Les journalistes sportives, des femmes qui doivent "prouver deux fois plus", à compétences égales, dans un monde d'hommes <!-- --> | Atlantico.fr
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Céline Géraud et Marie-Christelle Maury, deux journalistes de France Télévisions, des exceptions dans ce milieu masculin.
Céline Géraud et Marie-Christelle Maury, deux journalistes de France Télévisions, des exceptions dans ce milieu masculin.
©Twitter

Bonnes feuilles

Voici un essai pour penser le sport comme source de progrès de la place des femmes en France – étayé de témoignages de sportives, anonymes ou célèbres, d'encadrés ludiques et d'interviews d'experts – à travers lequel se dessine le reflet d'une nouvelle société en mouvement, qui plaide pour la mixité, la coopération et la solidarité. Extrait de "A vos baskets toutes !", de Fabienne Broucaret, aux éditions Michalon 2/2

Fabienne Broucaret

Fabienne Broucaret

Fabienne Broucaret est journaliste indépendante. Elle a été rédactrice en chef adjointe du magazine Néoplanète et  a collaboré, entre autres, pour la Figaro, Elle.fr et Psychologies.com.

Elle est l'auteur de "Le sport féminin, le sport, dernier bastion du sexisme" aux éditions Michalon

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À quand un traitement d’égal à égal ?

La plupart des journalistes sportives interrogées le disent : dans cette spécialité encore très mâle, une femme doit toujours « prouver deux fois plus ». Et plus la discipline et le média sont exposés, plus la marge d’erreur est limitée. Au moindre faux pas, le procès en incompétence guette. « Aujourd'hui, la porte s’ouvre sans doute plus vite pour une femme ; mais elle peut aussi se refermer très vite, considère Isabelle Ithurburu. La première année où je suivais le rugby depuis le bord du terrain, le club d’Oyonnax est monté pour la première fois de son histoire dans l’élite. J’ai beau avoir une vraie connaissance du rugby, je ne maîtrisais pas l’intégralité de la composition de l’équipe sur le bout des doigts. Je me suis trompée sur un nom, dont j’ai mal prononcé une syllabe : je me suis fait étriller sur les réseaux sociaux. La semaine d’après, un collègue masculin a fait la même erreur : tout le monde a ri de manière bon enfant. Quand c’est un homme, c’est simplement une erreur d’élocution. Quand c’est une femme, on met d’abord en doute sa connaissance du sujet. »

« Quand vous êtes une femme, on vous en demande trois fois plus »

Isabelle Langé est journaliste sportive à RTL.

« J’ai été embauchée en CDI à RTL en 1997. J’étais la première femme à intégrer le service des sports. C’était une volonté de Philippe Labro, qui dirigeait alors les programmes de la station. Il voulait apporter un regard neuf, une autre manière d’aborder le sport. C’est ainsi qu’en 1998, j’ai réalisé le portrait des 22 joueurs de l’équipe de France racontés par leur famille, cela ne s’était jamais fait. Quand vous êtes une femme, on vous en demande trois fois plus. On remet plus facilement en doute vos compétences. Je me souviens qu’il y a quelques années, L’Équipe avait fait faire un quizz à des journalistes sportives évoluant à la télé. Cela m’avait fait bondir. On ne ferait jamais ça avec des mecs ! Quand je suis tombée enceinte, on m’a félicitée, puis la minute d’après on m’a demandé : “Mais tu vas t’organiser comment ?”. J’ai dû prendre une journée par an pour enfant malade, je me suis toujours arrangée au mieux pour limiter mes absences car on vous attend au tournant. Et puis les premières années ont été très difficiles pour moi parce que le traitement n’était pas le même que pour un homme. Cela passait par des remarques, mon travail ne convenait jamais. Alors que je ne voyais pas la différence avec mes collègues. À l’époque, j’ai voulu couvrir le Tour de France, on m’a dit que cela n’était pas possible, on ne pouvait pas mettre à l’antenne “une voix de femme pour commenter les arrivées !” Ce machisme continue encore un peu aujourd'hui, mais j’ai passé l’âge, cela ne m’atteint plus de la même manière. Presque vingt ans après mon arrivée, je suis toujours la seule femme du service ! »

Autre anecdote significative : lors d’une conférence de presse d’avant match, en 2013, Laurent Blanc a répondu à la journaliste suédoise Johanna Frändén, correspondante du magazine Aftonbladet, qui l’interrogeait sur son schéma tactique : « Vous savez ce que ça veut dire, un 4-3-3 ? » Réponse de l’intéressée : « Oui, c’est mon métier de le savoir. » Bien sûr, il aurait été inimaginable de poser une telle question à un porteur de chromosomes XY… Certains clichés sont ainsi plus tenaces que d’autres. « J’aimerais rester à Canal le plus longtemps possible, mais il ne faut pas oublier que 40 ans, en âge de fille, c’est 70 ans en âge de garçon », résume Marie Portolano.

Extrait de "A vos baskets toutes !", de Fabienne Broucaret, publié aux éditions MichalonPour acheter ce livre, cliquez ici

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