cas de vacance de la présidence, Larcher apparaît comme le seul recours possible en cas de défaillance d’Emmanuel Macron. Le président du Sénat est un rusé; il a de véritables talents de négociateur et s’il y a un homme de l’establishment qu’on imagine capable de parler aux Gilets Jaunes, c’est lui. Cependant, la montée d’influence de Gérard Larcher n’est possible que dans une situation de stabilisation relative de la crise politique déclenchée par les Gilets Jaunes. Il faut, pour imaginer sa percée dans l’opinion publique, imaginer que les partis centristes puissent faire encore une fois aux Français le coup d’un sauvetage du système français dans le carcan actuel de l’Union Européenne. Gérard Larcher n’est pas connu pour des positions audacieuses sur l’euro ni sur l’espace Schengen.

En fait, la crise des Républicains a des racines encore plus profondes. Sarkozy avait posé les bases d’un large rassemblement de la droite; il a péché par l’insuffisance de sa mise en oeuvre - par exemple sur le contrôle de l’immigration, où il aurait mieux valu des discours moins enflammés et une action plus soutenue. Et il a manqué l’occasion d’exploiter la crise de la Grèce pour mettre les Allemands devant un choix tranché: soit une réforme profonde des mécanismes de la zone euro dans le sens de la création d’une vraie monnaie européenne qui s’accompagne de bons du trésor et de transferts financiers entre les pays de la zone; soit la fin de ce système asphyxiant pour l’économie française. Aujourd’hui, ce dont ont besoin les Républicains, c’est un discours et un programme qui aillent bien plus loin que ceux de Sarkozy ou de Fillon: une politique qui s’assume enfin, capable de rassembler un électorat issu de toutes les droites. Si les Républicains ne le font pas, le rassemblement pour 2022 partira d’ailleurs à droite. Et Gérard Larcher aura peu de prise sur la dynamique enclenchée.

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