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Le principal avantage de l’euro est le même depuis sa création : un environnement monétaire stable facilitant les échanges entre les États membres.
Le principal avantage de l’euro est le même depuis sa création : un environnement monétaire stable facilitant les échanges entre les États membres.
©Reuters

L'herbe est toujours plus verte ailleurs

Mercredi, la Commission européenne a donné son feu vert à la Lettonie pour rejoindre la zone euro à partir du 1er janvier 2014. Le Parlement européen et les ministres des Finances de l'Eurogroupe devront confirmer cet avis en juillet.

Gérard Bossuat,Paul Goldschmit et Thomas Houdaille

Gérard Bossuat,Paul Goldschmit et Thomas Houdaille

Gérard Bossuat est économiste et professeur à l'Université de Cergy-Pontoise, titulaire de la chaire Jean Monnet ad personam.

Il est l'auteur de Histoire de l'Union européenne : Fondations, élargissements, avenir (Belin, 2009) et co-auteur du Dictionnaire historique de l'Europe unie (André Versaille, 2009).

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

Thomas Houdaille est secrétaire général du think-tank EuropaNova et directeur du programme européen de leadership, 40under40.

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Atlantico : La Commission européenne a donné son feu vert à l'entrée de la Lettonie dans l'euro, estimant que le pays était dans les clous européens et avait fait les efforts nécessaires pour sortir de la crise qui l'avait frappé en 2008-2009. Pourquoi, malgré la crise, l’Europe et la zone euro restent aussi attractives ? En quoi le modèle européen demeure séduisant ?

Thomas Houdaille : Le principal avantage de l’euro est le même depuis sa création : un environnement monétaire stable facilitant les échanges entre les États membres qui s’appuie notamment sur la transparence des prix, la fin des coûts de transaction, des fluctuations des taux de change et des taux d’intérêts bas. C’est aussi un outil politique essentiel pour l’intégration européenne, l’Union restant à ce jour la référence mondiale, même si imparfaite, en matière d’espace de liberté, de prospérité, de respect des droits fondamentaux. Mais l’euro a perdu de sa superbe et la crise a refroidi les ardeurs des autres candidats potentiels en particulier la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie qui sont dans une position attentiste.

Paul Goldschmidt : La crise financière, qui s’est muée en crise économique, n’a fort heureusement jamais été une crise de la monnaie unique, comme le démontre la stabilité de la devise vis-à-vis du dollar américain ; à ce jour, elle caracole encore à quelque 10% au dessus de son cours d’introduction en 1999 au grand damne de certains opérateurs qui aimeraient un euro "moins fort". Cette situation pourrait changer rapidement si la tendance au renforcement de l’euroscepticisme mettait en doute la pérennité de l’Union économique et monétaire (UEM) et de l’Union elle-même. L’attraction majeure, notamment pour les plus petits pays tournés obligatoirement vers l’extérieur, est l’élimination du risque de change dans les échanges avec les pays membres de l’UEM ce qui facilite la planification des investissements, réduit les frais de transaction et impose une discipline budgétaire qu’il serait parfois difficile à mettre en œuvre sans les obligations qui découlent de la participation à l’eurozone. Le revers de la médaille est la perte de la souveraineté monétaire, ce qui élimine la dévaluation comme outil d’ajustement et, en attendant la mise en œuvre du volet "économique" de l’UEM, exacerbe les divergences entre pays, alors que le projet d’UEM prévoyait une convergence progressive des économies. L’UEM ne survivra que si l’intégration économique se réalise, ce qui implique un budget significatif pour l’UEM, des ressources propres (fiscalité) et une capacité d’emprunt (mutualisation d’une partie des dettes).

Gérard Bossuat :Une solidarité monétaire existe entre les pays membres de l’Union et entre les pays de l’euro malgré les tensions helléno-allemandes. Aurait-on oublié les dévaluations ou réévaluations incessantes des monnaies européennes dans les années 1970 et 1980, alors qu’elles étaient en théorie corsetées par le système monétaire européen ? Bien sûr adhérer à la zone euro signifie pour un pays renoncer aux dévaluations compétitives, mais en revanche il gagne une stabilité de sa monnaie qui ne risque plus d’être attaquée par la spéculation comme celle de Soros envers le franc et la lire dans les années 1990. L’euro est accepté partout. Il devient monnaie de réserve internationale. Les déficits commerciaux des Etats membres ne se traduisent plus par une chute de la valeur de la monnaie. Bien entendu, cette politique monétaire commune a des inconvénients dont le plus important est l’acceptation de règles communes de gestion de la monnaie par une banque centrale indépendante qui a reçu des Etats membres, comme seule mission, d’empêcher l’inflation. On en revient à ce propos à la politique monétaire discutable adoptée par la BCE sur disposition des États qui n’a pas pour mission initiale de lutter contre le chômage. Ce qui séduit encore à l’extérieur c’est la capacité des pays membres à renforcer leur unité et donc leur capacité de répondre collectivement aux défis qui pleuvent sur l’Europe.

Les Européens sont-ils les seuls à ne pas voir ce que l’Europe fait de bien ? Les citoyens européens que nous sommes évoluent dans un grand espace sans frontières et sans affrontements entre ses membres depuis plus de 60 ans. A force d’y vivre, mesurons-nous toujours ce que cela a d’exceptionnel ?

Thomas Houdaille : En 2008 déjà, l’essayiste américain Jeremy Rifkin expliquait que le rêve américain n’a plus de sens aujourd’hui puisqu’il risque de nous amener au bord de la destruction, économique, écologique, civilisationnelle ; et qu’il est en passe d’être remplacé par un autre rêve, celui européen, fondé davantage sur le respect de l’humain, mais aussi de l’écologie, et qui réussit à conjuguer progrès et protection des valeurs fondamentales de l’homme. L’Europe fait toujours rêver le reste du monde, quoique beaucoup moins depuis 2009, mais pas ses citoyens, l’image de l’Europe véhiculée depuis plus de 30 ans étant celle d’un grand marché, dirigé par les technocrates de Bruxelles, ce qui ne fait pas beaucoup rêver ! C’est pourquoi il faut rappeler régulièrement que l’Union est le seul espace au monde où la peine de mort a été abolie, le continent où les moins favorisés ont le plus de chance d’avoir une vie décente, où le respect de l’environnement est aussi présent, tout en étant le premier marché du monde !

Paul Goldschmidt : Il est vrai que l’UE a permis des avancées considérables dont la paix entre ses membres n’est pas le moindre. De blâmer la crise sur l’Europe/UEM est oublier que la monnaie unique a servi et sert encore de rempart contre la propagation incontrôlée de la crise financière après la faillite de Lehman Brothers en 2008. Le citoyen européen a tendance à accepter tous les acquis (libertés de circulation des biens et des personnes et des capitaux, droits de l’homme, etc.) comme allant de soi. En faisant de l’UE systématiquement un bouc émissaire pour toute difficulté, les autorités politiques et gouvernementales nationales ont une lourde responsabilité pour la propagation de l’euroscepticisme qui fait le nid des mouvements populistes et nationalistes. Ceux-ci ne proposent aucune solution de rechange valable, profitant du désarroi des citoyens pour prôner le protectionnisme, le dé-tricotage de la monnaie unique etc., toutes mesures qui conduisent droit à l’instauration de régimes d’exception dont les générations actuelles n’ont eu (heureusement pour elles) aucune expérience.

Gérard Bossuat :L’Europe c’est la paix. Il parait que cet argument a perdu de sa pertinence auprès des jeunes générations qui n’ont pas connu la guerre, ni la seconde guerre, ni les guerres de décolonisations, ni les conflits idéologiques armés. Pourtant les jeunes générations ont sous leurs yeux, ceux d’internet et des médias les drames qui secouent le monde entier : tensions sociales est politiques au Tibet "chinois", guérillas du narcotrafic en Amérique centrale, violence des réseaux mafieux, insécurité de la société civile au Mexique, guerres, coups d’Etat, otages en Afrique, exaspération des tensions idéologiques et religieuses dans l’arc méditerranéen, guerre en Somalie, Soudan, Nigéria, Mali, Niger etc, guerre en Syrie, tensions au Liban, entre Israël et Autorité palestinienne, menaces iraniennes, menaces des talibans en Afghanistan, tensions en Corée …Ces exemples offrent aux jeunes le spectacle d’une insécurité générale, dont l’Europe elle-même subit les conséquences sur son sol ou contre ses citoyens. Mais pourtant l’Europe c’est la paix. En effet la construction européenne en créant des structures de dialogue inter-européennes et en offrant des solutions diplomatiques aux inévitables tensions en Europe, a donné la paix à cette région du monde. Elle offre de fait aussi un modèle de comportement qui peut servir de référence pour tenter de pacifier d’autres espaces déchirés. C’est pourquoi renforcer la conscience de l’unité européenne est indispensable pour mobiliser les forces de la jeunesse européenne afin d’empêcher les violences qui risqueraient de se déchaîner en Europe au nom de l’intolérance ethnique ou sociale, au nom d’idéologies de la différence et de l’exclusion ou encore de l’inégalité sociale et économique. C’est pourquoi l’adhésion des pays des Balkans occidentaux à l’Union européenne contribuera à la stabilisation des relations dans cette région.

Quelles sont les réalisations tangibles de l’Europe depuis sa naissance dans les années 1950 ?  
Quel est son bilan ?

Thomas Houdaille : Il faudrait un livre entier pour tirer le bilan de 60 ans de construction européenne ! Pour simplifier à l’extrême, et au-delà de la paix durable, on peut rappeler que l’Union a permis aux pays européens de rentrer dans la modernité à une vitesse accélérée dans les années 1960 avec des échanges au sein du marché commun beaucoup plus importants qu’ailleurs, que la Politique Agricole Commune a permis de garantir l'autosuffisance alimentaire,  l'Union devenant ainsi une véritable puissance agricole mondiale, concurrençant les Etats-Unis en termes d'exportation, que l’Europe a aidé à sortir de régimes totalitaires des pays du sud ou de l’est en les intégrant à la communauté. L’euro est évidemment la dernière réalisation majeure. Mais cette union monétaire est incomplète, et on a "découvert" dans la douleur avec la crise qu’on ne peut avoir de monnaie commune sans une intégration économique et budgétaire plus importante. Cette nouvelle étape fait l’objet de nombreux débats depuis 5 ans, autour de ce qu’on appelle aujourd’hui le gouvernement de la zone euro.

Paul Goldschmidt : Les réalisations positives de l’Europe sont trop nombreuses pour les citer mais, comme déjà explicité ci-dessus, les bienfaits ne sont pas valorisés car souvent ils sont considérés comme des dus. Il est plus que temps de faire revivre les concepts de citoyenneté où les droits sont la contrepartie de devoirs !  Le récent sursaut à l’encontre de la fraude fiscale, des conflits d’intérêt, des connivences malsaines, etc. est la condition sine qua non d’un monde plus solidaire à tous les niveaux et à l’échelle européenne en particulier. Le système actuel qui met en avant systématiquement l’individu au détriment du collectif et qui a généré une exacerbation historique des inégalités, ne peut que conduire au chaos social. Celui-ci se manifeste déjà au-delà du domaine économique, se propageant aux débats de société (mariage pour tous) et même au sport (émeutes du Trocadéro).

Il est difficile d’établir un bilan précis car personne ne peut évaluer ce que serait la situation sans Europe. La paix et un niveau de vie très supérieure à celle de la plupart des habitants de ce monde constituent deux éléments largement suffisants pour le considérer comme très positif.

Gérard Bossuat : Sans doute la manière dont l’unité se construit est-elle une des raisons de la mise en cause de des institutions d’unité et même de l’objectif de l’unité. Le secret, le consensus mou, l’élitisme, ont présidé à la construction européenne qui a apporté une modification profonde des rapports entre les peuples, à commencer par la relation franco-allemande. Qu’on relise les premiers débats de l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe en 1949, celle du printemps des peuples, disait-on alors. Ils traduisent l’enthousiasme et l’espoir de changement au profit d’une union européenne que les représentants des peuples entendaient construire ; ils se sont heurtés aux Etats membres, opposés aux abandons de souveraineté que cela supposait.

Pourtant, malgré ces difficultés liées aux États, à la Guerre Froidequi fit oublier jusqu’en 1990 la Mittel-Osteuropa, un marché commun de l’acier a été ouvert, puis un marché commun général, la liberté de circulation des biens puis des personnes a été établie dans l’espace communautaire, des procédures de règlements des conflits de tous ordre entre Etats membres ont été inventées et une Cour européenne de justice a tranché les différents. Le développement des régions et des espaces aux performances économiques limitées a été pris en compte par le FEDER, le Fonds social européen ou le Fonds de cohésion. La suppression générale des obstacles à la circulation des marchandises a été réalisée en 1992 et une monnaie commune créée. Trois fois par an au minimum les chefs d’Etats et de gouvernement se réunissent pour adopter des objectifs communs. Une véritable structure commune et intergouvernementale a été mise en place grâce aux réunions des ministres européens seuls ou à la demande des institutions communautaires, contrôlée de plus en plus par le Parlement européen. Imaginons la suppression des ce réseau de prise de décisions. Que se passerait-il ? Un grand vide se produirait, fragilisant les relations inter-européennes et la paix en Europe.

Pour autant, les critiques doivent-elles être passées sous silence ? Son incapacité à agir sur les conflits qui se développent à sa porte ou encore son impuissance face à la crise…

Paul Goldschmidt : Il ne faut surtout pas passer les critiques sous silence. L’incapacité de l’UE/UEM à agir tient à ce qu’elle n’a pas le courage politique nécessaire pour continuer à avancer vers une intégration suffisante pour lui permettre d’agir efficacement sur le plan intérieur ainsi que sur le plan international. Le blocage des réformes visant à une plus grande intégration ne peut déboucher que sur l’implosion à terme de l’Union monétaire et de l’Union européenne avec des conséquences catastrophiques pour la plus grande majorité de ses citoyens. Aucun pays membre ne peut sortir "gagnant" d’une telle aventure et les sirènes nationalistes et populistes qui l’encouragent sont de dangereux pyromanes.

Gérard Bossuat : Les critiques ne doivent pas être passées sous silence ; le procès des institutions communautaires est instruit parce qu’elles sont peu visibles, malgré leur désir de transparence. Elles sont tellement étonnantes qu’elles jurent avec les formes démocratiques de nos institutions nationales. Il serait bon qu’elles leur ressemblent davantage et que le Parlement européen y occupe une place éminente. Ce qui demanderait des élections différentes, rendant visible le caractère européen des grandes familles politiques. Le président français a demandé la création d’un poste de président permanent de l’Eurogroupe pour pouvoir conduire plus efficacement les politiques de redressement économique et financier nécessités par le taux de chômage de 12% dans l’Union en juin 2013. Un vrai gouvernement économique pourrait alors voir le jour qui ferait converger les systèmes salariaux dans les pays de la zone (création de Smic dans les pays membres qui n’en disposent pas encore, par exemple). On voit bien que de formidables intérêts s’y opposent car il risquerait de mettre en pièce la grande Europe à 27, laissant sur le bord de la route ceux qui, en fait, n’osent pas approfondir l’unité, ni partager leur avenir dans une Union politique, je veux dire les Britanniques et certains autres pays. 

Dans quels domaines l’Europe doit-elle encore progresser ? En quoi et comment ?

Thomas Houdaille : Les critiques du fonctionnement de l’Union existent, en particulier depuis la crise, où on a assisté à une remise en cause de certains acquis importants, notamment concernant l’Union économique et monétaire on l’a rappelé plus haut, mais on peut également parler de remise en question de la politique économique prônée par la Commission européenne : l’un de ses principaux objectifs depuis 20 ans était la libre concurrence, la libéralisation et l’ouverture des marché, au détriment de politique européennes sectorielles, ce qui est en train de changer avec des ambitions en matière de politique industrielle ou encore d’appliquer un principe de réciprocité pour ne pas ouvrir "naïvement" nos marchés aux grands concurrents mondiaux, mais les forcer à faire de même. Il n’en reste pas moins que la critique devrait être à mon sens plus systématique, de façon à pouvoir repartir sur des bases saines pour une prochaine étape du projet européen.

Les principaux domaines dans lesquelles elle doit progresser sont à mon sens les suivants : à court terme, la gouvernance de la zone euro, avec une assemblée parlementaire dédiée, car c’est l’outil de pilotage indispensable pour redonner une dynamique économique crédible, favoriser la convergence fiscale et sociale, capable de rassurer les investisseurs du monde entier et donc de contribuer à la croissance ; en parallèle il convient de relancer des grands projets industriels communs avec des investissements conséquents pour des secteurs clés comme l’énergie, le digital (une sorte de new deal européen) qui pourraient assez vite être financés en partie par des euro bonds; la politique énergétique et liée au climat (marché du C02…) sont également une priorité ; dans un deuxième temps, il faut accélérer en matière de diplomatie européenne : c’est aujourd’hui un des maillons faibles évidents, mais c’est aussi sans doute celui où les progrès vont être les plus lents, tant le concept de souveraineté nationale est présent en matière de diplomatie.

Tout cela ne se fera évidemment pas sans les citoyens européens qui expriment aujourd’hui une forte défiance vis-à-vis du projet européen. Les responsables politiques ont actuellement une responsabilité historique : s’ils parviennent à redonner confiance aux citoyens, notamment dans la perspective des élections européennes de 2014, la dynamique européenne pourrait être réellement relancée. Si les partis eurosceptiques font une vraie percée, l’avenir européen sera beaucoup plus incertain. 

Paul Goldschmidt :L’essentiel est que l’UE continue à progresser de façon à ce que le citoyen puisse partager une vision d’un avenir meilleur, notamment pour les générations futurs. Le sommet européen de juin doit étudier une feuille de route sur l’avenir de l’Union préparée par le Président van Rompuy. Le pragmatisme demande que l’on s’accorde le temps nécessaire, mais un accord "politique" sur l’objectif commun doit émerger rapidement. Une des clefs incontournable est la réparation urgente de l’entente entre la France et l’Allemagne sans laquelle l’Europe ne peut se construire. Une autre nécessité est d’assurer la cohérence entre les accords signés à Bruxelles et leur interprétation à l’usage de l’opinion publique nationale : la "gueulante" du président Hollande suite aux "recommandations" de Bruxelles sur les réformes structurelles  est un exemple emblématique de dysfonctionnement, car la Commission n’a fait que mettre en œuvre les textes adoptés  récemment (Traité budgétaire, six et two pack,) dans le cadre du "semestre européen".    

Gérard Bossuat : L’euroscepticisme est fondé apparemment sur de solides raisons: manque de démocratie dans l’Union, manque de projet commun pour répondre à la crise, référence à la seule austérité dénoncée par tous les économistes, absence de politique économique nouvelle , loin des vieilles lunes du libéralisme, fourre tout de solutions inadaptées, prégnance de la finance internationale dans l’organisation économique et financière de l’Union européenne, absence des pouvoirs publics européens pour soigner les conséquences humaines de la crise. Les Etats membres conservateurs et la Commission européenne de tendance libérale et conservatrice n’ont admis que récemment l’intérêt que l’Union participe à la régulation  de la vie sociale et économique car une des valeurs de l’Union européenne c’est l’humanisme. Le drame de l’Union,  et seuls ceux qui l’aiment le disent, est que ses institutions faussement neutres, comme la Commission européenne, font des politiques conservatrices dans la gestion monétaire ou économique sans traiter la question la plus sensible, celle du chômage. Par choix politique la Commission ignore les enjeux de cette lutte qui, si elle était menée, pourrait déboucher non pas sur un traitement humanitaire des personnes concernées mais sur l’invention d’un nouvel outil de production. Le projet franco-allemand pour la compétitivité  et l’emploi en Europe, porté par Hollande et Merkel, ouvre de nouvelles perspectives pour l’Union ou/et l’eurozone. Mais conséquences du manque d’imagination depuis 2008, autrement que dans les affaires bancaires, importantes certes, conséquence d’une absence de vision prospective, l’Union européenne paraît sans saveur dans un monde dominé par la peur du lendemain, y compris dans les sociétés industrielles.

Or les Européens, la jeunesse européenne, les chercheurs et entrepreneurs, les formateurs sont en capacité de faire basculer l’Europe d’une économie productiviste et prédatrice à une économie plus intégrée aux cycles de la nature. Encore faudrait-il que des leaders, comme Delors avait su l’être il y a plus de 20 ans, soient parmi les chefs d’Etats et de gouvernement, à la tête de la Commssion, ou encore à la présidence du Parlement européen, puissent créer de la confiance dans l’avenir des peuples européens et de leurs institutions communes. Les récents projets du président français exposés le 16 mai dernier et la contribution franco-allemande pour la compétitivité et l’emploi en Europe qui a été élaborée avec la chancelière allemande et présentée le 30 mai offrent de solides bases pour une relance européenne utile enfin pour faire reculer le chômage en Europe et commencer à bâtir cette économie nouvelle évoquée plus haut.

Oui l’Union européenne a un avenir si elle accepte le jeu démocratique dans un Parlement mieux élu, si elle se donne un programme de changement des paradigmes économiques  actuels au profit d’une économie respectueuse des ressources limitées de la terre, innovatrice scientifiquement et techniquement, révolutionnaire dans les rapports sociaux, économe d’énergie, plus attentive aux travailleurs et aux besoins réels des citoyens.

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