Les raisons très techniques de la baisse du niveau en orthographe<!-- --> | Atlantico.fr
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Un élève en plein exercice de dictée.
Un élève en plein exercice de dictée.
©ERIC FEFERBERG / AFP

Education nationale

Les causes de la baisse de la qualité de l’orthographe ne sont pas du tout idéologiques. Le nombre d’heures d’enseignement du français à l’école primaire a notamment été divisé par deux en 20 ans.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Les résultats des élèves français ont baissé en dictée et les commentateurs y vont bon train, avec leurs arguments idéologiques habituels : « manque de mixité sociale », « paupérisation », « inégalités des chances ». L’incompétence est de penser que tenir le même discours aura d’autres conséquences que celles qui sont visibles, depuis une vingtaine d’années. C’est au passage reconnaître qu’une partie du public scolaire plombe la moyenne, car en l’absence de « mixité sociale », le niveau est bien meilleur. C’est effectivement le cas et quand des écoles accueillent des élèves peu désireux d’apprendre une langue qui ne les intéresse pas, le niveau plonge.

En dehors de cette considération parfaitement palpable, mais très mal pensante, les causes de la baisse de la qualité de l’orthographe sont tout à fait techniques et pas du tout idéologiques. Le nombre d’heures d’enseignement du Français à l’école primaire a été divisé par deux en 20 ans, replacé par des matières ne relevant plus de l’instruction, mais de l’éducation. Comme par exemple, la nutrition, le tri sélectif, la lutte contre l’homophobie et tout un tas de considérations très actuelles, frisant le bourrage de crânes.

Les raisons se conjuguent

En second lieu, l’accent mis sur le langage de manière forcenée, depuis Ségolène Royal, à la fin du siècle dernier, a fait reculer l’écrit de manière significative, en considérant que le langage était le pilier principal de l’apprentissage de la langue. Il n’en est rien. C’est bien l’écriture qui est le pilier principal de l’apprentissage, pour la bonne raison que chez les enfants jeunes, l’acquisition passe par le corps et le geste, entre autres, celui d’écrire et d’inscrire durablement la lettre, le mot et la règle, dans le cerveau.

En troisième lieu, les enfants ne voient plus les adultes lire et encore moins écrire, or les enfants ne font pas ce qu’on leur dit, mais ce qu’ils nous voient faire. Non seulement, nombre d’enfants ne voient jamais leurs parents lire ou écrire, mais ils ne voient pas leurs professeurs le faire non plus. Car si l’orthographe s’est perdue chez les élèves, elle s’est aussi perdue chez les plus jeunes profs. Il suffit de corriger les épreuves du concours de professeur des écoles pour s’en apercevoir, ou de lire leurs communications écrites, en direction des parents, ou des collègues.

Les méthodes ont changé, les lignes et les pages d’écriture ont été décrétées rébarbatives, de même que les devoirs écrits. Chez les jeunes du primaire, on renâcle à écrire et chez ceux du secondaire, on copie et on colle depuis internet, à tour de bras, sans jamais créer quoi que ce soit. Abandonnées également, la rédaction, la création et la production de textes, rendues très difficiles par une apathie chronique des élèves, qui attendent, sagement la plupart du temps, que le temps passe.

Les nouvelles formes d’éducation ont amplifié le phénomène, soit que les enfants soient comblés en permanence de biens matériels, rendant tout effort totalement inutile, soit au contraire, que personne ne s’occupe d’eux, avec souvent, une combinaison des deux. L’apprentissage d’un enfant étant, pour une bonne part, l’ambition pour lui, de ses parents, dans le système scolaire. Il y a peu de chance que le travail d’école devienne attrayant si les parents ne s’y intéressent pas et ne le valorisent pas.

L’ambiance médiatique enfin, n’est pas à l’écrit, il est au Tweet, au Texto, à la BD, sur des supports dématérialisés, où le geste et le contact sont absents. On s’en rend compte sur les réseaux sociaux, où peu de gens produisent de l’écrit et où beaucoup ne font que partager ce que quelques auteurs produisent.

On ne reviendra pas en arrière

Enfin, plus subtilement, l’écriture normée revêt la dimension symbolique de l’adhésion à la norme, à la civilisation de l’écrit, au respect de la règle et à l’acceptation de la contrainte et de la frustration. Écrire entre les lignes, de gauche à droite, respecter la ponctuation, les accords, les règles de grammaire, de conjugaison et d’orthographe, symbolisent la future acceptation du code de la route, de celui du travail et de la loi. Cette acceptation n’est plus. Le temps est à l’affirmation de sa singularité, en dehors justement des règles communes. On préfère les règles de sa « communauté » à celles de la nation. Et c’est aussi la posture qui est véhiculée par les modèles identificatoires de la nation, les élus, les personnages publics, les professeurs eux-mêmes… Ajoutons à cela que la France à accueilli de nombreux ressortissants, issus de cultures non-écrites et d’autres haïssant la langue française, la culture française et mises bout à bout, toutes ces considérations amènent au résultat actuel, largement prévisible.

Les remèdes sont connus, les classiques de la littérature, le travail, l’écrit, la rigueur, la discipline, mais cela ne se fera pas, même en cas de volonté politique forte, parce que plus personne n’est capable de mettre cela en œuvre. Avec l’orthographe, le gouvernement est dans le même cas qu’avec les centrales nucléaires : il peut toujours ordonner une construction, mais plus personne ne sait comment faire. Pour que l’école en reviennent à des fondamentaux qualitatifs, il faudrait rappeler, comme pour le nucléaire, les vieux ouvriers qui savent : ils sont en retraite, ou ne vont pas tarder à y être.

Alors ils reste quand même des îlots d’apprentissage, de haut niveau, qui produisent des élèves, eux aussi de haut niveau, qui connaissent non seulement le langage écrit, mais également, le langage informatique et qui maîtrisent l’ensemble des codes permettant de s’élever dans la société. A vouloir réduire les inégalités, en allégeant la charge et la complexité du travail, le législateur est arrivé à l’exact contraire : la médiocrité aujourd’hui visible, pour la masse et l’excellence, pour quelques rares élites. La question qui se pose est de savoir si tout cela partait d’un bon sentiment, ou d’une volonté manifeste de détruire une partie de ce qui fait la civilisation, la démocratie, la science et le progrès technique. L’orthographe s’est délitée et il faudra sans doute, hélas, faire avec cette nouvelle donne.

Pierre Duriot

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