Inégalités : ces 4 causes sur lesquelles la gauche ne veut surtout PAS se pencher<!-- --> | Atlantico.fr
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La lutte contre les inégalités doit permettre de s'interroger sur les solutions les plus efficaces et les plus crédibles.
La lutte contre les inégalités doit permettre de s'interroger sur les solutions les plus efficaces et les plus crédibles.
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Politiquement incorrect

Dans le cadre de la lutte contre les inégalités, des personnalités de gauche et certaines solutions proposées semblent déconnectées du monde réel.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Les inégalités doivent être combattues partout mais… pas dans les périmètres qui dérangent la gôche bien-pensante et pikettyste. Pas de chance, ces périmètres politiquement incorrects sont justement les seuls où les inégalités explosent vraiment à la hausse, partout ailleurs elles sont à la fois très monitorées et assez stagnantes !

1ère zone de contact interdite avec le monde réel : la famille, le couple, la vie

L’homme de gôche est devenu libertaire dans ce domaine ; cela n’a pas toujours été le cas jadis, mais passons. Le libéralisme sexuel ne le dérange pas trop, et la défragmentation de la famille traditionnelle pas du tout, on a même parfois l’impression que c’est le but final. Or le gros des inégalités modernes sont fractales dans leur génération : des écarts qui se créent à l’intérieur des groupes sociaux bien plus que des écarts qui se développent entre les groupes ; en particulier, des appariements sélectifs (le médecin homme qui épousait autrefois une infirmière et qui épouse de nos jours un médecin femme rencontrée sur les bans de la fac) et la multiplication des DINKs (ménages à deux revenus sans enfant) et la défragmentation des familles en particulier dans la communauté noire (les hommes s’en vont et la femme se retrouve à gérer comme elle peut), etc.

Ces choses pas jolies-jolies sont délicieusement cachées dans les statistiques ; pour ne prendre qu’un exemple, quand on vous parle de quintiles ou de déciles de population, pour vous dire que les segments les plus riches captent une proportion croissante du produit total, sachez qu’il n’y a pas une population égale et homogène dans le temps dans chacune de ces subdivisions du fait de la taille changeante des ménages, il y a de plus en plus de monde dans les déciles des hauts revenus (plus de familles nombreuses) relativement aux déciles des bas revenus (de plus en plus des femmes seules) ; il faudrait le dire mais on ne le dit jamais, ce qui donne l’impression trompeuse que 10% de la population évolue dans chaque décile par exemple, et qu’elle y est en quelque sorte prisonnière à vie (vision photographique et non cinématographique de la statistique, mais c’est là un sujet plus large).

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La gôche, qui veut rester pure à n’importe quel prix, ne veut pas entendre parler de toutes ces choses sales. Anti-catho, elle ne veut pas s’engager sur les filles-mères d’un côté, sur les drames dans les Ehpad de l’autre, et sur une politique familiale (a fortiori nataliste) au milieu. Le slogan : on n’est quand même pas en Pologne !! Ce sont donc des angles morts, d’ailleurs il est tellement plus tentant de se focaliser sur le stratosphérique rapport capital-travail et le non moins désincarné taux marginal supérieur d’imposition, cela évite bien des constats dérangeants sur les évolutions sociologiques libertaires et/ou sur les désincitations et les conséquences inattendues liées à l’Etat Providence.

2e zone de contact interdite avec le monde réel : monnaie et politique monétaire

J’en ai déjà parlé souvent dans ces colonnes depuis 11 ans sous pseudo ou à mon nom…

L’homme de gôche a accepté un ordre monétaire anti-social, une monnaie anti-sociale qui est un équivalent fonctionnel de l’étalon-or, une cible d’inflation idiote et anti-sociale, une banque centrale au surmoi germanique et très anti-sociale, des méthodes d’intervention et de supervision bancaire anti-sociales, et il vient nous culpabiliser avec les vilaines inégalités, il est gonflé ! Où était-il pour dénoncer les deux grandes récessions causées par JC Trichet et les autres anciens du PSU, en 1993 et en 2011 ?

Mettre les mêmes taux d’intérêt courts et les mêmes taux de changes nominaux en Finlande et au Portugal, à Hambourg et à Athènes, cela crée quelques inégalités spatiales. Un biais restrictif à Francfort en faveur du rentier et en défaveur des emprunteurs, cela crée de belles inégalités générationnelles. Et faire du gardien monétaire un juge indépendant, inamovible, sans appel ni cassation, et capable de tous les chantages, c’est promouvoir les inégalités statutaires (ces inégalités statutaires qui n’intéressent jamais l’homme de gôche, nous pourrions en parler avec la dualité CDI/CDD en France mais passons).

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Et quand on propose des choses (plus de transparence imposée à la BCE et même un audit un jour, une remise des dettes déjà logées dans le bilan de la BCE, une nouvelle cible NGDPT…), il n’embraille pas, il reste dans ses sujets lilliputiens d’ISF à 4 milliards/an quand on lui parle en trillions. L’homme de gôche est du genre à passer des heures sur le tri de ses déchets ménagers tout en ne disant rien sur la reprise des mines de charbon et l’importation massive de GNL qui est en fait du gaz de schiste (je prends ces exemples au hasard).

Variante : l’homme de gôche de Davos. Larry Summers qui disserte sur les inégalités mais qui réclame des hausses de taux d’intérêt à la veille d’une phase de croissance vers zéro. Mais il y a encore pire, l’homme de gôche en taxi qui devrait reprendre un peu plus souvent le RER :

3e zone de contact interdite avec le monde réel : l’immigration

La gauche américaine nous parle d’une période mythique, l’eldorado de la réduction des inégalités, de la fin des années 30 jusqu’au début des années 70 grosso modo. Krugman, Stiglitz et les autres ne parlent que de cette période quand ils se basent (très souvent) sur un âge d’or. Une période de crise énorme puis de guerres, et le tout pré-révolution sexuelle, mais passons. Il y a juste un petit détail dont ils ne parlent jamais. Cette période bénie des Dieux Socialistes était celle des syndicalistes-rois hostiles à l’immigration, et de facto on compte fort peu d’entrées sur le territoire Américain au cours de cette période. Quelques exceptions latinos, cubains en particulier, mais en gros : un vrai creux des entrées nettes en provenance des pays pauvres. Dès que les flux entrants ont repris, dès avant Reagan, les écarts ont été magnifiés, ce qui est logique, le migrant concurrence le petit blanc sur le marché du travail alors qu’il ne concurrence en rien le cadre sup’ (il lui permet même de faire promener les enfants durant les horaires de bureau et de trouver plus de restaurants ethniques le soir). Silence radio de l’homme de gôche, qui veut de l’Etat Providence sans cesse croissant, du pricing power du salarié de base, de la réduction des écarts de revenus, mais… qui veut aussi du libéralisme migratoire « en même temps » ; comprenne qui pourra.

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Le peuple de gauche est très au courant de ces choses, c’est juste l’homme de gôche (naturellement à l’avant-garde éclairée !) qui ne veut ici aussi rien voir et rien anticiper.

De nos jours, on nous dit que les inégalités montent en Suède. Ce n’est pas un scoop pour ceux qui n’ont pas un logiciel à la Jean Viard ou à la Patrick Weil en tête : on ne passe pas de 3% à 20% d‘habitants issus du tiers-monde en à peine une génération sans déformer un peu les écarts de revenus (et les chiffres de la délinquance, mais c’est un autre sujet). Vous voulez vraiment lutter contre les inégalités et la pauvreté ? Réduisez les flux, tout de suite. Ne faites pas comme la loi en préparation en Allemagne, ou comme le laissez-faire hypocrite de Macron. Ce qui nous amène au sujet suivant :

4e zone de contact interdite avec le monde réel : la pauvreté

L’homme de gôche n’est pas plus motivé par le recul de la pauvreté que ne l’est un texan qui flâne dans une convention anti-armes. Pour moi c’est l’inverse : je me moque un peu des écarts de revenus, même quand ils me semblent injustes, parce que je ne suis pas jaloux ; alors que la pauvreté me scandalise : elle est forcément injuste à 100%, elle ne délivre aucune incitation ou aucun signal positif, et en plus elle menace l’ordre social. Le pire c’est qu’il est tout à fait possible de l’éradiquer complètement et rapidement, et ce avec les moyens d’un pays où le PIB/tête est inférieur à celui de l’Argentine :

Oui vous avez bien vu. Pauvreté absolue éradiquée entre 2000 et 2016 en Chine, là où l’Amérique qui dépense beaucoup plus (90 ans de Welfare State) n’y arrive toujours pas. Mais attention, il y a une astuce : pas d’immigration en Chine, et un Etat Providence qui se construit en commençant par l’essentiel. Et pas de socialistes pikettystes non plus. On peut alors se focaliser sur quelques priorités, générer de la croissance tout en faisant en sorte qu’il n’y ait ni mendiants ni gangs armés. Avec des méthodes certes souvent peu poétiques, mais on n’a rien sans rien. Les Chinois ont des salaires qui montent à +10%/an dans les zones urbaines (et cet argent de leur sert pas prioritairement à acheter de la distance officiellement sociale et officieusement ethnique) ; c’est encore mieux que nos années 60… et l’homme de gôche n’approuve pas, mais alors pas du tout.

En bref, l’homme de gôche est immature, sur cette question comme sur les autres, après tout c’est lui qui voulait entraver la montée du nazisme mais qui ne voulait pas investir dans des divisions blindées, c’est lui aussi qui voulait l’euro avec les Allemands mais les 35 heures en même temps, ou un renouveau industriel de nos jours mais avec la taxinomie, le zéro artificialisation net, et l’euro cher. Il veut des choses contradictoires, comme les enfants. Il développe une nostalgie hémiplégique à géométrie variable, il sélectionne les statistiques les plus gentilles, et il écarte les cas de réussite pour des motifs « moraux », ce qui suggère qu’il ne veut pas tant des résultats véritables que des résultats atteints avec l’apparente facilité des Dieux, sans déroger, par les méthodes classiques de l’impôt et de la nationalisation-sanction. C’est un Diafoirus, un demi-savant et un couard, il est même capable d’écrire dans le Monde ce week-end que la solution à nos retraites est l’immigration : mais peut-être tout simplement parce qu’il n’est plus relié au peuple de gauche ?

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