Les plateformes de financement participatif ou crowdfunding : léger repli ou tendance de fond ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le crowdfunding est un mécanisme ingénieux, qui a rempli un vide, et qui permet de soutenir ou d’encourager un projet ou une organisation en fonction de ses convictions ou affinités.
Le crowdfunding est un mécanisme ingénieux, qui a rempli un vide, et qui permet de soutenir ou d’encourager un projet ou une organisation en fonction de ses convictions ou affinités.
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Financement participatif

Le crowdfunding va marquer un léger repli en 2016 après une bonne année 2015. Une étude conjointe réalisée par le fournisseur de données AltFi et le cabinet d'avocats Nabarro révèle que la somme réunie par les six plus grandes plateformes britanniques va atteindre 130 millions de livres en 2016, contre 155 millions en 2015. Un emballement excessif pour ces plateformes semble expliquer cette situation.

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon

Jean-Charles Simon est économiste et entrepreneur. Chef économiste et directeur des affaires publiques et de la communication de Scor de 2010 à 2013, il a auparavent été successivement trader de produits dérivés, directeur des études du RPR, directeur de l'Afep et directeur général délégué du Medef. Actuellement, il est candidat à la présidence du Medef. 

Il a fondé et dirige depuis 2013 la société de statistiques et d'études économiques Stacian, dont le site de données en ligne stacian.com.

Il tient un blog : simonjeancharles.com et est présent sur Twitter : @smnjc

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Atlantico : En Grande-Bretagne, une étude publiée par AltFi (site de services et conseils en analyses financières) et le cabinet d'avocats Nabarro & Hinge a dévoilé que le crowdfunding était en perte de vitesse. Les six plateformes principales de financement participatif devraient enregistrer une baisse de leur "récoltes" d'argent pour atteindre 130 millions de livres en 2016, contre 155 millions en 2015. Quelles sont les raisons de cette baisse ? Est-ce un repli passager ou bien une tendance qui va progresser à l'avenir ? Ce phénomène s'observe-t-il également en France ?

Jean-Charles Simon : Il faut être bien sûr prudent à propos d’un secteur si jeune. Mais il semble qu’on observe, aussi bien pour le crowdfunding que le crowdlending, un tassement par rapport à des projections de croissance exponentielle qui devaient de toute façon connaître un coup d’arrêt. Et ça vaut un peu partout, le grand coup de semonce ayant été donné avec la crise interne au sein de Lending Club en mai aux Etats-Unis.

Ces plateformes ont clairement ouvert de nouveaux horizons, mais leurs perspectives me paraissent assez différentes selon leur domaine d’exercice.

Dans tout ce qui s’apparente au don ou au financement participatif sans véritable recherche de retour sur investissement, l’univers paraît déjà assez mature, avec des acteurs très reconnus et une croissance qui devrait pouvoir se poursuivre. C’est un mécanisme ingénieux, qui a rempli un vide, et qui permet de soutenir ou d’encourager un projet ou une organisation en fonction de ses convictions ou affinités.

En ce qui concerne le financement en actions ou par emprunt (le crowdlending), je suis plus dubitatif. Ces plateformes sont-elles nécessaires et apportent-elles une valeur ajoutée significative par rapport aux circuits plus traditionnels, que ce soit pour celui qui reçoit ou pour celui qui verse des fonds ? C’est bien sûr l’enjeu fondamental pour ces plateformes.

Peut-on parler d'une sur-évaluation de l'intérêt des gens pour ce mode de financement ? N'y a-t-il pas eu un emballement excessif qui explique ce repli aujourd'hui ?

Il y a eu un effet d’emballement tout à fait compréhensible sur ces nouveaux modèles, comme pour l’ensemble de la "tech" et en l’occurrence des "fintechs". Les idées sont séduisantes, les entrepreneurs souvent audacieux et brillants. Et s’agissant du financement par actions ou emprunt, la perspective de contourner les acteurs mal-aimés du monde bancaire et financier réjouit forcément le plus grand nombre !

Pour autant, la pérennisation de ces entreprises dépend de plusieurs conditions. Elles doivent remplir un vide, ce qui me paraît être le cas en matière de dons, ou bien faire mieux que les acteurs existants.

Or, contrairement aux idées reçues, le secteur financier est assez efficient. Il assure plutôt bien le financement de l’économie, aussi bien en actions qu’en prêts ou obligations. Et à des coûts compétitifs, à quelques exceptions près. Toutefois, il est vrai qu’il y a une sorte de "zone grise", des projets ou sociétés qui sont sûrement viables mais difficiles à faire financer par les circuits classiques comme les banques, les investisseurs institutionnels ou les fonds de capital-risque. Parce qu’ils sont trop petits, atypiques ou un peu trop risqués pour motiver un intervenant traditionnel du secteur financier.

En face, dans un univers de taux très bas et d’incertitude sur les marchés actions, les particuliers peuvent naturellement être séduits par des alternatives aux placements qui leur sont proposées habituellement. Et vouloir prendre peut-être un peu plus de risques sur ces projets, qui par ailleurs peuvent les séduire par leur dimension "à taille humaine" que l’on rencontre rarement parmi les opportunités des investisseurs individuels.

Mais il n’est pas sûr que l’engouement puisse être massif. Les frais perçus par ces nouveaux intermédiaires sont souvent très élevés. Les rendements proposés sur les prêts semblent très attractifs, ce qui peut laisser penser que les dossiers sont assez risqués. Et pour apprécier le risque, sélectionner les dossiers et rassurer les investisseurs, ces plateformes doivent investir lourdement dans une expertise assez coûteuse, ce qui fait douter de la viabilité de leurs modèles. Pourquoi feraient-ils mieux en la matière que les circuits classiques d’investissements en dette ou en capital ? En tout état de cause, pour lutter avec ces derniers, il faudrait au moins qu’il y ait une forte concentration dans l’offre prolifique actuelle, car il s’agit d’activités à fortes économies d’échelle. L’économie de plateforme, dont ces nouveaux acteurs font partie, a d’ailleurs une tendance naturelle à la concentration, voire au monopole.

Enfin, face aux technologies de type blockchain, ces plateformes devront prouver que leur fonction d’intermédiation entre investisseurs et porteurs de projet a une vraie valeur ajoutée, sans quoi elles pourraient être balayées.

Les banques et les organismes de crédit sont-ils suffisamment solides pour que les gens qui lancent des projets puissent se passer des plateforme de crowdfunding ?

Certaines activités bancaires et d’investissement ont clairement reflué après la grande crise de 2007-2008. Notamment parce que les régulateurs ont imposé des exigences en capital beaucoup plus sévères, et car ils entendent mieux protéger les dépôts des particuliers. Les banques ont ainsi réduit la voilure dans certaines activités d’investissement, dont les assureurs et les gérants d’actifs prennent d’ailleurs en partie le relais.

Mais fondamentalement, les acteurs traditionnels remplissent bien leurs fonctions de financement de l’économie, et dans des conditions très satisfaisantes pour ceux qui en ont besoin. Un bon projet personnel ou d’entreprise ne trouve pas de difficulté à se financer aujourd’hui dans les économies développées. Regardez les prêts immobiliers. Il y a même surabondance de capitaux, et le drame des banques centrales est plutôt que la demande de financement, en dette comme en capital, reste relativement faible, malgré une politique de taux directeurs nuls ou négatifs, et des interventions massives pour acheter des actifs sur les marchés.

A contrario, un mauvais projet ne trouvera pas pour autant de financement du côté de ces acteurs. Toute la question est celle du curseur, de la fameuse "zone grise" que j’évoquais tout à l’heure. Entre les projets dont personne ne veut et ceux que tout le monde est prêt à financer à de très bonnes conditions, il y a un champ de possibilités. C’est là où à mon sens les nouvelles plateformes peuvent jouer un rôle, entre investisseurs individuels cherchant désespérément du rendement et porteurs de projets un peu trop singuliers pour se financer auprès d’une banque ou d’un fonds.

Propos recueillis par Nicolas Martinet

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