Les pièges du tout numérique à l'école<!-- --> | Atlantico.fr
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"Un professeur peut très bien choisir de ne pas utiliser d'objets numériques et obtenir d'excellents résultats."
"Un professeur peut très bien choisir de ne pas utiliser d'objets numériques et obtenir d'excellents résultats."
©Reuters

Un ver dans la pomme

Quand il s'agit de naviguer sur internet, les adolescents français se placent en bonne position si l'on en croit les dernières évaluations du programme Pisa. Pourtant, l'utilisation des nouvelles technologies dans les établissements scolaires n'est pas forcément un gage de réussite.

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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Atlantico : D’après un nouveau rapport PISA de l’OCDE publié mardi 15 septembre, les élèves français de 15 ans ont un niveau au-dessus de la moyenne des pays membres de l'OCDE concernant la navigation sur internet et la recherche d'une information. Malgré ces conclusions en apparence positives, les élèves qui utilisent beaucoup le numérique en classe enregistrent des résultats moins bons que les autres. Est-ce surprenant ?

Jean-Rémi Girard : Je ne suis pas très surpris. On a tendance à parer le numérique de beaucoup de vertus qu'il n'a pas forcément, et à en faire une sorte de produit magique qui susciterait l'intérêt des élèves et résorberait miraculeusement l'échec scolaire. On se rend compte que même l'OCDE finit par mettre de l'eau dans son vin à ce sujet. En réalité, un professeur peut très bien choisir de ne pas utiliser d'objets numériques et obtenir d'excellents résultats. C'est d'ailleurs ce qui se passe dans plusieurs pays très bien classés dans les comparaisons internationales. En revanche, la tendance forte à croire que le numérique dispense de transmettre des connaissances car ces dernières seraient "disponibles en quelques clics" entraîne des effets pervers. On confond connaissances et informations. Mal utilisé, le numérique peut devenir un obstacle à l'acquisition d'un solide savoir.

Dans quelle mesure le numérique à l’école peut-il améliorer les compétences scolaires des Français ?

D'après l'étude PISA, il faudrait surtout l'utiliser avec une grande parcimonie. Le numérique possède des aspects pratiques quand le professeur en est le maître d'œuvre, par exemple pour les cartes en géographie ou pour travailler l'oral en langues vivantes. Il conviendrait également de recentrer la discipline technologie sur ces questions. La plupart du temps, les élèves ont une utilisation ludique du numérique à la maison : ils ont besoin de professeurs formés et experts sur ce domaine afin d'améliorer la connaissance et l'utilisation des objets qu'ils ont entre les mains. 

François Hollande a promis "l’école numérique" et 1 milliard d’euros à cet effet. Comment comprendre l’emballement des politiques à développer de manière particulièrement intense les plans numériques à l’école ?

C'est même davantage qu'un milliard, puisque les collectivités locales doivent apporter leurs propres contributions. Qui dit numérique dit modernité, et donc image positive. Il y a une grande part de com' dans tout ça. C'est à quelle région outillera la première ses lycéens en portables ou à quel département fournira avant l'autre des tablettes aux collégiens. À l'arrivée, les résultats concrets ne sont clairement pas concluants — comme dans les Landes depuis 2001 ou en Corrèze depuis 2008 — mais ça fait joli dans une campagne électorale.

Il faut aussi mentionner l'aspect économique : tout cela coûte très cher, et représente de fait de très gros marchés, qui plus est captifs. Les plans numériques permettent à bon nombre d'entreprises d'alimenter leurs carnets de commandes. L'aspect pédagogique est parfois très, très secondaire, dans cette affaire.

Quels sont néanmoins les bénéfices que l’on peut tirer du numérique à l’école ?

On en tirera des bénéfices si l'on part des besoins et des demandes des personnels. Cela n'a aucun intérêt d'offrir des tablettes à tous les élèves si les professeurs n'en voient pas l'intérêt sur le plan pédagogique. En revanche, des collègues attendent toujours qu'on équipe leurs salles d'un vidéoprojecteur interactif, quand ce n'est pas simplement d'un ordinateur relié au réseau pour pouvoir faire l'appel.

On ne passera pas non plus à côté de la question de l'entretien et de la maintenance. L'Éducation nationale veut mettre en place un parc informatique digne des plus grandes multinationales, mais elle se contente de verser une indemnité annuelle à un professeur pour veiller à ce que tout fonctionne dans l'établissement. Ça n'est pas sérieux.

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