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Les Midterms manquées des démocrates
©Brendan Smialowski / AFP

Elections de mi-mandat

Les démocrates y ont cru jusqu’à la dernière minute. Le matin du vote, CNN publiait son tout dernier sondage qui plaçait Donald Trump dans une situation impossible, avec une cote de popularité qui s’écroulait brutalement pour repasser en dessous de 39%.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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La vague bleue (démocrate) était en train de finalement se lever, expliquait Don Lemon dans son show très populaire, et ses invités expliquaient comment on en était arrivé là et ce qui allait survenir ensuite, après la prise des deux chambres, même s’il fallait rester encore un peu prudent, rajoutait le présentateur vedette.  

Tous les espoirs démocrates de remporter le Sénat se sont effondrés quelques heures plus tard ; dès les premières projections, les pertes les plus symboliques ont été annoncées dans l'Indiana, le Tennessee, le Dakota du Nord,  le Texas et même la Floride. Plusieurs sénateurs avait, eux, vu venir ce vent beaucoup plus rouge (républicain), comme Joe Donnelly qui, dans l’Indiana, avait durci ses positions au cours des derniers jours, insistant même sur son côté pro-life (anti-avortement), qui le classerait bien plus facilement du côté républicain que dans le parti auquel il appartient.  Cela n’a pas suffi, et les électeurs de son état ont préféré céder aux sirènes de Donald Trump qui s’est souvent déplacé pour eux, est venu à de nombreuses reprises tenter de les séduire depuis qu’il est élu, et qui l’a fait à nouveau durant cette campagne. Cette prise est une grande victoire pour l’hôte de la Maison-Blanche, tout comme les triomphes du Dakota du Nord, du Missouri, de l’Arizona, du Texas ou de la Floride. De tous les sièges qui étaient pressentis comme pouvant basculer, seul celui de Joe Manchin, en Virginie Occidentale, a résisté. Mais est-ce là une perte pour Donald Trump lorsqu’on sait qu’il s’entend personnellement très bien avec l’élu de cette zone charbonnière, rude et rurale, et que ce dernier sait aussi apporter son vote au président dans des moments critiques ? Souvenons-nous que c’est lui le « traitre » démocrate qui a permis la confirmation de Brett Kavanaugh. Les électeurs de la Virginie Occidentale,  qui sont largement républicains, s’en sont souvenus. 
Dans le Tennessee, le siège du sortant Bob Corker a été ravi par la protégée du président : Marsha Blackburn va sécuriser cet état pour lui et ramener aussi un peu de paix au Sénat en succédant à un homme qui ne ménageait pas ses critiques face à Donald Trump. A l’image de ce basculement, c’est l’ensemble du Sénat qui est désormais rentré dans le rang, pour enfiler un costume trumpiste plus marqué. Seul, peut-être, Mitt Romney, qui fait son retour sur la scène nationale et dans cette assemblée, sera une voix parfois dissonante. Mais comment pourra-il faire porter sa voix dans une assemblée qui est désormais aussi solide et faite d’un seul bloc ? La victoire de Donald Trump est avant tout celle-là ce matin.
Ce qui était censé être un potentiel pour les démocrates, projeté largement par toutes les chaines les plus populaires,–comme ABC, NBC ou CNN– s’écrase donc ce matin sur des résultats que certains commentateurs ont beaucoup de peine à expliquer et à raconter.  Il leur reste la Chambre des représentants : il y a de nombreux succès démocrates et les résultats sont à vent contraire des résultats du Sénat. Cela nous rappelle pourtant que les votes sont d’abord locaux et que les campagnes des candidats, souvent sur des thèmes plus proches des préoccupations des électeurs, ont fait la différence. Les noms des grands battus vont être répétés toute la journée : cela ne fera pas oublier les défaites d’Heidi Heitkamp dans le Dakota du Sud ou de Claire McCaskill dans le Missouri. Les Américains retiendront aussi davantage que Ted Cruz a survécu face à Beto O’rourke, la nouvelle coqueluche des démocrates et que, peu importe si la victoire est courte, elle reste une victoire. En Floride, la campagne de Rick Scott était jugée comme très courageuse face au sénateur sortant Bill Nelson : elle éclipse à elle-seule tous les résultats locaux favorables aux démocrates.
Pire encore, les démocrates viennent de revivre le même cauchemar qu’en 2016 : comme lors des présidentielles, ils comptaient sur une forte mobilisation et lors du vote par anticipation on voyait à la télévision les longues files de votants qui s’étaient massés, nous disait-on, pour faire barrage à Donald Trump. En 2018, la forte participation et le record des votes par anticipation, évaluée à plus de 32 millions alors qu’il n’y en avait eu que 20 millions en 2014, n’ont pas permis d’asseoir la revanche des démocrates. 
Trump a montré qu’il est un animal politique redoutable. Tout comme il ne parle qu’à sa base dans sa pratique du pouvoir, il a concentré sa campagne électorale sur le vote républicain dans les états où le Sénat était très disputé.  "Je pense que grâce à moi il y aura une grande différence", avait-t-il déclaré pendant son périple de la dernière semaine, lui faisant parcourir dix états en une semaine. Ses meetings de campagne n'incluaient pas le Wisconsin, la Pennsylvanie ou le Michigan - les états où Trump l’a emporté de justesse, mais où les moyens du parti démocrate ont été décuplés. Il a laissé ces terrains en friche pour le prochain combat, celui de 2020. Car c’est bien ce dont il s’agit désormais : dès aujourd’hui, tous les yeux son fixés vers le prochain objectif, et le président des Etats-Unis ne sera plus un outsider trublion : il sera le président sortant.

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