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Les Occidentaux continuent de payer leur gaz en euros à Gazprom qui les change en roubles. Rien ne change. Poutine est content. L’Europe aussi
©MIKHAIL KLIMENTYEV / SPUTNIK / AFP

Atlantico Business

Le mur des réalités est solide et Vladimir Poutine va quand même finir par s’apercevoir que beaucoup de ses conseillers qui ont peur de lui dire la vérité, lui racontent des histoires. Dernier exemple en date : le mode de paiement du gaz.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout changer pour que rien ne bouge. Pour faire face aux menaces de l’Occident de renforcer les sanctions, les conseillers qui parlent à l’oreille de Vladimir Poutine lui avaient suggéré d’exiger des paiements en roubles et non plus en euros comme prévu dans les contrats. « Mais bon sang, mais c’est bien sûr ». Si on les oblige à payer en roubles, ils vont devoir en acheter, donc ils vont faire remonter le cours de la monnaie Russe, le peuple sera rassuré. Sans parler de l’humiliation infligée aux acheteurs. Dans les faits, cette affaire a tourné au poisson d’Avril. 

Depuis vendredi 1e avril, les clients européens auraient dû acheter leur gaz russe en Rouble. Normalement, ils achètent 40% du gaz consommé dans l’Union européenne et en Turquie. L’Allemagne est le premier des clients, avec 55 % de ses besoins, la France 17%. Tout cela représente plus de 300 milliards d’euros par an avec des contrats à très long terme signés avec le principal fournisseur Gazprom. Pour la Russie, c’est la première source de revenus au budget de l’État. Si l’Europe a besoin de ce gaz, la Russie a besoin de ces devises pour son fonctionnement quotidien.  

C’est la raison pour laquelle les Occidentaux n’ont pas mis les hydrocarbures sous sanction mais ont annoncé « urbi et orbi » qu’ils allaient trouver des solutions de remplacement. C’est donc la raison pour laquelle les Russes ont commencé à parler de fermer les robinets mais ils se sont aperçus qu’ils ne pouvaient pas le faire très rapidement, pas avant d’avoir trouvé des clients de substitution. 

Bref, les deux parties se sont regardés en chiens de faïence.  Jusqu'à ce que les zélés conseillers de Poutine le décident à demander le paiement en roubles. 

La première réponse publique des occidentaux a été très rapide : impossible de payer en roubles, sauf à réécrire tous les contrats, ce qui demandera des mois et mêmes des années. 

La réponse des Russes de Gazprom a été immédiate mais très discrète. Pas question de s’embarquer dans des procédures juridiques très alambiquées qui n’enrichiraient que les avocats. La solution sur laquelle tout le monde s’est mise d’accord dans le secret des bureaux est beaucoup plus simple. On ne change rien, au fond.

Les acheteurs de gaz continuent de payer en euros. Ils versent l’argent à une banque de Moscou qui n’est pas soumise aux sanctions et qui reste autorisée à utiliser Swift pour les transactions internationales. Rien ne change en terme de montant. 

La banque de Moscou change ces euros en roubles, ce qui fait remonter le cours de la monnaie et paie Gazprom en roubles. Ce qu’elle faisait déjà en partie, avant, via une chambre de compensation. 

Aujourd’hui, la banque est obligée de changer la totalité de ces euros – contrairement à avant.

Mais comme la banque en question est la Gazprom Bank, c’est à dire la filiale de Gazprom, les choses vont donc s’arranger facilement...entre voisins de bureau.  

Cela dit, si chacun a sauvé la face, ce tour de passe-passe envoie un très mauvais signal pour l’avenir aux investisseurs et aux entreprises. 

Les Occidentaux ont acheté du temps, mais vont modifier très vite leur stratégie énergétique et leur modèle. 

Ils vont d’abord se regrouper pour aller faire leur marché au Qatar, en Arabie saoudite et aux USA pour acheter du gaz liquéfié. Le gaz liquide et son transport reviennent plus cher que le gaz de Russie, il faut donc négocier les prix. 

Ensuite, ils lancent des projets de construction de terminaux capables de recevoir les bateaux et de transformer le gaz liquide en gaz de façon à alimenter les circuits de distribution. 

Enfin, ils vont accélérer le développement des énergies de substitution, et notamment le nucléaire en France et même en Allemagne qui s’interroge actuellement sur la possibilité de faire redémarrer les centrales qui avaient été fermées sous la pression des verts. 

Faible consolation aux blessures épouvantables de la guerre en Ukraine, la Russie de Poutine, qui essayait de déstabiliser l’Union européenne, aura réussi à la renforcer et même à créer une Europe de l’énergie. Un peu comme la Covid qui a réussi à constituer une Europe du vaccin. 

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