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Les théories gnostiques considérées comme des hérésies par les premiers Pères de l’Église
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Bonnes feuilles

"Gnose et gnostiques" de Roland Hureaux aux éditions Desclée de Brouwer 1/2

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Alors que les premiers chrétiens sont connus principalement, sinon exclusivement, par des textes chrétiens, les gnostiques sont connus, eux, d’abord, par leurs contradicteurs chrétiens qui, les premiers, définissent contre eux une orthodoxie. Écrivains consciencieux, soucieux d’argumenter dans le détail, ces contradicteurs qui sont les premiers Pères de l’Église (saint Irénée, Tertullien, Hippolyte), nous ont laissé des citations tellement développées que l'on peut reconstituer grâce à elles l’essentiel de la doctrine des gnostiques.

Si les originaux de la plupart des textes gnostiques ont disparu, ce n’est pas seulement par la censure de ce qu’on appelle déjà la « Grande Église », c’est aussi en raison de la technique encore primitive de l’écriture dans l’Antiquité. Faute de matériaux solides (en dehors du parchemin très cher et encore peu répandu), faute d’imprimerie, le destin des oeuvres antiques est lié au zèle de ceux qui les recopient de génération en génération. Cette inlassable activité de copie n’a pas permis de préserver des oeuvres écrites sur un matériel périssable tel le papyrus ou la cire, spécialement dans les périodes où les destructions sont grandes (incendie de la bibliothèque d’Alexandrie). D'autant que, parfois, la main d'oeuvre manque. Les commanditaires sont alors contraints de faire des choix. C’est la raison pour laquelle n’ont été généralement préservées de l’Antiquité que des oeuvres majeures : l’Iliade et l’Odyssée mais non des dizaines d’épopées grecques de moindre qualité, les principales oeuvres de Platon ou d’Aristote mais non celles de philosophes moins importants, Eschyle, Sophocle et Euripide, en partie seulement, de même pour les Latins. Contraints à faire les mêmes choix, les scribes de la fin de l’Antiquité ont privilégié les oeuvres tenues pour orthodoxes, à commencer par les Écritures, sur les oeuvres gnostiques dont les sectateurs avaient plus ou moins disparu.

Des notations brèves du Nouveau Testament sur lesquelles nous reviendrons semblent faire allusion aux premiers gnostiques : Actes des apôtres, Apocalypse, plusieurs épîtres de saint Paul. Mais l'essentiel de la documentation sur les gnostiques se trouve chez les Pères de l’Église, car la plupart des auteurs chrétiens du IIe et du début du IIIe siècle ont écrit contre eux.

Sources patristiques

Le principal est saint Irénée (130-202). Son oeuvre majeure, en latin Adversus Hæreses, vise les théories gnostiques, qu’il appelle hérésies. Il ne les réfute cependant dans les deux derniers chapitres qu’après les avoir exposées méthodiquement une à une dans les trois premiers. Irénée est un grec venu répandre l’Évangile en Occident et devenu évêque de Lyon, capitale des Gaules. Il dit lui-même se rattacher de très près à l’héritage apostolique pour avoir été un disciple de saint Polycarpe, évêque de Smyrne, lui-même disciple direct de saint Jean l’évangéliste.

L'autre important auteur qui, tout en les réfutant, nous instruit des doctrines gnostiques est Tertullien (160-220). Avocat à Carthage, ni prêtre, ni saint, il n’en passe pas moins pour être le premier des Pères latins. Si les gnostiques sont présents dans l'ensemble de son oeuvre immense, notamment Contre Hermogène, Traité de la chair du Christ, Traité de la résurrection de la chair, Traité de l’âme, ils sont la principale cible de deux de ses ouvrages : Contre les Valentiniens et De præscriptione hereticorum. Et c’est surtout Marcion qui est pris à partie dans son Contre Marcion où il discute les Antithèses de ce chef gnostique.

Un autre ouvrage des IIe ou IIIe siècles, le Philosophumena étudie les rapports des doctrines gnostiques avec la philosophie grecque, s’attachant à montrer, d’ailleurs de manière peu convaincante, la filiation de celle-ci à celles-là. Il est attribué sans certitude à Hippolyte de Rome (170-234).

Les oeuvres de Clément d’Alexandrie (150-220), principalement ses Stromates, de la même époque, traitent souvent des gnostiques avec d’autant plus d’intérêt que cet auteur, quoique reconnu par la tradition catholique, se qualifie lui-même de gnostique et a parfois des positions qui pourraient le rapprocher d’eux. Il a également publié une anthologie de 86 extraits d’un auteur gnostique appelé Théodote.

On a un poème de cinq livres en grec, anonyme, intitulé Contre Marcion et un ouvrage d'Origène (185-253) Contre les marcionites.

Enfin, deux siècles plus tard, l’évêque de Nicosie, Épiphane de Salamine (315-405), publie un long catalogue des hérésies, au nombre de quatre-vingts, dont beaucoup existent encore de son temps, parmi lesquelles figurent principalement des doctrines gnostiques. Ce texte sert toujours de référence aux « hérésiologues ». L’ensemble des fragments qui figurent dans ces ouvrages avait été rassemblé par l’illustre exégète allemand Harnack à la fin du XIXe siècle.

Les premiers chrétiens ont publié de nombreux autres ouvrages contre la gnose qui sont cités par d’autres et qui ne nous sont pas parvenus : de saint Justin, un philosophe de métier converti au christianisme, auteur d’un Contre Marcion, d’Agrippa Castor, pourfendeur de Basilide, de Rhodon, de Modestus, de Philippe de Gortyne, de Théophile d’Antioche, d’autres écrits d’Irénée, de Tertullien ou d’Origène (Dialogue contre Candide le valentinien), ce qui prouve que n’ont pas disparu que les seuls ouvrages hérétiques. Le philosophe païen Plotin (205-270), néo-platonicien, a, lui aussi, critiqué les gnostiques.

Extrait du livre "Gnose et gnostiques, des origines à nos jours", de Roland Hureaux, publié aux éditions Desclée de Brouwer, 2015. Pour achter ce livre, cliquez ici.

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