Les derniers Européens ? La génération née dans les années 1970 face au défi de la construction de l’identité européenne pour sauver l’Union <!-- --> | Atlantico.fr
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La génération née dans les années 1970 face au défi de la construction de l’identité européenne pour sauver l’Union
La génération née dans les années 1970 face au défi de la construction de l’identité européenne pour sauver l’Union
©Reuters

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Dans son livre "Une jeunesse européenne", Guillaume Klossa évoque cette génération née lors du premier choc pétrolier et qui arrive aujourd'hui aux responsabilités. Cette jeunesse élevée avec les crises doit, selon lui, reprendre en main l'espace public délaissé par les générations précédente.

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico: Cette jeunesse européenne qui donne son nom à votre livre, n'avait pas vingt ans quand le mur de Berlin s’est effondré, presque trente le 11 septembre 2001. Elle arrive aujourd'hui aux responsabilités. Qui est vraiment cette jeunesse européenne ? Sur quoi se fédère-t-elle ?

Guillaume Klossa : Je relisais il n'y a pas longtemps Le Monde d'hier, de Stefan Zweig. Il raconte sa jeunesse ; en 1913, sa génération savait ce qui allait arriver. Que la guerre se préparait mais que les générations précédentes, les intellectuels, les journalistes, les partis politiques, Jean Jaurès, allaient s'unir pour l'empêcher. Il écrit sur le regret de l'inaction de sa génération et d'avoir fait trop confiance aux générations précédentes, en espérant que son expérience inspirera les Européens de demain. J'ai écrit mon livre en partant exactement du point de vue inverse : on sait ce qui va se passer mais on est encore en mesure de l'empêcher à partir du moment où l'on créé une dynamique opérationnelle.

Cette jeunesse européenne succède à celle des fondateurs de l'Europe et de mai 68. Elle nait dans les années 70 avec le premier choc pétrolier. Les moments forts qui bercent son histoire sont l'émergence de la télévision, la vague terroriste qui frappe l'Europe, l'arrivée du Sida qui change le rapport à la sexualité et la chute du mur du Berlin qui fait que le monde s'ouvre à nous. Elle anticipe les qualités du monde de demain. Ce que nous valorisons c'est l'empathie, la mobilisation, l'ouverture, la liberté, les responsabilités, etc. La question qui se pose est de savoir si ce valeurs qu'on affiche vont être mises en application. Cette question se pose pour tout ceux qui arrivent au pouvoir aujourd'hui.

Cette jeunesse est née avec le premier choc pétrolier. Depuis, elle a toujours grandi dans un monde en crise. Est-ce que l'Europe représente son unique perspective de progrès ? Pourquoi rejette-elle l'Europe ?

Cette génération ne rejette pas l'Europe, elle doute, à la fois de son identité et de ses dirigeants. Elle est sceptique par rapport aux responsabilités. D'un côté elle considère que les générations d'avant n'ont pas pris en compte l'intérêt des générations à venir mais, de l'autre, elle n'est pas dans un esprit revanchard.

Ce doute qu'elle a par rapport à l'exercice du pouvoir, elle l'a évidemment par rapport au projet européen. Elle aimerait que l'Europe soit un vrai projet politique et on ne lui présente qu'une Europe qui ne se présente que sur la dimension économique et financière.

Comment agir alors que cette génération arrive, progressivement, aux responsabilités ?

Ce qui manque aujourd'hui, c'est un récit qui nous réinscrive dans une dynamique commune, recréer les conditions d'une visibilité des individus multiples qui apportent une réponse collective. Il faut avoir le courage de faire son "coming-out" européen, l'énergie et le courage de rassembler et mobiliser ceux qui veulent porter un avenir pour ce continent. Ma génération attend le déclic, ce qui lui permettra d'arriver à se repenser ensemble, des récits qui lui rappellent ses racines, que les grands évènements qu'elle a vécu, comme la chute du Mur, soient des événements communs.

Les manifestations contre la guerre en Irak, en 2003, allaient dans ce sens. Il y a eu une mobilisation collective des 20-35 ans, massivement opposés à l'intervention militaire des États-Unis. Ce genre d'évènements favorise la reconnaissance de notre identité commune et de nos valeurs communes comme le respect de la dignité humaine, le développement durable, etc. On veut que l'Europe porte mieux ces valeurs.

Comment cette jeunesse peut-elle encore croire au projet européen alors que ceux qui l'ont construit l'ont dénaturé ?

Au lendemain de la guerre, le primat a été donné à la consommation. Il y avait une grande pauvreté, une extrême précarité et la consommation a été identifiée, de façon tout à fait normale, au progrès. Ce progrès changeait la vie, ouvrait au monde, donnait de la liberté aux femmes. Mais, depuis la fin des années 90, où tout le monde est équipé, le progrès – et donc le projet européen – ne peut plus passer par la consommation et le marché. Il a besoin d'un relais.

Surtout, le Mur de Berlin avait créé un équilibre entre la notion libérale et la notion sociale. La chute du Mur a brisé cet équilibre en donnant le sentiment que l'on arrivait à la fin de l'Histoire. On croyait que la démocratie triomphait de manière durable et que les intérêts sociaux n'étaient plus un impératif : puisque les conditions de la démocratie étaient garanties, on a décidé de s'intéresser, d'abord, à sa réussite personnelle. Il faut donc reprendre en main et reconstruire cet esprit public

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