Les espoirs de sauver le quinquennat Hollande mesurés à l’aune de la jurisprudence Jospin<!-- --> | Atlantico.fr
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Lionel Jospin.
Lionel Jospin.
©Reuters

Bilans chiffrés

Au regard de l'Histoire de la Vème République, les bilans chiffrés occupent une place toujours moins importante que celle de l'incarnation du président. En témoigne le cas de l'échec de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002, malgré un bon bilan économique, une gauche relativement unie derrière son candidat et un adversaire usé.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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  • Ce week-end, un sondage Ifop pour le Journal du dimanche sur les leviers d'amélioration de l'opinion montrait que 65% des sondés seraient prêts à réviser leur opinion sur François Hollande si la courbe du chômage s'inversait. 
  • En 2002, Lionel Jospin pouvait prétendre à un bilan économique plutôt positif, marqué par un million de chômeurs en moins, et une croissance supérieure d'un demi-point par rapport à la zone euro (voir ici).
  • Comme nous le savons, Lionel Jospin n'est pas arrivé au second tour des élections présidentielles.

Atlantico : De manière générale, quelle importance les Français accordent-ils au bilan économique d'un candidat à une élection présidentielle ?

Jean Garrigues : La capacité à redresser un pays économiquement et socialement demeure un argument déterminant dans la crédibilité d'un président. Cependant, il n'est pas le seul. Beaucoup d'autres facteurs ont un rôle important dans la crédibilité d'un futur président. Par exemple, dans le cas de Nicolas Sarkozy, l'image d'hyperprésident et de président des plus riches lui a sans doute été aussi néfaste que son relatif échec en matière économique et social. Il semblerait que finalement, dans les enquêtes de notoriété, c'est davantage cette image qui était source de malaise chez les électeurs. Les Français ont intégré qu'un contexte de crise économique internationale implique des marges de manœuvre relativement restreintes, et peut donc concevoir des défauts de résultats.

On le voit également avec Valéry Giscard D'Estaing, l'autre président qui a échoué à se faire réélire en temps de crise, et qui doit une partie de son échec à son image qui manquait d'une certaine hauteur. L'affaire des diamants l'avait d'ailleurs beaucoup fragilisé. Je dirais donc que la situation économique et sociale plante un décor qui n'est pas déterminant dans l'esprit des Français.

L'échec de Lionel Jospin en 2002 que vous évoquez, malgré un bilan économique positif l'illustre parfaitement. Il faut sans doute ajouter à ce cas précis le fait qu'il n'était que Premier ministre, et que la réussite de ce quinquennat a pu être partagée dans les esprits entre lui et Jacques Chirac.

François Hollande pourrait-il réellement se reconstruire une image de "père protecteur" à partir de résultats économiques satisfaisants ? En quoi l'exemple des débats de campagnes des élections de 2002 nous apprennent-ils que les attentes des Français sont ancrées dans une dimension supérieure à un simple bilan chiffré ?

Bien que le chômage soit un des enjeux principaux dans l'esprit des Français depuis la crise de 1973, les campagnes se sont quasiment toujours déroulées sur d'autres thèmes majeurs. Lionel Jospin n'a pas pu profiter de son bilan positif car les thèmes abordés ont déviés de ce terrain qui lui était favorable.

On peut se référer au passé pour tenter de répondre à cette question. Pour les deux présidents qui ont réussi à se faire réélire -François Mitterrand en 1988 et Jacques Chirac en 2002-, le soucis de paraître comme rassembleur, comme père protecteur a été à la fois déterminant et bien réalisé. De manière assez paradoxale, c'est bien en situation de crise que François Mitterrand a été réélu. On voit bien qu'au fond, le succès en matière de politique économique et sociale n'est pas une condition unique, ni indispensable à la réélection.

L'Histoire nous apprend que les Français souhaitent un président qui rassure et qui sécurise face aux enjeux extérieurs et aux problèmes auxquels ils sont confrontés.

Ainsi, on en retient une campagne maladroite politiquement, parce que minée par les défections de plusieurs éléments de la gauche plurielle (comme Jean-Pierre Chevènement, Christiane Taubira ou encore Noël Mamère).

Mais aussi la question sécuritaire qui a remplacé la question économique et sociale, et a pénétré le cœur des questionnements du fait de la montée dans les sondages de Jean-Marie Le Pen. Il est d'ailleurs tout à fait concevable que cette question sécuritaire revienne au coeur des débats de la campagne présidentielle à venir, ce qui impliquera pour François Hollande d'être crédible sur le sujet, et d'incarner le rassemblement des Français. 

Qu'impliquerait ce changement pour François Hollande, quels éléments de sa personnalité sont donc à remettre en cause ?

Une différence subsiste effectivement entre François Hollande et François Mitterrand : ce dernier avait réussi à gagner une légitimité au cours de son mandat, par son image de monarque républicain, il était rassurant. Au regard des enquêtes d'opinion actuelles, François Hollande est beaucoup moins crédible sur cet aspect pourtant essentiel. Son image de molesse, d'homme hésitant, parfois même de ridicule aura du mal à être retirée. S'il veut incarner cette image de rassemblement et d'autorité, il faut absolument qu'il réussisse à coller aux vêtements présidentiels. Encore une fois, nous sommes dans une société où l'image est bien déterminante.

Étonnamment, la même terminologie que celle utilisée par Lionel Jospin pour attaquer Jacques Chirac (voir l'interview accordée à la Dépêche en 2002), lorsque le Premier ministre de l'époque avait estimé que le président était "fatigué par une certaine usure du pouvoir", l'est envers Nicolas Sarkozy aujourd'hui. Cette attaque pourrait-elle être pertinente en 2017 ? 

Disposant déjà d'une légitimité présidentielle, cette attaque s'est plutôt retournée contre son envoyeur. Jacques Chirac a en effet bénéficié d'un courant de sympathie et d'affection lorsque Lionel Jospin a évoqué son grand âge. Et cela lui a couté cher. 

L'Histoire ne se répète pas toujours de la même manière, et peut-être que le jugement des Français pourrait prendre en compte les résultats socio-économiques. Mais l'image de sécurisation a toujours été préférée au bilan chiffré.

Il est vrai qu'il y a une incitation d'usure qui est peut-être contradictoire avec une autre qualité qu'on connaît à Nicolas Sarkozy qui est l'énergie, le volontarisme. Une grande partie de l'opinion le voit ainsi, et cette qualité-là reste un des marqueurs de sa personnalité, et l'avantage indéniablement vis à vis de François Hollande par exemple. Le seul qui pourrait se positionner pour le concurrencer sur ce terrain à gauche, c'est incontestablement Manuel Valls qui dégage tout comme Nicolas Sarkozy une autorité certaine.

En revanche, ce rapport à l'ancienneté est plus parlant si nous faisons un rapprochement avec Alain Juppé, critiqué sur son âge jusque dans son camp.

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