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Les entreprises américaines installées en France gardent le moral… mais il ne faudrait pas que la situation se dégrade
Les entreprises américaines qui travaillent en France n’ont pas envie de déménager mais commencent à se méfier des dysfonctionnements du système français : le climat social, la lourdeur administrative et fiscale les inquiètent.
Jean-Marc Sylvestre
Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.
Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.
Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.
Les entreprises américaines sont très nombreuses en France. Elles forment le contingent d’entreprises étrangères le plus important. Ce sont les premiers employeurs. Pour l’essentiel, il s’agit des filiales de grands groupes américains ou des sociétés détenues par des fonds d’investissement et de pension.
Cette population est interrogée chaque année par la chambre de commerce franco-américaine et Bain-Company qui veulent connaître leur état d’âme spécifique.
Clairement, les entreprises américaines sont en bonne santé et conservent une perception plutôt positive du pays. Perception partagée par les troupes installées dans l’hexagone comme par leurs maisons mères et leurs actionnaires. Mais ils mettent tous un bémol au diagnostic en reconnaissant qu’il existe depuis l’année dernière des symptômes de dérèglements qui nécessitent de leur part une grande vigilance.
Pour cette population, la France s’est très bien sortie de la crise du Covid, mais la guerre en Ukraine, la crise énergétique, les risques d’inflation ont brouillé les écrans radars.
Du coup, les dysfonctionnements classiques du système français sont remontés à la surface des préoccupations. Le climat social est redevenu incompréhensible et l’affaire des retraites va encore ternir le tableau et borner les perspectives, alors que l’objectif du président français était de montrer aux investisseurs étrangers que la France était capable de se réformer. Donc pour les investisseurs, c’est raté.
Le poids de la fiscalité est encore très lourd en dépit des efforts réalisés sur l’impôt des sociétés. Restent les fameux impôts de production. Restent un déficit budgétaire et un endettement extérieur qui nécessitera forcément des mesures de redressement. Et comme la France n’est sans doute pas capable de réduire le train de vie de son administration, les investisseurs étrangers en tirent la conclusion qu’il faudra une fois de plus passer par la case impôts et taxations. Le débat sournois qui s’installe autour du partage de la valeur et des super-profits augure évidemment d’un train de mesures qui viendrait alourdir la fiscalité.
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Enfin, reste le sentiment des responsables politiques français qui disent que leurs électeurs n’aiment pas les entreprises. Le sentiment là est, pour les étrangers, beaucoup trop relayé par la presse parce que pour eux,il ne correspond pas à la réalité. Ils s’appuient sur une étude très récente de l’institut Montaigne qui révèle que 70 % des Français ont beaucoup plus confiance dans les entreprisse que dans n’importe quelle autre institution pour améliorer la situation économique et sociale du pays.
Donc globalement, les responsables d’entreprises américaines installées en France sont sans doute beaucoup moins optimistes sur l’avenir de l’économie française qu’ils ne l’étaient l’année dernière. Ils étaient 74 % en 2022 à être très confiant dans le système français. Ils ne sont plus aujourd’hui que 22%.Cette baisse de moral se répercute sur les projets d’investissement et de recrutement. C’est d’autant plus vrai sur l’emploi que les Américains en France sont comme tous les responsables d’entreprises, ils sont face à des difficultés pour embaucher les bonnes personnes au bon endroit. Problème de formation, d’expertise et de localisation géographique. La mobilité professionnelle n’a jamais été une qualité première des Français, la crise du Covid n’a pas entrainé de grand changement de ce côté-là.
Mais ça n’apparait que comme une baisse de moral temporaire. Les fondamentaux qui ont de tout temps justifié une installation en France restent solides.
Pour les entreprises, le must reste le crédit impôt recherche et au-delà, les Américains reconnaissent que la France a encore une des meilleures attractivités de l’Union européenne. Pour investir, s’installer et vivre, la France est encore le champion d’Europe. La situation géographique, la météo, l’art de vivre, ajoutons à cela, les infrastructures de transport (le TVG), les services sociaux, le système de santé et l’école. Tout ce qu’est critiqué par les Français (à juste titre souvent) est envié par les étrangers et notamment les Américains qui comparent avec leur propre système et celui des autres pays du monde.
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Autre point positif : notre volontarisme dans la lutte contre le réchauffement climatique. Les Américains, et notamment la jeune génération qui arrive en Europe, est en admiration pour notre potentiel de production d’énergie nucléaire, nos hôpitaux et (pas seulement l’hôpital américain de Neuilly).
Au total, l’effort considérable qui a été décidé par Washington pour relocaliser son industrie sur le territoire américain ne poussera pas les entreprises américaines à rentrer à la maison. D’autant que côté subventions et soutiens, une entreprise américaine a les même aides et subventions quand elle est dans l’Hexagone qu’une entreprise française.
Les investisseurs étrangers ont besoin d’être rassurés. Les problèmes politiques ne participent pas à la restauration d’une confiance solide. La diversité syndicale les inquiète dans la mesure où ils n’ont pas d’interlocuteurs forts et puissants. C’est à la gouvernance française de jouer sa partition.
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