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Les candidats comprennent-ils 
vraiment les Français ?
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Miscellanées

Carnets de campagne d'un chef d'entreprise amené à se déplacer en France et en Europe pendant l'entre-deux-tours. Et une question majeure qui revient : la confiance des électeurs dans leurs représentants.

Franck Arpac

Franck Arpac

Franck Arpac est un entrepreneur, n'appartenant à aucun parti ni mouvement. Il écrit pour Atlantico sous pseudonyme.

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Réflexions d’entre deux tours, décousues mais pas tant que ça.

Jean est un petit cultivateur, ingénieur agronome, maire d’une commune de 1000 habitants, dans la campagne, à une heure de route d’une grande capitale régionale. Il est le candidat d’Europe Ecologie Les Verts aux élections législatives. C’est un écolo centriste, pourrait-on dire. Il combat l’extrême gauche et s’entend bien avec la plupart des autres maires du canton, quelque soit leur couleur politique. Il est élu et réélu, alors que près de 25% de ses électeurs ont voté Marine Le Pen.
Il ne s’arrête jamais de travailler, entre l’exploitation agricole, l’association des paysans de montagne, la mairie, l’aide à l’Afrique, le projet des éoliennes, et tant d’autres, et maintenant la campagne électorale. Sa femme est fonctionnaire territorial et ils ont deux jeunes enfants. Il travaille sans arrêt, gagne modestement sa vie, mais ne se plaint jamais.
Pour la petite histoire, pour les paradoxes que la vie nous réserve, Jean a une fille aînée, bientôt trente ans, d’un premier mariage avec une africaine alors qu’il était coopérant. Ses choix sont à l’opposé de ceux de son père. Contrôleuse financière dans un grand groupe international, après avoir été consultante dans un cabinet mondial, elle sillonne la planète, vit à Londres et pourrait s’installer demain dans une autre capitale du monde. Mobile, bénéficiant d’un haut niveau de formation (école supérieure de commerce) et de grandes compétences, très bien payée, elle travaille en anglais comme en français, Seul point commun avec son père : la ténacité et la capacité de travail.
Revenons à Jean, cet homme dévoué et désintéressé. Que me dit-il sur la vie politique ce maire qui, finalement, ressemble à des milliers d’élus locaux ?
Il me dit être choqué par les comportements des élus nationaux, quand ils « descendent » dans sa région. Nicolas Sarkozy qui oublie de réserver une chaise pour le maire du village où il prend la parole. Tel élu qui, venu en TGV, ordonne à son chauffeur resté à Paris de le rejoindre, pour ne pas avoir à prendre le taxi ou pire, un transport en commun. Et tous les gaspillages de l’argent public. Ce ne sont parfois que des petits riens, des absurdités, mais accumulés, ils trahissent la perte de contact avec la réalité et le bon sens commun, ils suggèrent le mépris qui habite certains de ces politiques nationaux, et ils génèrent un sentiment destructeur de confiance. L’idée, pas nouvelle, qu’entre « eux » à Paris et « nous », ici, ce n’est pas le même monde. Et qu’ « eux », à Paris, ne tiennent jamais leurs engagements.

Or, l’indice de confiance collective d’un peuple est directement corrélé au niveau du PIB. Plus les citoyens ont confiance, plus l’économie est performante. Notre faible croissance vient pour une part de notre manque de confiance, comme l’ont montré Yann Algand et Pierre Cahuc, dans « La société de défiance. Comment le modèle social français s'autodétruit » (Coll. Cepremap, éditions rue d'Ulmdans). "La confiance mutuelle et sa contrepartie, la capacité à respecter ses engagements, semblent jouer un rôle décisif dans l'efficacité du marché". Pour eux, ce manque de confiance n’est pas une donnée culturelle, mais le produit du corporatisme et de l'étatisme. D’où leur plaidoyer en faveur d'un droit social rompant avec ces deux tares.
Sur une autoroute allemande, écoute d’une radio suisse francophone. Pierre-Yves Maillard, le nouveau président du canton de Vaud, socialiste, répond aux questions. Mais aussi Pascal Broulis, le radical, qui vient d’être battu, toujours en fonction pour quelques semaines. Leçon de démocratie, qui plaît à notre élu local français lorsque je la lui raconte. Même si la bagarre électorale a été sans concessions, pleine de manœuvres, une fois les résultats acquis, les deux camps travaillent en bonne intelligence. Que comprend-on à leur écoute ?
1) Nous nous respectons. 2) Les changements radicaux ne sont pas possibles car la politique du prédécesseur n’était pas catastrophique même si nous souhaitons l’infléchir, et parce que les électeurs ne souhaitent pas un bouleversement. 3) Surtout, nous allons continuer une politique de gestion rigoureuse des finances publiques car telle est notre responsabilité vis à vis des Vaudois. 4) Tout en investissant pour préparer l’avenir.
Pourquoi le débat public, porté par des médias français apathiques, oppose-t-il la rigueur à la croissance ? En quoi une gestion des finances publiques responsable, avec des dépenses de fonctionnement limitées, et donc rigoureuse par principe, serait-elle un frein à la croissance ? Pourquoi d’ailleurs Nicolas Sarkozy ne parle-t-il pas du grand emprunt, des « investissements d’avenir » ? (Curieuse expression d’ailleurs, un investissement n’étant-il pas, par nature, d’avenir ?). Pourquoi François Hollande n’a-t-il pas le courage de dire qu’il y a trop de fonctionnaires en France, bien plus que dans tous les autres pays comparables ?
Les leviers de la croissance ne résident-ils que dans la demande ? C’est loin d’être certain. Les années de dérive des finances publiques ont-elles toutes été synonymes de croissance ?  Loin de là. Donc François Hollande est déjà responsable des dérapages à venir, par le flou stratégique et le laxisme budgétaire de son programme. On attendait un social-démocrate courageux et on a un socialiste timoré et périmé. Triste loi de la campagne électorale. De même que Nicolas Sarkozy a eu une gestion irresponsable des finances de l’Etat pendant 5 ans. Et la crise « d’une violence inouïe » comme il le rabâche, a bon dos.  Il avait déjà montré son inconséquence gestionnaire en cédant tout aux policiers quand il était ministre de l’Intérieur. Et en la matière, son programme n’est guère plus crédible que celui de François Hollande.
Il faut méditer le récit édifiant que fait Jean Peyrelevade dans L’Expansion (n°774, mai 2012), du tournant de la rigueur de 1982 et lire sa présentation lumineuse de ce qui nous attend. « L’effort de rigueur à fournir représente environ trois fois celui engagé en 1982-1983 ».  « La seule voie, c’est la compétitivité ».
Consulter le blog www.lescrises.fr très bien fait, d’Olivier Berruyer et lire son analyse dans La Tribune du 27/04/2012. « Le processus de désintégration financière n’a pas trouvé son aboutissement, et aucune correction sérieuse n’a été apportée au système économique pour l’empêcher de dérailler de nouveau. En effet, nous n’en sommes qu’à la mise en bouche (...) Il est bien triste que la campagne présidentielle ait occulté tant de questions sérieuses : comment réduire les inégalités, comment rééquilibrer le système en limitant la rentabilité actionnariale, quel rôle accorder aux salariés dans la gestion des grandes entreprises (...) comment bâtir une Europe sociale (...). Bref un débat qui aurait permis de retrouver l’ « éthique du capitalisme » , en évitant une prochaine épreuve douloureuse ».
Lire aussi, jusqu’à ce que les bras nous en tombent, Annie Ernaux (dans Le Monde du 29-30/04/2012) et son appel pour une « République sociale » : une avalanche de caricatures insultantes pour l’intelligence commune, qui suinte les bons sentiments de la gauche bourgeoise, l’extrême gauche haineuse et la poussière du conservatisme le plus ringard. L’obscurantisme communisant d’Annie Ernaux est effrayant. Elle ou ses amis au pouvoir, ce serait le retour des procès politiques, des camps de rééducation et de la guillotine, pour tous ceux qui ne sont ni fonctionnaires, ni travailleurs pauvres, ni de gauche. Le Monde ne s’honore pas à publier de tels torchons.
Ce n’est pas avec des Annie Ernaux que la France retrouvera de la compétitivité, qui suppose notamment, comme le dit Jean Peyrelevade « par le dialogue social, à donner un peu plus de souplesse à un marché du travail figé », comme le disent aussi Yann Algand et Pierre Cahuc.
Il faut avoir créé une entreprise en France pour comprendre ce que signifient concrètement les invraisemblables rigidités du marché du travail sans parler de l’organisation mortifère du dialogue social dans les PME. Et tous les dirigeants de PME peuvent reprocher à Nicolas Sarkozy de n’avoir rien fait pour rendre tout cela intelligent, adapté et utile au développement.
Les candidats ont eu grand tort de pousser la poussière des finances publiques sous le tapis, car le sujet va nous revenir dans la figure comme un méchant boomerang. Et l’idée risque de venir un jour parmi les électeurs de demander à la justice d’examiner la responsabilité des gouvernements et élus, de droite comme de gauche, dans ce creusement de notre dette depuis 30 ans.
Hollande comme Sarkozy se trompent sur l’attente prioritaire des électeurs, le premier lorsqu’il brandit la justice, le second quand il manie la sécurité. Les candidats sont tous deux coupés des réalités et trop prisonniers de leurs systèmes respectifs pour comprendre qu’au-delà de « justice » et « sécurité », les électeurs attendent de la part des élus de l’honnêteté et de l’exemplarité. Honnêteté intellectuelle tout d’abord. Courage d’oser annoncer des temps difficiles et des mesures désagréables. Et exemplarité des comportements ce qui n’est le cas ni du favori ni du challenger.
Les électeurs sont prêts à admettre des mesures de gestion drastiques car, après tout, c’est de l’argent de leurs impôts et de celui de leurs enfants qu’il s’agit. A condition qu’ils aient confiance. A condition que les choses soient clairement annoncées, mises en œuvre dans une perspective globale et que les élus montrent l’exemple. Or rien n’est dit, la perspective est floue et les politiques se comportent à l’inverse de ce qu’il faudrait. Bien plus que l’insécurité, l’immigration ou le chômage, ce sont ces comportements scandaleux qui ruinent la confiance et portent les votes extrêmes, au profit de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon.
Terminons par cette autoroute allemande. Nous l’empruntons à la sortie d’une petite ville touristique de Bavière où la prospérité est visible : une grande concession Mercedes, suivie de la concession BMW, puis de la concession Audi, puis, plus petite, la concession Toyota. Un peu plus loin, dans une zone d’activité avec vue sur la montagne, les locaux de plusieurs PME. Parkings remplis des voitures allemandes des nombreux salariés.
Retour à Paris par l’autoroute, donc. Vitesse limitée à 120 ou même 100 ou 70 à certains endroits, que 99% des conducteurs respectent, et vitesse libre ailleurs. Je suis sur une portion libre. Une ribambelle de grosses cylindrées teutonnes défile à 200 – 220 kms heure. Dès qu’elles ont doublé, elles se rabattent, avec civisme, et clignotant. L’Allemagne, c’est pourtant une des meilleures sécurités routières européennes et des firmes automobiles qui connaissent le succès que l’on sait.

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