Les Français sont-ils prêts à payer pour la faillite énergétique allemande ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Philippe Charlez publie « Les dessous d'une catastrophe énergétique: Pourra-t-on encore se chauffer demain ? » chez Kiwi Editions.
Philippe Charlez publie « Les dessous d'une catastrophe énergétique: Pourra-t-on encore se chauffer demain ? » chez Kiwi Editions.
©Ludovic MARIN / AFP

Bonnes feuilles

Philippe Charlez publie « Les dessous d'une catastrophe énergétique: Pourra-t-on encore se chauffer demain ? » chez Kiwi Editions. Crise du gaz, de l’électricité, marché européen et conflit russo-ukrainien, Philippe Charlez décortique le vrai du faux pour expliquer aux Français d’où viennent ces heures sombres et tenter de savoir si l’avenir s’avérera plus radieux. Extrait 1/2.

Philippe Charlez

Philippe Charlez

Philippe Charlez est ingénieur des Mines de l'École Polytechnique de Mons (Belgique) et Docteur en Physique de l'Institut de Physique du Globe de Paris.

Expert internationalement reconnu en énergie, Charlez est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la transition énergétique dont « Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle » paru en Octobre 2017 aux Editions De Boek supérieur et « L’utopie de la croissance verte. Les lois de la thermodynamique sociale » paru en octobre 2021 aux Editions JM Laffont.

Philippe Charlez enseigne à Science Po, Dauphine, l’INSEAD, Mines Paris Tech, l’ISSEP et le Centre International de Formation Européenne. Il est éditorialiste régulier pour Valeurs Actuelles, Contrepoints, Atlantico, Causeur et Opinion Internationale.

Il est l’expert en Questions Energétiques de l’Institut Sapiens.

Pour plus d'informations sur l’auteur consultez www.philippecharlez.com et https://www.youtube.com/energychallenge  

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« La Cigale ayant chanté tout l’été se trouva fort dépourvue quand la bise fit venue », écrivait Jean de La Fontaine. Résultat d’une politique européenne catastrophique, l’Europe s’est naïvement engouffrée dans le piège gazier russe. Aussi les Européens sont-ils sommés de limiter leur consommation de gaz. Mais, sur ce point, tous les États membres ne sont pas sur un pied d’égalité.

En France, la consommation de gaz compte pour 18 % du mix énergétique, dont 17 % de gaz russe. En d’autres termes, le gaz russe compte pour seulement 3 % de la consommation énergétique française. En revanche, outre-Rhin, ce chiffre monte à… 16 %. Si contracter en un clic sa consommation énergétique de 3 % est significatif mais économiquement possible, la réduire de 16 % n’est pas acceptable, sauf à entrer dans une profonde récession économique. À titre d’exemple, durant le confinement pandémique de 2020, la consommation d’énergie en France s’était réduite de 10 %. Parallèlement, le PIB s’était contracté de 8 %.

Avec 3  % de dépendance gazière à la Russie, la France se trouve dans une situation très favorable par rapport à l’Allemagne. Une situation qui lui permettait de décider seule de l’ampleur de l’aide gazière qu’elle aurait à fournir à son voisin tout en préservant ses intérêts nationaux. Malheureusement, à la situation gazière est venue se greffer une situation électrique franco-française imprévue : 32 réacteurs nucléaires français ont été arrêtés pour différents problèmes de maintenance et de panne, et ne devraient être remis en ordre de marche qu’au premier trimestre 2023. Cette situation inédite oblige l’Hexagone à massivement importer de l’électricité… allemande.

« Électricité contre gaz », la France n’a plus son destin en main. Elle devra accepter une sobriété énergétique bien supérieure aux 3 % initialement nécessaires pour se passer du gaz russe. Parlant initialement de 10 %, la Première ministre Elisabeth Borne a révisé ses ambitions à la baisse avec 10 % sur deux ans. Mais ce n’est pas en portant un col roulé, en réglant son chauffage à 19 °C voire en télétravaillant qu’on réduira la consommation du pays de 5 à 10 points. Comme l’a justement fait remarquer dans L’Opinion la directrice de l’iFrap Agnès Verdier-Molinié : « Pour arriver à -10 % de consommation d’énergie, il faudra arrêter la production de nombre de nos usines… Lorsque les entreprises produisent moins, que les Français consomment moins d’énergie et se déplacent moins, cela a un effet sur la croissance. » Ce que E. Borne nous présente comme un plan de sobriété choisi est en réalité un plan de rationnement dans la douleur, un plan de décroissance économique que nombre d’écologistes extrémistes devraient applaudir ! Les arrêts récents des chaînes de production dans la verrerie (Duralex, Cristal d’Arcques), l’agroalimentaire (Garbit, William Saurin), mais aussi la sidérurgie, la chimie et la cimenterie n’augurent rien de positif pour 2023. Et que dire du cri d’alarme des bouchers et des boulangers, dont les factures énergétiques ont explosé depuis un an ? La décroissance au secours de la sobriété n’était pas vraiment l’option privilégiée par le Gouvernement et par les Français.

Qu’importe rationnement ou sobriété s’il s’agissait d’un effort partagé au nom d’une noble cause : « Défendre la démocratie en supportant l’Ukraine contre la Russie et combattre le réchauffement climatique. » Le grand Winston Churchill n’avait-il pas embarqué son peuple en lui promettant « du sang, de la peine, de la sueur et des larmes » ?

Hélas, en filigrane du discours moralisateur d’Elisabeth Borne se cachent vingt ans de renoncements politiques et d’errements énergétiques, vingt ans au cours desquels il n’y a jamais eu le moindre mea culpa des exécutifs successifs. « Il n’y a de réussite qu’à partir de la vérité », disait le général de Gaulle. En termes de sécurité industrielle, les progrès reposent d’abord et avant tout sur une reconnaissance et une analyse des erreurs passées. Sans ce minimum de repentance, personne ne suivra et aucun progrès ne sera possible. N’en déplaise à Madame la Première Ministre, la politique n’échappe pas à la règle.

Si la guerre est d’abord porteuse de brutalité, d’oppression et de désolation et n’apporte généralement à terme que le chaos au vaincu comme au vainqueur, elle est aussi très souvent révélatrice de situations latentes occultées en temps de paix. Révélatrice d’un caractère agressif refoulé pour les uns, elle peut aussi être associée à des actes de profonde humanité comme l’a démontré la journaliste Véronique de Viguerie lors de ses innombrables reportages. Si le conflit russo-ukrainien nous a confirmé certaines évidences comme le fait que Poutine était bel et bien un tyran anti-démocrate, elle a aussi mis en lumière certaines situations moins manifestes pour l’opinion publique. Puisse le conflit ukrainien au moins révéler à l’Europe sa fragilité énergétique et contribuer à redéfinir une indispensable stratégie commune. Puisse le conflit ukrainien sonner le glas de la mortifère écologie politique.

Extrait du livre de Philippe Charlez, « Les dessous d'une catastrophe énergétique: Pourra-t-on encore se chauffer demain ? », publié chez Kiwi Editions

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