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Les mystères du savon sans savon
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Une question de composition

Le savon "sans savon", que nous pourrions également appeler syndet ; est vendu comme du savon à proprement parler. Pour autant, à regarder sa composition chimique diffère. L'appellation "savon", qui englobe aujourd'hui tout type de produit ressemblant de prêt ou de loin à du savon, pourrait souffrir d'être revue en fonction des composants cosmétiques.

Laurence Coiffard

Laurence Coiffard

Laurence Coiffard est Professeur à l'Université de Nantes et co-créatrice du blog https://www.regard-sur-les-cosmetiques.fr/ 

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Céline Couteau

Céline Couteau

Céline Couteau est maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie, Université de Nantes.

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Si vous entrez chez un charcutier-traiteur et que vous demandez des « carottes râpées sans carottes » ou de la « choucroute sans choux », l’on vous regardera d’un air passablement étonné et l’on risque fort d’agiter discrètement l’index au niveau du front pour montrer au reste de la clientèle que la demande formulée est tout simplement farfelue !

Faites la même expérience chez un pharmacien, entrez dans son officine et demandez un « savon sans savon » : loin de s’offusquer, ce dernier vous entraînera vers le rayon hygiène et vous proposera différents cosmétiques pouvant se retrouver sous ce vocable. L’histoire peut paraître étonnante. Mais non, le pharmacien n’est pas fou, il utilise une expression consacrée par l’industrie. Pour y voir clair, il convient de s’intéresser à la composition chimique de ces produits d’hygiène un peu particuliers.

Le savon, une histoire millénaire

Une tablette sumérienne aurait proposé l’une des toutes premières recettes de savon. Une légende romaine rapportait que la première saponification aurait eu lieu fortuitement dans un lieu proche de Rome (lieu où l’on sacrifiait des animaux), le Mont Sapo – la graisse animale s’étant, en effet, mélangée aux cendres végétales pour former avec l’eau de pluie un mélange savonneux : l’histoire des savons balance entre faits avérés et belles histoires à raconter au coin du feu.

Phéniciens, Romains, Gaulois se sont tour à tour attribué la paternité d’une réaction chimique qui fait toujours recette. Au XIXe siècle, le savon est promu au rang de médicament. Convulsions, croûtes de lait, brûlures… sont des indications classiques pour un produit omniprésent dans les ménages. Certains dermatologues, tel Paul Gerson Unna très connu à l’époque, ont recours au savon comme excipient pour constituer le véhicule « idéal » pour un certain nombre de principes actifs tels que l’ichtyol, l’acide salicylique, le soufre ou le résorcinol. C’est alors le produit de référence tant au niveau hygiène (le savon sert à tout, lavage du visage, du corps, des cheveux…) qu’au niveau ménager. Plus récemment, on a constaté un engouement pour certains types de savon, savon d’Alep et liniment oléocalcaire en tête !

Le savon, une entité chimique

Pour bien comprendre la notion de « savon sans savon », il est important de faire appel à des notions de chimie. Le savon est un sel d’acide gras obtenu par saponification d’un corps gras (une huile végétale ou une graisse d’origine animale, le suif) par une base forte (soude ou potasse). Utilisez de la soude, vous obtiendrez un savon solide, utilisez de la potasse vous obtiendrez un savon liquide. Ces savons se caractérisent par leur détergence (capacité à éliminer les salissures), leur effet moussant marqué (cet effet est très apprécié du public qui associe dans son esprit la quantité de mousse produite à l’efficacité du produit considéré), leur pH alcalin et leur effet irritant (ces deux dernières propriétés étant étroitement liées).

Savon fait maison.Kim/Flickr, CC BY

Le savon n’est donc pas une forme galénique. Le grand public n’en a cure et confond allègrement savon (petit bloc solide rencontré le plus souvent au bord des baignoires ou des lavabos) et syndet (autre nom du « savon sans savon »). Pour résumer, tout ce qui de près ou de loin ressemble physiquement à un savon est appelé savon, sans autre forme de procès ! Seule la lecture des compositions pourra renseigner sur la nature du cosmétique en question. Des ingrédients tels que « sodium tallowate » (savon obtenu par saponification du suif par la soude), « sodium palm kernelate » (savon obtenu par saponification de l’huile de palmiste par la soude), « sodium cocoate » (savon obtenu par saponification de l’huile de coco par la soude) sont la signature d’un « vrai » savon.

Fabriqué à Nantes (selon le procédé marseillais) ou à Marseille, un savon de Marseille reste un savon. La question à se poser est : le savon est-il fabriqué en France ou bien en Malaisie ? Là est la vraie question. C’est sur ce point et pas sur un autre que devrait porter le débat relatif à ce produit d’hygiène qui suscite tant de passion.


Le savon, sur tous les tons

On appelle donc « syndet » le « savon sans savon » car il résulte de l’association de plusieurs tensioactifs de synthèse. Ce « pain dermatologique », terme à coloration médicale, a fait son apparition sur le marché de l’hygiène au début du XXe siècle. Un pH adaptable (légèrement acide ou neutre) constitue son point fort. Il sera indiqué pour les sujets à peaux intolérantes et atopiques.

Le savon surgras est un savon (sel d’acide gras ou tensioactif de synthèse) renfermant un excès de corps gras (huiles, beurres…) non saponifiés. Ceux-ci ont pour but de pallier l’effet desséchant des détergents qui par définition décapent la peau en éliminant sans distinction salissures et film hydrolipidique protecteur naturellement présent à la surface cutanée. Il est à noter que la plupart des savons du commerce, qu’ils le mentionnent ou non, possèdent ce caractère surgraissant.

Le laurier, un ingrédient contesté.Pdacortex/Wikipédia, CC BY-SA

Quant au savon d’Alep, un ingrédient pose problème. Il s’agit de l’huile de laurier. En effet, si l’on se réfère à la liste des substances interdites dans les cosmétiques, on voit figurer sous le numéro d’ordre 359 « huile de graines de Laurus nobilis L ». Il est donc étonnant de voir sur le marché ce type de savon. Un autre élément à prendre en compte est le mode de fabrication de ce produit qui est loin de respecter les bonnes pratiques de fabrication applicables dans l’industrie cosmétique.

Le liniment oléocalcaire est, enfin, un savon qui cache bien son nom. Très à la mode depuis quelque temps, il convient de rappeler que comme tout savon, il devra être rincé après emploi, contrairement à ce que l’on peut lire parfois.

Difficile pour le consommateur de se repérer dans cette forêt d’appellations. Une chose est, toutefois, importante à retenir. Le savon constitue, sous quelque forme que ce soit, le produit d’hygiène de base. Il ne peut en rien rivaliser avec un médicament. Les allégations « traitement du psoriasis, de l’eczéma »… ou de toute autre pathologie sont totalement trompeuses, et à écarter.

Enfin, un mot sur les gels hydro-alcooliques (éthanol, eau et glycérine) très en vogue actuellement. Ils possèdent un caractère antiseptique que ne possède pas le savon. Ils sont, toutefois, réservés aux périodes d’épidémies, de grippe par exemple, du fait de leur caractère irritant et asséchant.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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