Loïc Hervé : « Face aux opposants à la réforme des retraites, le gouvernement va parfois trop loin en matière de restriction des libertés publiques »<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
"Le problème est qu’à force de maltraiter les corps intermédiaires, de décider quand il est possible de discuter avec les syndicats, de sortir des petites phrases, Emmanuel Macron joue la provocation", estime Loïc Hervé.
"Le problème est qu’à force de maltraiter les corps intermédiaires, de décider quand il est possible de discuter avec les syndicats, de sortir des petites phrases, Emmanuel Macron joue la provocation", estime Loïc Hervé.
©Daniel Cole / POOL / AFP

Recul des libertés fondamentales

Après la manifestation interdite en Alsace par la préfecture du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et les casseroles (ou « dispositifs sonores portatifs ») prohibés dans l’Hérault, le sénateur Loï Hervé s'interroge sur les motivations du président de la République.

Loïc Hervé

Loïc Hervé

Loïc Hervé est Sénateur de la Haute-Savoie (Auvergne-Rhône-Alpes), Secrétaire du Sénat, Membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, Membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et Membre du groupe Union Centriste.

Voir la bio »

Atlantico :  Après la manifestation interdite en Alsace par la préfecture du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, les casseroles (ou « dispositifs sonores portatifs ») prohibés dans l’Hérault… est-ce que le gouvernement ne va pas trop loin dans certaines de ces décisions ? Fait-il preuve d’un excès de zèle ?

Loïc Hervé : Le sénateur que je suis se doit de rappeler que la sécurité du président de la République est une affaire sérieuse. On l’a vu dans l’affaire Benalla comme dans d’autres. On ne peut pas ne pas assurer une sécurité au président de la République qui garantisse sont intégrité corporelle. C’est une évidence, mais c’est un préalable nécessaire à rappeler. De l’autre côté, il y a un droit de manifester, protégé par la constitution, qui doit être, en tout temps et en tout lieu, garanti sur le territoire national. Parler de manifestation autorisée et interdite comme le fait le gouvernement, c’est le meilleur moyen de restreindre ce droit. Il faut évidemment combattre tout délit qui en découle, mais le droit de manifester doit être protégé.

Le problème est qu’à force de maltraiter les corps intermédiaires, de décider quand il est possible de discuter avec les syndicats, de sortir des petites phrases, Emmanuel Macron joue la provocation. Il ne faisait plus de déplacements en France, il les multiplie, il veut voir les syndicats qu’il refusait de voir. Il y a un changement de communication du pouvoir autour de l’idée qu’il va voir le pays réel. Il se retrouve confronté aux manifestations des citoyens dont c’est l’un des modes d’expression légitime. Le risque si l’on continue la séquence et que c’est ça le mode de communication avec le pays, cela va poser problème.

Si la protection du président de la République est évidemment essentielle. N’y-a-t-il pas une disproportion des décisions quand la préfecture de l’Hérault interdit les casseroles ? Y-a-t-il une dérive sur le terrain des libertés publiques ?

Cette décision est ridicule, sans parler de l’appellation de « dispositifs sonores portatifs ». A interdire inutilement les casseroles, on veut se retrouver avec des concerts tous les soirs à 20H ? Quelle est la justification, en termes d’ordre public derrière ce genre d’interdictions.

Il y a aussi des choses à dire sur le rapport de l’IGPN qui pointe le rapport problématique de certains membres de la police aux manifestants. Il faut des sanctions exemplaires. Dans un pays comme le nôtre, la police ne peut pas garantir l’ordre contre le peuple.

Vous parlez de provocation, pensez-vous que c’est sciemment fait ?

A ce niveau, j’imagine que tout est calculé et qu’il y a une stratégie, que je ne comprends pas, mais dont je suppose qu’elle existe. Jouer le rapport de force maintenant c’est s’exposer à des conséquences. Comme il n’a pas endossé le costume de l’introspection et de l’autocritique, il ne va faire qu’envenimer la situation. Il faut de l’apaisement plutôt que de la surenchère. Le président de la République ne peut pas décider, seul, de passer à autre chose.

Craignez-vous qu’on suive une pente de restriction des libertés publiques pour faire face à la crise démocratique ?

Oui, car le risque c’est qu’une partie de la population ne supporte plus la situation. Et que des restrictions de libertés publiques se retrouvent « légitimées » par le comportement de la population. On risque d’imputer au mouvement social des choses pour justifier les restrictions. La phrase « les factions et les factieux » rentre totalement dans cette logique. On peut être en désaccord avec le président de la République, manifester et faire grève, sans pour autant être factieux. Le risque d’une restriction des libertés existe.

Faut-il craindre que le gouvernement prenne, par anticipation, des mesures liberticides ?

Il y a des limites à ce qu’il peut faire car, pour faire voter un état d’urgence, il faudrait une majorité qu’il n’a pas. Et heureusement, il y a des garde-fous institutionnels, à commencer par le conseil d’Etat. L’arrêté de la préfecture de l’Hérault est très probablement attaquable d’ailleurs.

Quelle serait une esquisse de sortie de crise ?

Sur le plan institutionnel : dissolution, remaniement, changement de Premier ministre. Ce sont les trois pistes qu’il peut explorer. Il a grillé inutilement la carte de l’allocution. Avec un discours politique de fond, il aurait pu donner des gages. Il annonce de l’argent pour les profs, la fin du retrait des points pour les petits excès de vitesse. Ce sont des bonnes décisions, mais le problème c’est la méthode.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !