Les électeurs de Donald Trump ont-ils accepté que leur président ne respectera pas ses promesses ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Donald Trump est arrivé au pouvoir suprême de la Maison Blanche en fustigeant avec violence les élites politiques traditionnelles, et surtout en répondant à la demande du petit peuple américain victime de la crise.
Donald Trump est arrivé au pouvoir suprême de la Maison Blanche en fustigeant avec violence les élites politiques traditionnelles, et surtout en répondant à la demande du petit peuple américain victime de la crise.
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L'édito de Jean-Marc Sylvestre

Tout va bien en Amérique : après la colère des meetings et le verdict des urnes, le calme est revenu. Sauf que Donald Trump doit maintenant se délivrer de ce qu'il a promis.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Comment fait-on, en démocratie pour délivrer des promesses et respecter des programmes qui vous ont permis d’accéder au pouvoir, alors que beaucoup de ces programmes ne sont pas réalisables ?

C’est la question qui doit hanter Donald Trump et ses équipes maintenant, qu'ils sont arrivés au pouvoir. Comment et à quel prix ? Alexis Tsipras en Grèce a dû faire beaucoup de sauts périlleux à Athènes pour rester accrocher à son fauteuil et virer sa politique de 180° pour que son peuple puisse accéder à leurs banques qui étaient en banqueroute. Il n’a pas fini de payer ses revirements.

François Hollande aussi recevra la facture de ses promesses non tenues, l’année prochaine. Le peuple de France ne lui pardonnera pas.

Il faut relire Machiavel : le prince doit respecter ses engagements, sauf à pouvoir présenter des bonnes raisons de ne pas le faire.

Tsipras avait une bonne raison : éviter que l’effondrement de son pays n’entraîne l’Europe dans sa chute. Hollande n’a aucune autre raison que son incompétence pour expliquer son échec. Nicolas Sarkozy n’a pas réussi à engager les réformes qu‘il avait annoncées. Il avait une bonne raison : la crise économique mondiale l’en a empêché. Son erreur a été de ne pas l’expliquer. Les Français à qui on n’a pas dit la gravité de la crise de 2008/2009 l’ont sanctionné.

Donald Trump est arrivé au pouvoir suprême de la Maison Blanche en fustigeant avec violence les élites politiques traditionnelles, et surtout en répondant à la demande du petit peuple américain victime de la crise. Tous ceux qui ont souffert des supprimes, qui n’ont pas été embarqués dans les grandes mutations de la mondialisation, de la concurrence internationale et qui n’ont pas profité de la révolution digitale. Tous ceux-là ont perdu, depuis 2010, leur maison, leur voiture, leur job et l’avenir de leurs enfants.

Donald Trump, avec beaucoup d’habileté, a promis de restaurer la grandeur de l'Amérique, de retrouver pour tous le rêve américain et de faire repartir la machine à créer de la croissance pour tous. Et cette promesse-là a été entendue, pas par les médias, pas par les professionnels du politique, même pas par le parti républicain. Cette promesse globale a été entendue par tous ceux qui étaient fragilisés et laissés pour compte de la croissance.

Pour être plus clair encore, il a offert un programme de relance, avec moins d’impôts, moins de cotisations sociales, moins de régulations, plus d’investissements publics, moins d’immigrés, moins d‘importations, etc. Un savant mélange entre un retour sur les valeurs identitaires de l’Amérique profonde, un repli sur soi et un rejet des autres considérés comme desenvahisseurs.

Cette programmatique ne s'inscrivait dans aucun courant politique traditionnel. Les dirigeants du parti républicain ne se reconnaissent guère dans le discours de Trump, alors que certains démocrates méfiants à l'égard de Mme Clinton pouvaient se rapprocher de Trump.

Après le vote et l’élection surprise de Donald Trump, l’Amérique est redevenue l'Amérique. Donald Trump a opté pour un vocabulaire plus poissé et une grammaire plus simple, il a joué l'union nationale. Les équipes gagnantes se sont gardées de toute arrogance, les perdants ont été beaux joueurs. Les institutions américaines sont ainsi faites que les appareils ont sans doute repris les hommes en main. Le congrès, les partis.

Bref, le séisme qui était annoncé comme encore plus grave que le Brexit ne s’est pas produit.

Les marchés financiers ont toussoté et ont repris leur lente évolution positive. Les chefs d’entreprise n'ont pas paniqué.

En clair, les milieux d’affaires qui avaient toutes les raisons de se mettre aux abris, s’ils avaient cru les analystes politiques, ne se sentent pas inquiets. Les agences de notation n’ont pas bougé une oreille, les taux et les indices n’ont pas frémi. L'indice VIx, qui mesure le niveau de peur mondial, a plutôt baissé.

Alors pourquoi ? Pourquoi ce décalage entre l'opinion des milieux politiques et celle des milieux d'affaires ? Pour une seule raison : les milieux d’affaires considèrent que Donald Trump n’est pas la cause de la situation, mais son révélateur. Ils considèrent que les moyens qu’il propose peuvent en gros répondre à une partie du problème.

Si le problème américain est d'ordre économique et d'adaptation à la mutation mondiale, Trump propose une politique de relance qui ne pourra qu'améliorer la situation. La baisse d’impôts pour les ménages et pour les entreprises, la dérégulation, etc. Autant de moyens favorables à l'activité.

Il est vrai qu'il y avait dans son programme des projets qui seront beaucoup plus ambiguës et compliqués à mettre en œuvre : l’arrêt de l'immigration, la remise en place des droits de douanes, la remise en cause des traités de libre-échange, etc.

Les milieux d'affaires en général ne croient pas que Donald Trump pourra appliquer la totalité de son programme. Le nouveau président a d’ailleurs supprimé de son site Internet les aspects les plus violents et les plus sulfureux de son projet. Tout ce qui touche au social (Obamacare), à l’immigration, aux échanges internationaux, a déjà été profondément retouché.

Le Congrès et les groupes de pression s'avèrent très vigilants pour tout ce qui concerne l’argent public et les relations internationales. L’Amérique a dans son ADN la mission de garantir la stabilité mondiale.

Par conséquent, de l’avis de beaucoup d’observateurs, beaucoup d’acteurs et d’analystes, Donald Trump ne pourra pas appliquer la totalité de son programme. Non seulement il ne le pourra pas, mais il ne le voudra pas. La première caractéristique de Trump, c’est qu’il est pragmatique. C’est un commerçant, il fait des deals.

La totalité des investisseurs du monde entier se disent que le vrai projet de Trump ne sera finalement pas défavorable à l'économie.

Cela dit, à moyen terme, en bon chef d’entreprise, Trump aura quand même des comptes à rendre à ses actionnaires, c’est-à-dire à ses électeurs.

La vraie question est de savoir comment il expliquera à ses électeurs pourquoi il n’aura pas délivré ses promesses. La force des marchés, le principe de réalité. Autant de facteurs qu’il a décrits, et fustigés. Il devra demain accepter leur caractère incontournable.

Ou Trump aura le talent d’expliquer et sera crédible et il passe. Ou bien il n’y arrive pas, transforme ses électeurs en opposants et se retrouve toutes proportions gardées dans la situation de Tsipras en Grèce, ou surtout de François Hollande en France.

Il faut relire Machiavel : "Expliquer ce que l’on fait et dire pourquoi on ne le fait pas, si on ne peut pas le faire"

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