Liberté de conscience et mariage homosexuel : ce que demande le "Collectif des maires pour l’enfance" au Conseil constitutionnel<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Conseil constitutionnel examinera bientôt une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la liberté de conscience des maires dans le cadre de la loi sur le mariage pour tous.
Le Conseil constitutionnel examinera bientôt une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la liberté de conscience des maires dans le cadre de la loi sur le mariage pour tous.
©Reuters

Dernier round

Est-il possible de refuser la célébration d'un mariage homosexuel sans faire l'objet de sanctions ? Le Conseil constitutionnel a mis sa décision en délibéré. Réponse le 18 octobre.

Geoffroy de Vries

Geoffroy de Vries

Geoffroy de Vries est avocat au Barreau de Paris et avocat des maires du Collectif des maires pour l'enfance.

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Atlantico : A la demande du Collectif des maires pour l'enfance, le Conseil constitutionnel examinera bientôt une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la liberté de conscience des maires dans le cadre de la loi sur le mariage pour tous. Que réclament les maires exactement ?

Geoffroy de Vries : Les maires et maires adjoints du Collectif des maires pour l’enfance, soutenus par 20.140 de leurs collègues, demandent simplement de ne pas être contraints par l’Etat, sous peine de sanctions y compris pénales (5 ans de prison), de procéder à un mariage entre deux personnes de même sexe, qui les heurte en conscience.

Il s’agit pour eux de bénéficier, à l’instar du médecin, du chercheur, de l’appelé du contingent, de l’avocat, du journaliste, d’un droit à opposer sa liberté de conscience, bref d’un droit à l’objection de conscience. Pour les élus locaux du Collectif, l’hypothèse du mariage entre deux personnes de même sexe heurte profondément leur conscience personnelle car il touche aux domaines de la conviction intime de la vie, du couple et de la famille.

Plus exactement, ils demandent simplement que lorsque tous les officiers de l'état civil (maires et maires adjoints) d'une commune refusent, en conscience, de célébrer un mariage entre personnes de même sexe, le maire de la commune ne soit pas tenu d'en déléguer la célébration à un conseiller municipal mais qu’il soit remplacé par un représentant de l'Etat qui procèdera ainsi à la célébration du mariage.

L’usage du droit d’objection n’aura pour effet ou objet ni d’empêcher la célébration de mariage entre personnes de même sexe, ni d’entraîner un quelconque retard dans sa célébration. En tout état de cause, le mariage aura bien lieu !

En somme, il s’agit simplement de concilier deux droits fondamentaux : le "droit au mariage" entre deux personnes quel que soit leur sexe, et le droit, pour les officiers d’état civil, d’objecter leur liberté de conscience.

Quels sont actuellement les risques encourus par les maires en cas de refus de célébrer un mariage homosexuel ?

Ainsi que le précise le ministre de l’Intérieur dans sa circulaire du 13 juin 2013, les maires objecteurs de conscience risquent plusieurs types de sanctions. Ils risquent tout bonnement la prison (5 ans d’emprisonnement) ! Ils risquent également 75 000 euros d’amende, ainsi que la révocation et l’inéligibilité.

Nul doute que ces sanctions sont disproportionnées en 2013 dans un pays censé être le pays des droits de l’Homme !

La loi Taubira sur le mariage pour tous enfreint-elle l’une des libertés fondamentales, à savoir la liberté de conscience ? Est-elle contraire aux Droits de l’homme qui garantissent que nul ne peut être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses si elles ne troublent pas l’ordre public ?

C’est effectivement ce qu’estiment les maires du Collectif. Et d’ailleurs, cette question de la liberté de conscience n’avait pas échappée au président de la République lui-même, lors du Congrès des Maires de France, le 20 novembre 2012, alors même que le Parlement n’avait pas encore commencé à discuter du projet de loi Taubira. Le président avait rappelé, à deux reprises, la liberté de conscience des maires, en déclarant, sans doute pour suggérer au législateur de le prévoir dans son texte, que "des possibilités de délégation existent [et] peuvent être élargies. Et il y a toujours la liberté de conscience" et en rajoutant "la loi s’applique pour tous, dans le respect néanmoins de la liberté de conscience." Malheureusement, la sage recommandation du président n’a pas été suivie d’effet.

La liberté de conscience est bel et bien une liberté constitutionnelle. Elle trouve son fondement dans l'article 10 de la déclaration des droits de l'Homme de 1789 et dans l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 et a été rappelée dans plusieurs décisions juridictionnelles, notamment du Conseil constitutionnel.

Quant à l’objection de conscience, c’est le droit de faire valoir sa liberté de conscience pour refuser de procéder à un acte qui heurte profondément sa conscience personnelle et ce, sans être passible de sanction.

Cette clause de conscience que réclament les maires existe-t-elle déjà sous une autre forme ?

Bien évidemment, elle existe dans plusieurs cas. Les cas d’objection de conscience en droit positif sont notamment la liberté pour l'appelé du contingent de ne pas porter les armes, pour les médecins de l’hôpital public comme les médecins libéraux de ne pas procéder à une IVG, pour le chercheur de ne pas procéder à des travaux sur les embryons, mais également, bien que cela relève sans doute plus d’une liberté d’opinion, pour les journalistes de se récuser en cas de changement d'orientation politique de leur organe de presse, de même pour l'avocat qui ne voudra pas traiter d'une affaire heurtant sa conscience, ou bien encore pour les propriétaires fonciers qui interdiront que la chasse soit pratiquée sur leurs terres.

Pourquoi ce qui vaut pour un journaliste ne vaudrait-il pas pour un maire en cas de changement notable de la définition du mariage ? Pourquoi ce qui vaut pour un chercheur s’agissant des recherches sur l’embryon ne vaudrait-il pas pour un maire s’agissant du mariage entre personnes de même sexe, quand on sait qu’en droit français, le mariage déclenche automatiquement le droit à l'adoption et que demain avec la PMA, et après-demain avec la GPA, les maires risqueraient alors de cautionner, par le biais d’un tel mariage, la fabrication d'enfants délibérément privés de père ou de mère ?

Quel type de décision le Conseil constitutionnel peut-il prendre ? Celle-ci peut-elle remettre en cause l'ensemble de loi Taubira ?

En aucun cas la loi Taubira ne sera remise en cause, quelle que soit la décision du Conseil constitutionnel ! Ce qui est demandé par les maires du Collectif au Conseil constitutionnel, c’est de consacrer leur liberté de conscience pour ne pas être contraints de devoir marier deux personnes de même sexe, sous peine de sanctions y compris pénales.

Plus techniquement, cela reviendrait au Conseil constitutionnel de déclarer inconstitutionnel les dispositions des articles 34-1, 74 et 165 du code civil et du premier alinéa de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, pour violation de la liberté de conscience et, en conséquence, d’abroger ces dispositions avec un effet immédiat ou effet différé, le législateur devant ensuite modifier les textes concernés pour y inscrire l’objection de conscience des élus locaux officiers d’état civil et ses modalités.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio.

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