Les millennials ont-ils eu la peau de la crise de la quarantaine ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des membres du Mouvement des jeunes socialistes écoutent un discours de Ségolène Royal lors des élections législatives, en 2012 à La Rochelle.
Des membres du Mouvement des jeunes socialistes écoutent un discours de Ségolène Royal lors des élections législatives, en 2012 à La Rochelle.
©FRED DUFOUR / AFP

Crise générationnelle

Aux yeux des sociologues, certains indicateurs semblent montrer que oui.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Les millennials commencent à entrer dans la quarantaine, ce qui traditionne est le moment de la "mid-life crisis", ou crise de la quarantaine. Dans quelle mesure les millennials vivent ils ce passage différemment des générations précédentes ?

Pascal Neveu : Environ 4,3 millions de Français quadragénaires !

 Qui n’a pas connu cette fameuse crise de la quarantaine ?`

Pourtant selon une étude seule 10-20% de la population subirait cette étape.

Ce qui ressort de la quarantaine, c'est que les gens ont tendance à avoir un sentiment de « pouvoir » sur leur propre situation.

C’est en fait le bilan de moitié de vie où, face à au miroir on se pose toutes ces questions :

  • qu’ai-je réalisé dans ma vie ?
  • qu’ai-je raté dans ma vie ?
  • suis-je heureux ?
  • suis-je en couple et ai-je construit une famille ?
  • suis-je propriétaire ?
  • quel est le reste de ma carrière professionnelle ?
  • que sera ma fin de vie ?

Tant de questions qui nous obsèdent… nous font repenser nos acquis, déstabilisent nos appuis et nous plongent dans un bilan qui remettent en cause et en questions le futur dont nous rêvions, à travers un idéal qui ne fut que chimère et utopie. Cet idéal forgé à travers notre développement, nos environnement, les exigences familiales, es fantasmes, les frustrations, les interdits…

A 40 ans, le temps et surtout la réalité nous rattrapent… Mais pour en faire quoi ?

Pour certains c’est le démon de midi, d’autres un repositionnement professionnel, d’autres la nécessité de sécuriser son futur en investissant dans l’immobilier, et d’autres en profiter un maximum.

Sauf que les nouvelles générations pensent différemment. L’idée d’un monde chaotique, quasi apocalyptique les amène à des choix de vie dignes de la chanson de Charles Aznavour « Hier encore »… « Et j’ai gâché ma vie et mes jeunes années… » et c’est ce que j’entends en consultation… Ils veulent savoir mieux définir là où ils vont aller, ne plus courir comme nous l’avons fait, ne pas se sentir comme des zombies, presque morts, car ils ne veulent pas mourir sans avoir vécu cette période des 30 glorieuses que nous avons connu.

Quels sont les facteurs socio-économiques qui ont influencé la manière dont les millennials ont vécu la crise de la quarantaine, tels que l'emploi, le logement et la situation financière ?

Intéressante question. On observe que la majorité des nouveaux propriétaires de maisons, appartements, voire de maison secondaire ont actuellement environ 32 ans. Imaginez la pression d’une personne qui atteint 40 ans ? La moyenne d’âge ne cesse de s’effondrer !  Ils se sécurisent après s’être sécurisé professionnellement, sachant qu’ils sont quasiment au pic de leur carrière et risquent de perdre leur emploi d’ici 10 ans et ne plus être embauchables, malgré leurs expériences et degrés d’expertises.

40 ans est le « timing », le moment où la pression psychique et physiologique est telle que des prises de décisions déconstruisent tout en construisant… mais en pensant ses projets, à défaut de panser les maux, les manques internes, les frustrations, les regrets, les remords… en fait toutes ces émotions enfouies.

Pour autant, faut-il en avoir les moyens financiers, un filet de sécurité économique mais aussi psychique… car ce sont des épreuves et possiblement des nuits sans dormir à cause des angoisses. Finir la fin de mois, penser sa vie qui est peut-être uniquement que solitude.

Ces projets sont à penser sans se mettre en difficulté, surtout dans un monde bancaire et professionnel sans pitié.

Quels sont les changements culturels et sociaux, s’il y en a eu, que ce nouveau paradigme de la crise de la quarantaine a engendrés chez les millennials ( l'augmentation du travail à distance et la redéfinition des priorités de vie) ?

Les services RH travaillent sur beaucoup d’études concernant le télétravail. Sans rentrer dans les détails, nous savons qu’il y a une limite de jours sans se rendre au bureau et voir ses collègues et échanger avec eux en dehors des réunions en visio ou par email. Je travaille sur ce sujet.

Mais ce ne sont pas que les quadragénaires qui pensent une redéfinition de leur « pôle travail ». Les 25-35 ans sont déjà dans cette réflexion.

Cela n’est pas nouveau. Dès 2000 on pressentait les choses, et tout s’est accéléré au moment de la COVID.

Beaucoup d’études psychosociologiques datant de 1965 prédisaient ce qui arrive actuellement, avec une accélération grandissante qu’il nous faut prendre en considération.

Les quadra actuels pensent quasiment de la même façon que leurs parents voire grands-parents… En revanche un fossé énorme s’est creusé avec la génération 20-25 ans.

J’ai la chance d’enseigner avec ces 2 générations et tenter les réunir et leur faire comprendre ce gap qui est génération Y, C’est passionnant car ces générations se parlent différemment pas la suite avec des codes différents.

Si la crise de la quarantaine a muté sous l’impulsion des millennials, quels pourraient être les nouveaux seuils ?

Attendez la crise de la cinquantaine !

Une amie m’avait dit « tu verras c’est différent ! ». Effectivement je confirme.

Je pense qu’avec une espérance de vie qui augmente, une vie sociétale sensiblement désorganisée, en tout cas qui n’a rien à voir avec ce que nous avons eu la chance de vivre… d’autres impératifs de vie se présentent  à nos « millennials » !

Soit l’égoïsme absolu, soit le retour à des valeurs qui peuvent devenir extrémistes et font froid dans le dos.

Je pense que les quadra sont dans la révolution… et les quinqua dans le désir d’une stabilité acquise ou à finir d’acquérir ? Ce qui n’est pas évident après ce bilan des 40 ans.

Il y a le réveil de son passé, son enfance, de ce que nos grands-parents, nos parents ont pu réaliser, acquérir.

Il y a plus d’obsèques que de mariages… Il y a les ennuis professionnels, les séparations… les épreuves de la vie.

L’enfant n’en a pas conscience… l’adulte le réalise… parfois le subit.

Les nouveaux seuils, il n’y en a qu’un : découvrir brutalement ce qu’est la vie, et la gérer, tant que faire ce peut.

Charles Péguy : “Quarante ans est un âge terrible. Car c’est l’âge où nous devenons ce que nous sommes.”

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