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Livret A, assurance-vie et Immobilier : la triple sécurité des Français en matière d’épargne qu’Emmanuel Macron aura bien du mal à changer
©DENIS CHARLET / AFP

Atlantico Business

Rien à faire, ni l’épargne retraite, ni l’épargne salariale ne seront profondément remaniées dans la grande loi sur l’épargne du quinquennat Macron.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Les placements préférés des Français ? De la pierre au livret A, en passant par l’assurance-vie, la sécurité y est le maître mot. Au détriment du financement de l’économie.

La tentative de réorienter l'épargne des ménages vers des actifs plus risqués fait partie de la loi PACTE préparée par Bruno Le Maire. Pour le cœur de la réforme, le gouvernement n’a pas choisi l’originalité. Désinciter le placement immobilier – c’est depuis la création de l’ISI son cheval de bataille. Ou encore remettre au goût du jour l’eurocroissance, un contrat d’assurance vie hybride entre fonds euros avec une poche actions et une garantie de capital. Ce contrat existe depuis 2014 et n’a jamais véritablement été popularisé. Quant aux placements Perco/Perp/Madelin, dispositifs d’épargne retraite, leur portabilité devient assurée en cas de changement d’entreprises, le b.a-ba.

Mais quand la question est posée de savoir pourquoi tous ces dispositifs, jugés trop opaques, nombreux et compliqués par beaucoup de Français, n’ont pu être fusionnés ou simplifiés, le ministre de l’économie prétend que « Cela aurait pris du temps, alors que nous voulons que la mesure soit opérationnelle le plus rapidement possible. » Le ton est donc donné. La mentalité des français en terme de placement aura, elle, beaucoup plus de mal à changer.

Et c’est peu dire que l’épargne des Français est pourtant abondante. Les Français mettent de côté l’équivalent de 13,5 % de leur revenu disponible, soit près de trois points de plus que la moyenne européenne.

Sur cette épargne, l’immobilier est toujours surreprésenté. Des 12 000 milliards d’euros de patrimoine brut des Français, il compte pour 55%.

Vient ensuite le patrimoine financier qui s’élève lui à 4 765 milliards d’euros, environ 35%.

Mais dans ces placements financiers, là encore, on privilégie une épargne de sécurité par rapport à l’épargne de rendement. La prise de risque n’est pas la  norme. L’assurance-vie et les dépôts bancaires défiscalisés (Livret A/LDD) représentent respectivement 40 % et 30 % des placements, en termes d’encours. 1700 milliards sont donc placés sur des assurances vie, donc plus de 80% de ces encours sont sur des fonds euros, qui financent directement les obligations d’Etat. Enfin, les actions, parent pauvre de l’épargne française, ne pèsent que pour 22 % des placements financiers. Une tendance largement ancrée au plus profond de l’opinion des français, quand un sondage Odoxa a déterminé que 70 % des Français craignent qu’un placement trop « dynamique», c’est à dire risqué, de leur épargne leur fait prendre « un risque de perdre des économies ». Et 80 % des Français disent ne tout simplement pas faire confiance aux placements en actions.

En attendant donc, l’argent des Français dort bien au chaud dans des placements sécurisés. Le livret A est l’un d’eux et il fête ces 200 ans. Créé sous la Restauration pour inciter les français à se créer une épargne en cas de coups durs. Une épargne de précaution. Sa garantie par l’Etat et sa défiscalisation ont fait son succès. Et encore aujourd’hui. Depuis le début de l’année, la collecte est encore positive et monte à plus de 6 milliards d’euros au 1er trimestre 2018 alors son taux ne permet pas de contrecarrer l’inflation. Gelé par l'Etat jusqu'en 2020, ce taux de placement plafonne à 0,75 %, depuis août 2015, c’est à dire moins que l’inflation qui offrait 1,3% en 2017. Ce qui donne un rendement réel négatif à -0,81%. Une épargne grignotée par l’inflation quand ce n’est par le risque.

Alors peut-on tout attribuer à la fiscalité ? Au fil des décennies, les gouvernements ont orienté l’épargne vers le financement de la dette d’État, en privilégiant l’assurance-vie et le livret A. C’était aussi un moyen de financer les déficits galopants tout en offrant une garantie de capital aux assurés.

Le PFU, prélèvement forfaitaire unique à 30% instauré par Emmanuel Macron, cible tout particulièrement les revenus mobiliers et plus-values et dividendes d’actions, mais il a manqué de publicité.

C’est surement le point le plus important souligné par les spécialistes du secteur. Eduquer les épargnants plutôt que réformer ou réguler. Les banquiers, les gestionnaires de patrimoine comme les assureurs, remettent en cause le nombre incessant de nouvelles réglementations mises en place, qui prennent du temps et de l’argent, orientant les placements vers des choses simples, liquides et compréhensibles. Nicolas Théry, patron du Crédit Mutuel explique que « sur une demi-heure de temps commercial avec nos clients, les autorités réglementaires ont décidé d’en manger un quart d’heure. C’est un peu comme si quand vous alliez chez le boucher, il commençait par vous faire une formation sur la qualité de la viande, ses caractéristiques sanitaires, ses conditions de transport, de transformation... ». Les banquiers de détail n’ont ni l’envie ni le temps de faire la pédagogie du risque. On verra si le gouvernement, lui, prend le temps de la faire.

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