Les traitements contre les addictions ont largement échoué. L’espoir est-il en train de renaître du côté de la chirurgie du cerveau ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La stimulation cérébrale profonde pourrait permettre de soigner l’addiction aux drogues.
La stimulation cérébrale profonde pourrait permettre de soigner l’addiction aux drogues.
©ANDY BUCHANAN / AFP

Avancée

Un patient addict est parvenu à rester plus de 600 jours sobre grâce à de la chirurgie dite de stimulation cérébrale profonde. Une technologie prometteuse mais invasive.

Christelle Baunez

Christelle Baunez

Christelle Baunez est directrice de recherche au CNRS et membre de l'Institut de neuroscience à la Timone (INT), à Marseille.

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Atlantico : Le Washington Post raconte l’histoire d’un patient addict ayant réussi à rester plus de 600 jours sobre grâce à de la chirurgie dite de stimulation cérébrale profonde. De quoi s’agit-il exactement ?

Christelle Baunez : Le principe de base est d’implanter une électrode dans une région précise du cerveau. Celle-ci est connectée à un pacemaker implanté au niveau de la clavicule qui va envoyer un courant en permanence, à une fréquence élevée. Cela va mimer un dysfonctionnement de la structure ciblée et permettre de rééquilibrer certaines activités dans le cerveau. En fonction des pathologies, la cible ne va pas forcément être la même. Le but est d’agir de façon chronique. Mais c’est une opération invasive puisqu’elle nécessite d’aller profondément dans le cerveau pour cibler les régions d’intérêt.

Où en est-on de cette technologie ?

Le caractère invasif pose un problème parce que cela fait peur d’avoir un trou dans la tête et des électrodes donc il est compliqué de trouver des volontaires. C’est pour cela qu’il y a très peu d’études sur cette pratique concernant les addictions. Dans ce domaine, les Chinois ont d’abord fait des lésions ciblant le noyau accumbens, et ont eu beaucoup d’effet secondaires, ce qui a mené à leur interdiction. Ils relancent de nouveaux programmes de stimulation cérébrale profonde actuellement. Il y a aussi une étude en Allemagne chez des patients alcooliques et les données de deux patients dépendants à l’héroïne publiées aux Pays-Bas. Chaque fois, la même cible était visée et le traitement avait des effets assez positifs sur le court terme sur la consommation de drogue, sans qu’on sache comment les patients se portent vraiment. Et à long terme il y a des rechutes. Le problème est qu’il faut qu’il y ait des effets spectaculaires pour que les gens soient volontaires à tester ce traitement. Il a fait ses preuves sur la maladie de Parkinson avec des améliorations spectaculaires. Concernant les addictions, de nombreuses personnes pensent pouvoir s’en sortir seules. Souvent la chirurgie apparait comme un dernier recours.

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Il ne s’agit donc pas d’un remède miracle, mais est-il prometteur ?

Cela fait 20 ans que je soutiens qu’il faut utiliser la stimulation cérébrale profonde pour soigner l’addiction. Mais j’ai toujours soutenu l’hypothèse qu’il fallait changer de cible et aller dans le noyau subthalamique plutôt que dans l’accumbens. D’une part parce qu’on sait le cibler en DBS chez les patients parkinsoniens et les patients atteints de TOC et d’autre part car nos données nous donnent de bonnes raisons de penser que ça peut avoir un effet vraiment bénéfique sur l’addiction. La particularité du noyau subthalamique, nous avons pu le montrer chez le rat et sommes en train de le faire chez le singe, est que l’effet n’est pas du tout le même pour la drogue que pour d’autres types de récompenses. On pourrait donc réduire la motivation à consommer de la drogue sans toucher à la motivation pour tout le reste, au contraire. Tandis que ce n’est pas le cas dans l’accumbens parce que l’on tape au cœur du circuit de la récompense. Cela peut avoir des effets secondaires très invalidants. Le risque est que cela rétablisse un comportement normal vis-à-vis des substances d’abus mais en déréglant la motivation pour tout le reste.

Dans combien de temps pourrait-on voir cette technique se démocratiser ?

Pour l’instant, dans le contexte de l’addiction, la procédure n’est pas du tout reconnue ou validée hormis pour des essais cliniques et des programmes d’étude. Elle ne va pas être popularisée et répandue dans les services de neurochirurgie avant un certain temps. Je pense que ça va finir par se faire. Il y a encore actuellement un problème avec l’addiction qui fait que de nombreuses personnes ont du mal à la considérer comme une maladie psychiatrique, ce qui interfère dans la volonté publique de chercher des traitements. L’espoir est aussi de développer des techniques moins invasives. Il n’y en a pas encore officiellement, mais ça pourrait venir, ce qui peut expliquer un certain attentisme. C’est une phase complexe car nos données scientifiques sont relativement solides et vont dans la bonne direction mais la translation vers la clinique est compliquée.

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