Les discours autour de la fin du pétrole relèvent de la pensée magique<!-- --> | Atlantico.fr
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Un champ de pétrole exploité.
Un champ de pétrole exploité.
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES AMÉRIQUE DU NORD / GETTY IMAGES VIA AFP

Tribune

Tous les discours autour de la fin de la pétroaccoutumance à court-terme relèvent — malheureusement — de la pensée magique. Certains observateurs optimistes annonçaient un redimensionnement de l’exploitation pétrolière autour de petites structures, la fin progressive des nouveaux projets de prospection et, surtout, une chute de la demande dans les années à venir, accélérée par la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Pourtant, et on peut le déplorer, les grands projets semblent redevenir la norme. Pour des raisons évidentes d’adéquation entre l’offre et de la demande.

Jean-François Moreau

Jean-François Moreau

Jean-François Moreau est un journaliste spécialisé dans les domaines de la transition énergétique et de l’efficacité énergétique des bâtiments. 

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La perspective d’une baisse de la demande pétrolière est une perception occidentale

Le récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie indique que la demande pétrolière mondiale devrait retrouver ses niveaux d’avant-crise sanitaire à la fin de l’année 2022. D’ici 2026, elle atteindra 104 millions de barils par jour, soit 4 % de plus qu’en 2019. Un état de fait qui prouve que le pétrole restera une réalité systémique pour les années à venir, sachant que les premières lueurs d’infléchissement de la demande mondiale n’adviendront pas avant 2030, selon le World Energy Outlook. L’Union européenne est en effet la seule zone du globe où la consommation de pétrole connaît une légère inflexion depuis 2007, selon les données du Statista Research Department.

Une chute brutale de la demande dans la période post-crise sanitaire relève donc — comme tous les discours autour du « monde nouveau » — de la pensée magique. L’aspiration des populations au confort individuel, des États à la croissance économique et des organisations supranationales à maintenir un système mondialisé rendent impossible la sortie à court-terme des énergies fossiles. Si les thèses décroissantistes gagnent du terrain en France et convainquent, selon un sondage Odoxa, 54 % des Français, elles demeurent marginales à l’échelle internationale.

Beaucoup de — grands — projets pétroliers sortent de terre

Le 26 mai dernier, le nouveau locataire de la Maison-Blanche a activement défendu un projet d’exploitation pétrolière en Alaska — initié par Donald Trump —, malgré la ferme opposition de plusieurs associations écologistes. Et surtout, en dépit de ses discours enflammés en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Plus qu’un simple assentiment, la Russie a de son côté fortement soutenu le projet Vostok Oil du géant pétrolier Rosneft, qui aspire à exploiter le potentiel pétrolier de l’Arctique, plus particulièrement le gisement présent au large de la péninsule de Taïmyr. En offrant de grands avantages fiscaux à Rosneft, le pouvoir russe réaffirme sa vocation à conserver sa rente pétrolière et à se positionner sur la très stratégique route de l’Arctique. Le projet vise, aux alentours des années 2030, à faire sortir des sols gelés 100 millions de tonnes de pétrole par an, soit à peu près autant que la production libyenne. Selon les experts de KPMG, le gouvernement russe peut escompter 4,4 milliards de roubles de revenus annuels grâce aux retombées du projet. Un gain, dont aucun État ne pourrait légitimement se priver. Comme en témoigne le cas finlandais qui, dans son dernier livre blanc sur l’énergie, n’a pas souhaité se priver des ressources hydrocarbures, « tant qu’il y’aura de la demande ». Une perception partagée par la Grande-Bretagne, qui renonce, à court-terme au moins, à stopper ses projets pétroliers en mer du Nord.  

La tendance haussière de la demande pétrolière dans les années à venir prouve que, même si des progrès sérieux sont réalisés dans la transition vers un monde de moins en moins carboné, les grands projets ont toutes les chances, à moyen-terme, d’atteindre la rentabilité et de garantir aux États parties des revenus de rente réguliers. 

L’électrification des usages, porte de sortie du pétrole, devrait rester une réalité occidentale   

Une étude prospective de BloombergNEF prévoit que les voitures électriques représenteront 50 % des ventes d’ici… 2040. Les modèles thermiques ont donc encore de très beaux jours devant eux, notamment parmi les populations des pays émergents, chez qui l’accession à la possession d’un véhicule individuel relève encore du prestige social. Dans un système mondialisé, où les relocalisations — malgré leur indéniable intérêt écologique — restent souvent un vœu pieux, le trafic marchand aérien et maritime poursuivra sa croissance, sauf paralysie économique internationale. D’autant qu’aucune alternative électrique aux porte-conteneurs et avions-cargos ne sera opérationnelle avant de longues années. Dans ses autres utilisations, notamment pétrochimiques, le pétrole a vocation à rester la ressource mère. Par exemple, la demande annuelle de plastique dans le monde pourrait être de 1 milliard de tonnes d’ici 2050, nécessitant d’extraire deux milliards de tonnes de pétrole par an pour sa production.

L’électrification des usages, qui pourrait être une porte de sortie de la pétro-dépendance, ne sera malheureusement une réalité progressive que dans les pays occidentaux. Et encore, les atermoiements de certains d’entre eux — comme la Belgique — sur l’énergie nucléaire, menacent ce processus et contribuent au maintien de sources d’énergie thermique pour les pallier les insuffisances des renouvelables. Pour faire reculer l’usage des hydrocarbures, il est nécessaire de forcer une chute de la demande. En effet, les États, par intérêt économique, ne renonceront pas aux nouvelles prospections. Diffusion massive de l’électrification des usages dans le monde entier, via le nucléaire ou les énergies renouvelables, et recherches d’alternatives avantageuses aux usages traditionnels du pétrole demeurent les solutions les plus viables, à court-terme. Au risque de maintenir une demande et, par extension, une offre nourrie de pétrole par de nouveaux gisements.

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