Logement : chronique d’une catastrophe annoncée contre laquelle le gouvernement n’a rien prévu<!-- --> | Atlantico.fr
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Les chiffres provisoires de l’année 2023 marquent une nouvelle aggravation de la situation à tel point que les professionnels de la promotion n’osent pas imaginer la situation dans les années qui viennent.
Les chiffres provisoires de l’année 2023 marquent une nouvelle aggravation de la situation à tel point que les professionnels de la promotion n’osent pas imaginer la situation dans les années qui viennent.
©GEORGES GOBET / AFP

Atlantico Business

Les promoteurs immobiliers sont paniqués, les industriels du bâtiment aussi. Jamais depuis un demi-siècle, la situation du logement en France n’a été aussi tendue. Les professionnels font le siège de Matignon mais n’obtiennent aucune visibilité.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le logement en France , cest sacré. Mais comme partout. Le logement, cest le marqueur de confort minimum, de sécurité et de lien social. Et bien jamais l’évolution du secteur de la construction na été aussi décalé par rapport aux besoins. Et ça nest pas, pour une fois de la faute des promoteurs et de lensemble des acteurs de la filière qui narrêtent pas dalerter les pouvoir publics sur l’état désastreux de la situation.

Le ministre du logement a promis qu’il faudrait faire quelque chose, la Première ministre a annoncé que le gouvernement allait se mettre au travail sur ce dossier. Et la semaine prochaine, promis juré, le monde du logement sera rassuré. Les promesses nengageant que ceux qui les écoutent, les professionnels pensent quon va tout droit à la catastrophe financière, économique et surtout sociale.

Les chiffres sont inquiétants :

-le nombre de permis de construire accordés par les maires ont baissé de 12% à 440 000.

-les mises en chantiers ont reculé de presque 10% à 350 000.

-les réservations dappartements ont baissé de 25 % et les réservations  de maisons individuelles neuves de 30%.

Les chiffres provisoires de lannée 2023 marquent une nouvelle aggravation de la situation à tel point que les professionnels de la promotion nosent pas imaginer la situation dans les années qui viennent puisquils chiffrent les besoins à plus 450 000 logements neufs par an pendant dix ans. Actuellement, les mises en chantier nattireront  pas les 350 000.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bezieux a récemment tiré le signal dalarme en expliquant que cette dépression allait évidemment mettre en difficulté des milliers de petites et moyennes entreprises de construction mais que ce déficit de logement crée un véritable problème de société. Le logement cest comme lemploi, le cœur de lADN social. Pas demploi cest grave, mais pas de logement correct cest encore plus grave.

La situation est le résultat dune double crise que personne na vu venir avec cette ampleur .

Une crise de la demande, parce que les candidats à laccession à la propriété se sont refroidis après le rebond du Covid. Parce que les prix avaient explosé et surtout parce que les conditions de crédit avaient été durcies et renchéries. Les taux dintérêt sont passés en peu de temps de zéro % à presque 4%, pendant que les banques renforçaient les demandes de garantie. Doù un énorme coup de froid sur les projets et les réservations.

Parallèlement à cette tendance conjoncturelle, il existe une tendance lourde à la compression de loffre.Les maires détiennent la clef des permis de construire mais ils ne la sortent pas. Les maires ont peur parce que les recours contre les projets sont trop nombreux, trop coûteux. Les associations de protection de lenvironnement, les partis écologistes ont acquis un pouvoir considérable quils exercent le plus souvent sur les droits à construire .

Dans la campagne comme dans les villes moyennes. Le comble cest que cette attitude malthusienne alimente la spéculation. Parce que dans les conditions actuelles, tout propriétaire immobilier dispose dune rente ou croit en disposer. 

Dans les  grandes métropoles, les propriétaires immobiliers supportent très bien cette raréfaction de logements neufs parce quelle maintient la pression sur les prix. La frilosité est telle que parallèlement, les propriétaires hésitent à louer leurs biens parce que là encore cest trop compliqué et trop contraignant. 

Restent les institutionnels du logement social qui eux aussi freinent des quatre fers parce quils nont pas les budgets et sont face aux mêmes contraintes environnementales ou urbanistiques.

Les difficultés de la demande freinent les promoteurs qui freinent loffre, ce qui renchérit des prix, ce qui paralyse la demande. La boucle est bouclée.

Face à une situation ainsi bloquée, toutes les parties prenantes sont désarmées. Les investisseurs privés attendent dy voir plus clair sur les réglementations, les investisseurs publics cherchent de largent que le budget ne peut plus leur apporter. Y compris du côté de la Caisse des dépôts dont la principale ressource financière vient du livret A, des caisses d’épargne. Qui ne sont plus très bon marché. Puisquil faut rémunérer l’épargnant à 4 %. Linvestisseur ou l’épargnant va presque gagner plus avec le livret A quavec une part de Scpi, cest-à-dire un placement-papier dans limmobilier.

Pour débloquer un tel système le gouvernement na a priori aucun outil à court terme sauf de parer au plus pressé comme au moment du Covid, cest-à-dire subventionner la construction de logement, comme laide aux locataires sociaux.

Mais ça nest évidemment pas la solution dautant que parallèlement, lEtat doit aider le secteur à restaurer les immeubles anciens pour les mettre aux normes disolation et participer à la transformation énergétique. Là encore un chantier gigantesque. 

La seule solution serait évidemment de débloquer loffre et permettre au marché de rétablir les équilibres par la demande. Mais débloquer loffre, cest créer une situation qui permettrait de construire plus de 600 000 logements par an, impossible.

Le projet relève dun travail politique gigantesque. Il faut convaincre les maires et tordre le bras à défaut de les convaincre aux écologistes. La recette se trouve dans les permis de construire, et les équipements collectifs qui vont avec. Cest le seul moyen de faire baisser les prix et de répondre à la demande. Si non, au cours des dix prochaines années, le pays court le risque d’être asphyxié par tous  ceux qui seront obligés de faire des kilomètres pour travailler, de passer des heures dans les transports parce que les centres-villes seront réservés aux très riches et aux touristes étrangers ce qui est delà un peu le cas … asphyxiés aussi par le mal loger et les sans-abris.

Tous les sociologues et les politologues le diront haut et clair, les logements vétustes ou inexistant, dangereux ou inconfortables sont des ferments modernes de révolutions sociales plus puissantes que l’âge de départ en retraite.

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