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Les liaisons dangereuses des ONG, des lobbyistes et de la classe politique dans le domaine des éoliennes
©JEAN-FRANCOIS MONIER / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Fabien Bouglé publie "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" aux éditions du Rocher. Les éoliennes ont envahi les campagnes et les littoraux et sont devenues dans le monde entier, par une propagande systématique, le symbole de l'écologie et de la lutte pour le climat. Découvrez ce que le lobby du vent vous cache sur les éoliennes. Extrait 2/2.

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé

Fabien Bouglé est un expert sur les questions énergétiques. Il est l'auteur de "Guerre de l’Energie au cœur du nouveau conflit mondial" (2023), "Nucléaire : les vérités cachées" (2021) et "Eoliennes : la face noire de la transition écologique" (2019), publiés aux éditions du Rocher.

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Alors que Nicolas Hulot, lors de sa démission, a dénoncé la présence des lobbies au sein des cercles de pouvoir, l’affaire des dîners de François de Rugy, son successeur au ministère de l’Écologie, a révélé que parmi les invités se trouvaient un certain nombre de lobbyistes de l’énergie, en particulier des représentants d’Engie, entreprise très investie dans l’installation d’éoliennes terrestres ou côtières. 

Dans le domaine des éoliennes, la confusion voire la collusion sont totales entre élus, lobbyistes, ONG ou associations environnementales, et promoteurs. Tout ce monde se soutient, se coopte dans une organisation où tout est fait pour soutenir l’industrie des aérogénérateurs et simplifier leur installation en supprimant tous les freins prévus pour protéger l’environnement et les citoyens. 

Le cas de l’OFATE (Organisation franco-allemande de la transition énergétique) est emblématique. Selon l’article 2 de ses statuts, cette structure, dont le siège se situe à Berlin, a pour objet « de promouvoir la coopération entre la France et l’Allemagne dans le domaine des énergies renouvelables. Entre autres initiatives, la promotion des échanges d’expériences et de connaissances, la suppression des obstacles existants, le développement des énergies renouvelables en France et en Allemagne ». 

Ce lobby, dont la vocation est de soutenir la filière industrielle des énergies renouvelables, est composé de syndicats professionnels éoliens comme France Énergie Éolienne ou le Syndicat des énergies renouvelables et leurs semblables allemands, ainsi que de nombreux représentants des promoteurs éoliens comme ENERCOM, NORDEX, H2R… De manière beaucoup plus surprenante, il compte aussi le ministère de l’Écologie français et le ministère de l’Économie et de l’énergie allemand. 

En étudiant les informations officielles disponibles sur cette association d’influence, nous découvrons que son financement est réalisé à hauteur de 38,5 % par les ministères concernés et que le bureau de représentation en France est situé à la Défense dans les locaux du ministère de l’Écologie. L’OFATE est donc un lobby de défense de l’industrie éolienne financé et abrité par le gouvernement français, tout en étant une association de droit allemand. Or économiquement, c’est l’Allemagne qui est le pays le plus motivé par le développement des éoliennes, dont il est l’un des plus importants exportateurs dans le monde. La localisation de l’OFATE dans les locaux du ministère fédéral de l’Économie et de l’énergie montre bien qu’il s’agit en réalité d’une structure d’influence allemande dont l’objectif est de développer son économie des énergies renouvelables en France. Cet exemple montre qu’au sein même des ministères, très officiellement, des lobbyistes de l’écolo-business agissent en toute liberté pour faciliter l’essor de l’éolien. Une gouvernance parallèle se met en place au profit des industriels du vent. En mars 2019, la sénatrice Anne-Catherine Loisier avait d’ailleurs interrogé le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, sur ce lobby financé par le gouvernement et abrité dans les locaux de son ministère. Question restée sans réponse. 

Dans un même ordre d’esprit, on ne peut qu’être édifié de voir Jean-Louis Bal, ancien directeur de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), établissement public dépendant du ministère de l’Écologie et actif dans la promotion de l’éolien, être nommé président du SER (Syndicat des énergies renouvelables) la principale structure de lobbying des  promoteurs éoliens en France. 

Ces liens entre élus, partis politiques, lobbyistes, ONG et associations environnementales, et industriels éoliens créent un système imbriqué dont le seul objectif est de faire un maximum d’argent en profitant de la manne des fonds publics débloqués au nom de la transition écologique. Cette part gigantesque du gâteau mérite bien quelques arrangements entre « amis »…

Les alliances entre politiques  et industriels du vent 

Au soir du 6 mai 2012, jour du second tour des élections présidentielles, le président fraîchement élu, François Hollande, s’affichait sur France 2 dans son bureau du conseil départemental de Corrèze, à Tulle. Au premier plan des images diffusées, une éolienne miniature en plastique exprimait symboliquement que son prochain quinquennat allait être celui du déploiement sans limite de ces machines. 

En France, la proximité entre certaines personnalités et partis politiques, en particulier le PS et EELV (Europe écologie Les Verts), et les acteurs de l’industrie éolienne est édifiante. Si bien que, parfois, il est possible de se demander si certains élus ne sont pas tout simplement les représentants de la filière industrielle éolienne au sein des institutions républicaines. Cette imbrication est d’ailleurs également visible dans d’autres pays comme l’Allemagne par exemple. L’absence de réserve politique de certains élus sur le sujet et leurs interventions sans retenue de plus en plus fréquentes et de moins en moins nuancées lors des colloques des promoteurs éoliens relancent le débat sur la place du lobbying au sein de nos institutions. 

François Brottes, ancien député du parti socialiste de l’Isère, alors président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, est un bon exemple de ces interférences et ces ambiguïtés entre la filière industrielle éolienne et le monde politique. Le 19 octobre 2012, alors qu’il est encore député, il est l’invité du troisième colloque national éolien organisé au palais Brogniart par le syndicat France Énergie Éolienne, qui réclame à cor et à cri la simplification du système d’installation des éoliennes qu’il juge trop lourd et complexe. François Brottes intervient publiquement à cette occasion afin de rassurer la filière éolienne de son entier soutien pour cette simplification. Le député avait déposé à l’Assemblée nationale peu de temps auparavant, le 6 septembre, une proposition de loi sur la tarification de l’énergie. Après les travaux parlementaires habituels, elle fut adoptée sous le nom de loi Brottes le 15 avril 2013 et aboutit à une libéralisation sans limite de l’installation des éoliennes en France (cette loi conduira en effet à la fin des Zones de développement éolien, à la fin de la règle des cinq mâts minimum et à une simplification sans précédent des procédures d’installation de mâts éoliens). 

Deux ans plus tard, le 23 juillet 2015, le député qui – par la promulgation de sa loi en 2013 – a joué un rôle prépondérant dans la remise en selle d’une filière éolienne en situation très difficile, se trouve nommé à la tête du RTE. Cette filiale d’EDF a la mission de gérer le réseau public de transport d’électricité haute tension et d’assurer le raccordement des industries productrices d’électricité au réseau principal. C’est donc un des plus fidèles soutiens de l’éolien qui est placé à la tête de l’entité chargée de mettre en œuvre le raccordement des futures éoliennes sur terre ou en mer au réseau électrique, un poste particulièrement stratégique pour le secteur. La question du raccordement des éoliennes est une question vitale. Delphine Batho avait d’ailleurs évoqué, lorsqu’elle était ministre de l’Écologie, la nécessité de la construction des milliers de kilomètres de lignes à haute tension pour le déploiement des éoliennes. Cette nomination d’un député à la tête du RTE a soulevé l’indignation d’une partie de la classe politique française, dont François Bayrou :

Cette décision est profondément malsaine. Un député, qui plus est un député président d’une commission [celle des Affaires économiques, N.D.L.R.], un député qui a porté un très grand nombre de textes, d’amendements concernant l’électricité, concernant EDF, va se retrouver à la tête d’une filiale d’EDF […] Ceci est insupportable.

Un député apporta cependant son soutien à cette nomination : Denis Baupin, député EELV, qui affirma publiquement que François Brottes avait les compétences requises pour diriger le RTE. Il faut dire que Denis Baupin fréquente les mêmes cercles que son collègue député François Brottes. Lors du colloque du 19 octobre 2012 de France Énergie Éolienne, il était également l’invité des promoteurs éoliens devant lesquels il déclara qu’« il ne faut pas rater la transition industrielle ». À cet égard, en 2015, Denis Baupin déposa des amendements de simplification de la procédure ICPE afin de continuer l’accélération de l’installation des éoliennes en France. 

En 2016, Jean-Vincent Placé, sénateur dissident EELV devenu secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, demanda à son ami Denis Baupin, toujours député mais devenu également viceprésident de l’Assemblée nationale, de siéger au conseil de la simplification des entreprises afin d’agir sur l’installation des éoliennes. Jean-Vincent Placé déclara à cette occasion à la presse : « J’ai décidé de mettre en œuvre une simplification massive des procédures, en particulier sur les énergies renouvelables. » Et d’ajouter : « On met sept ans pour faire une éolienne en France, contre trois ans en Allemagne, il y a un vrai problème. » 

Nommé en septembre 2018 en remplacement de Nicolas Hulot, le nouveau ministre de l’Écologie François de Rugy, avait démarré en politique toujours dans les rangs d’EELV. Devenu ministre, il continua l’industrialisation de la nature par les éoliennes entamée par ses anciens « camarades » du parti écologiste, en quelques mois et en pleine crise des gilets jaunes (dix mois en tout entre sa nomination le 5 septembre 2018 et sa démission fracassante le 16 juillet 2019). 

Tout d’abord, il a fait sauter le premier degré de juridiction pour les recours face aux éoliennes sur terre. Désormais les associations environnementales devront directement saisir la cour administrative d’appel avec l’obligation de payer des frais d’avocat, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors en première instance, où l’avocat n’était pas nécessaire. Le 24 décembre de la même année, il supprima la présence des commissaires enquêteurs pour les enquêtes publiques dans deux régions, à titre expérimental. Même si l’attitude générale des commissaires enquêteurs ne semble pas correspondre à l’émergence d’une véritable démocratie environnementale (voir chapitre 5), cette mesure symbolique bafoue incontestablement le droit des citoyens à participer aux décisions ayant un impact environnemental. 

Enfin, le ministre a envisagé un projet de décret qui annule l’avis préalable du CNPN (Conseil national de la protection de la nature) pour les autorisations d’installations industrielles comme les éoliennes. Comme nous l’avions précisé, le CNPN est, au sein du ministère de l’Écologie, l’instance d’expertise scientifique et technique compétente en matière de protection de la biodiversité, et plus particulièrement de protection des espèces, des habitats, de la géodiversité et des écosystèmes. Pour les installations d’éoliennes en mer ou sur terre, ce conseil doit être consulté pour avis en ce qui concerne les atteintes aux espèces protégées (voir chapitre 4). Le décret envisage purement et simplement de supprimer dans un très grand nombre de cas l’avis de cette autorité chargée de s’assurer du respect de la biodiversité et de la faune. Espérons que cette menace fasse réfléchir les vrais amoureux de la nature sur la réalité de la soi-disant défense de la nature par les éoliennes.

Extrait du livre de Fabien Bouglé, "Eoliennes : la face noire de la transition écologique", publié aux éditions du Rocher 

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