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Les brûlures aux sports extrêmes : le pire des blessures de l’été
©Reuters

Blessures graves

Avec les premiers départs en vacances, les baignades et les campings, nombreux sont les rendez-vous aux urgences.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Avec les départs en vacances le nombre de blessures augmentent-elles ? Le nombre de patients se rendant aux urgences augmente-t-il ? 


Stéphane Gayet : 
Les blessures survenant lors de vacances et de loisirs font partie de ce que l’on appelle les traumatismes par accident de la vie courante (ACVC). Ces accidents sont par définition non intentionnels, contrairement aux tentatives de suicide, agressions et autres actes de violence délibérés. Les ACVC sont à opposer aux accidents de la circulation (encore appelés de la voie publique) et aux accidents de travail.

Les agents ou processus vulnérants des accidents de vacances et de loisirs sont très variés : chute (multiples circonstances), chaleur (dont le soleil), électricité, outil (bricolage, jardinage), ustensile de cuisine, produit chimique, jouet, accessoire de jeu, animal (piqûre, morsure, griffade, coup de pied, de corne…), matériel de sport (eau, air, balle, spéléologie…), accessoire de pêche, etc., étant donné que toutes ces activités sont pratiquées lors des vacances et loisirs d’été. L’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l’organisme CALYXIS, spécialisé dans le risque, se sont associés pour mettre en place l’observatoire MAVIE qui enregistre et analyse les ACVC à partir de données recueillies chez des volontaires, cela depuis novembre 2014. D’une façon générale, les accidents de la vie courante (tout au long de l’année) sont responsables d’environ 11 millions de blessés, 5 millions de recours aux services d’urgences — dont 1.800.000 enfants — et 20.000 décès par an en France (soit 5 fois plus de morts que par accident de la circulation, ce qui en fait la troisième cause de mortalité en France, après les cancers et les maladies cardio-vasculaires). 10 % des personnes sondées déclarent avoir été victime d’un accident de la vie courante ayant nécessité des soins médicaux dans les 12 derniers mois, contre 1 % seulement pour les accidents de la route et 1 % pour les accidents de travail (tout au long de l’année). 
S’il n’existe pas d’enquête portant spécifiquement sur les accidents de vacances et de loisirs, on dispose cependant de données statistiques par mois de l’année et par cause de blessure, ce qui permet de cerner ce problème : ces informations sont tirées du réseau d’hôpitaux avec service d’urgences qui participent à l’enquête permanente, reconduite d’année en année depuis 2002, sur les accidents de la vie courante (réseau EPAC). Ainsi, les dernières données publiées en 2012 montrent que le nombre d’ACVC traités en service d’urgence est maximal pendant les mois de mai à octobre, mais il faut noter que la différence avec le reste de l’année n’est pas importante. Il existe également des disparités régionales : les (anciennes) régions Limousin, Auvergne et Midi-Pyrénées sont, après la région Nord-Pas-de-Calais, les plus touchées par ce groupe d’accidents.

Quelles activités sont les plus propices à diverses types de blessures ? De quelles types de blessures s'agit-il en général ?

Les activités de jeu, loisirs et sport (sans la marche) représentent 52 % des causes d’accidents. Concernant le sport, on relève que le taux d’accident est deux fois plus élevé chez l’homme que chez la femme, cela quel que soit l’âge. Les accidents dus au bricolage – c’est une aussi une activité de vacances d’été — sont dix fois moins fréquents que les accidents de sport ; les séniors le pratiquent bien sûr, mais leur taux d’accident est le double de celui des adultes plus jeunes. D’une façon générale, les enfants sont très souvent victimes d’accidents de loisirs : 4 % d’entre eux, soit un peu moins de 1 sur 20, ont un accident sérieux de loisir dans l’année.

Dans le domaine des diverses activités sportives, toutes les parties du corps ne sont pas atteintes d’égale façon par les ACVC. Dans le cas des sports d’équipe avec ballon, les traumatismes concernent surtout les membres inférieurs, puis les membres supérieurs. Lors de sports à roulette sans moteur, les membres inférieurs et les membres supérieurs arrivent à égalité en tête des lésions, mais tout le corps peut être blessé ; cependant, leur fréquence est assez faible eu égard aux autres sports. S’agissant des sports de raquette, les accidents sont aussi fréquents que pour ceux de ballon, et les parties du corps qui sont concernées par les traumatismes sont les membres, surtout inférieurs, et de façon moins fréquente l’abdomen. Quant à la marche et au jogging, il s’agit d’activités peu dangereuses comme l’on s'en doute ; quand ils surviennent, les accidents portent avant tout sur les membres inférieurs.

À côté de ces activités sportives classiques, d’autres, réputées dangereuses (sports d’eaux vives, équitation, parapente et dérivés, spéléologie, chasse sous-marine…) peuvent certes donner des accidents graves, mais sans impact dans les statistiques en raison de leur faible fréquence.

Chez les petits enfants, la grande majorité des accidents surviennent dans le lieu de vie ou à proximité immédiate. Lorsqu’un petit enfant (2 à 6 ans) se trouve dans un autre environnement que celui dont il a l’habitude, comme c’est généralement le cas en vacances, il est logiquement déstabilisé et plus enclin aux accidents, car il n’a plus ses repères et doit faire ses expériences. On constate en effet que les enfants âgés de moins de 6 ans représentent presque 30 % des accidents sérieux de la vie courante ; ils sont nettement plus fréquents chez les garçons que chez les filles. A ces âges, tout ou presque peut être circonstance d’accident : le jeu, la marche, les explorations diverses et variées (dans la cuisine, les escalades), la baignade, les animaux…

Si l’on s’intéresse à présent au mécanisme de chaque traumatisme, on obtient les types suivants, qui s’appliquent à toutes les activités génératrices de blessures : ce sont d’abord et avant tout les chutes qui sont à l’origine du traumatisme, cela dans 58 % des accidents ; viennent ensuite les coups dans 16 % des cas, puis les écrasements, coupures ou perforations (12 %) ; les 14 % d’autres mécanismes de blessures comprennent les accidents liés à un animal ou à un corps étranger, les brûlures, etc.

Les blessures en elles-mêmes consistent en une lésion de la peau dans 50 % des cas : il s’agit soit d’une plaie (23 %), soit d’une contusion (27 %). En cas de plaie, la peau est déchirée, soit superficiellement, soit profondément, et cette déchirure laisse apparaître les tissus qui se trouvent en dessous ; le saignement est constant, mais très variable en intensité (certaines plaies s’accompagnent d’une véritable hémorragie quand un vaisseau sanguin est lésé). Dans le cas d’une contusion, la peau est abîmée, mais non déchirée (abrasion, ulcérations superficielles, hématome diffus, etc.) et ne laisse pas apparaître les tissus sous-jacents. Mais qu’il s’agisse d’une plaie ou d’une contusion, il y a une perte d’intégrité du revêtement cutané (le tégument), ce qui constitue une porte d’entrée pour une infection qu’il faudra donc prévenir de façon efficace.

Les autres blessures sont constituées des fractures (18 %) qui concernent donc les os, et des entorses (14 %) qui concernent les articulations (ligaments, cartilages articulaires et ménisques).

Comment prendre en charge les patients ? Comment traiter ce type de blessures ? Certaines d'entre-elles mènent à des hospitalisation lourdes ?

Tout traumatisme, quel qu’il soit, quelle que soit sa gravité, demande un minimum de soins. Mais lorsque la personne assistant le blessé n’a aucune formation, elle peut avoir un geste délétèreUne plaie est une brèche qui représente un danger d’infection ; ce danger varie beaucoup selon les circonstances et l’agent vulnérant, mais il est toujours présent. Le risque de tétanos (maladie très grave et encore souvent mortelle) doit toujours être évoqué et traité en fonction de l’état vaccinal de la personne. Les morsures, griffades et piqûres d’animaux font courir divers risques. Les plaies hémorragiques demandent des soins techniques urgents pour stopper le saignement. Les traumatismes graves de l’abdomen et du thorax font courir un risque immédiat d’hémorragie interne (douleur intense, malaise général avec affaiblissement, puis perte de connaissance), avec la gravité particulière des blessures de la rate (côté gauche) ; au niveau du thorax, il existe en plus un risque de pneumothorax (suffocation liée au ratatinement d’un poumon, devenant inefficace).

Une fracture est évoquée devant la perception fréquente par la victime d’un bruit de craquement au moment de l’accident, une douleur spontanément intense et qui devient même violente lors d’une tentative de mobilisation dont il faut dans ce cas absolument s’abstenir. C’est encore plus impératif en cas de possibilité de fracture de la colonne vertébrale, tout déplacement pouvant entraîner une lésion dramatique de la moelle épinière (paralysie des membres). S’il y a eu un choc violent sur le crâne, la survenue de troubles de la conscience nécessite de toute urgence une prise en charge médico-chirurgicale (risque d’hématome compressif dans le crâne).
C’est finalement avec les entorses que l’on risque le moins d’aggraver les lésions : la douleur, déjà spontanée et aggravée par la mobilisation, mais sans atteindre l’intensité de celle d’une fracture, est en elle-même dissuasive d’une utilisation de l’articulation blessée. Parfois, l’entorse s’associe à une luxation (déplacement de l’extrémité d’un os : épaule, coude) et la mobilisation devient impossible, s’associant à une douleur marquée ; l’articulation est très déformée. Ces différentes situations peuvent effrayer ; mais il vaut mieux s’y préparer pour rien, que de ne pas savoir faire ce qu’il faut dans un cas grave, et ainsi compromettre les chances de guérison.

Alors, en pratique, que faire ? La première chose à faire consiste à apprécier la gravité ; cela ne demande pas une expertise particulière : la victime est-elle dans l’incapacité de se mouvoir suite au traumatisme ? A-t-elle un niveau de conscience modifié (esprit confus, tendance à s’assoupir) ? Se plaint-elle d’une douleur violente ? Est-elle d’une grande pâleur ? A-t-elle des difficultés à respirer ? Il n’est pas difficile de repérer ces signes de gravité chez une personne blessée. Bien sûr, cela ne se conçoit qu’en cas de traumatisme suffisamment sévère, et ne concerne pas les plaies simples.

Surtout, ne pas se précipiter sur le premier téléphone pour appeler un véhicule d’aide médicale urgente sans avoir analysé l’état de la victime et fait un éventuel geste salvateur nécessaire : les cinq minutes prises pour cela ne sont pas perdues, au contraire. Il ne faut surtout rien faire dans l’affolement et la précipitation ; c’est contagieux, inefficace et même néfaste. Se hâter lentement est la bonne attitude ; bien sûr, elle demande du contrôle et de l’entraînement. S’il s’avère que l’appel d’un service d’aide médicale urgente est nécessaire, il faut recueillir auparavant tous les détails possibles de façon à leur donner une description précise de la situation. S’il y a plusieurs personnes sur place, il est essentiel de demander si l’une d’entre elles est formée aux gestes de secours. Pour résumer l’attitude à adopter face à un blessé possiblement grave, il faut analyser la situation, sécuriser la victime, notamment en effectuant un geste salvateur quand il est impératif (arrêter une hémorragie…), et décider en 10 à 15 minutes s’il faut appeler un véhicule d’aide médicale urgente. Ne jamais oublier que mobiliser une personne pouvant avoir une fracture de la colonne vertébrale risque de la paralyser à vie : toucher le moins possible à la victime.

Et que faut-il faire en présence d’une plaie traumatique ?
L’examiner là encore attentivement, bien sûr, puis se laver les mains ou se les désinfecter avec un produit hydroalcoolique (PHA) et nettoyer la plaie avec de l’eau propre et du savon. Lors de ce nettoyage, il est important d’enlever des corps étrangers (gravillons…) éventuellement présents dans la plaie. On termine par un rinçage à l’eau propre. Ce premier soin devra être complété, dès que possible, par l’application d’un antiseptique pour peau lésée (produit sans alcool ou alors avec une teneur en alcool très faible). La plaie doit ensuite être recouverte par un pansement adhésif protecteur. Il est préférable de renouveler l’application d’antiseptique deux fois au cours des 12 premières heures. Ensuite, on la laissera recouverte d’un pansement sans y toucher.

En présence d’une plaie, dans quels cas faut-il consulter un médecin ?
Si la plaie est proche d’un œil, du nez, de la bouche, de l’anus, des organes génitaux ; si elle est due à la morsure ou la griffade d’un animal ; si la victime n’est pas vaccinée contre le tétanos ; si, dans les heures ou jours qui suivent, la plaie gonfle, devient chaude, rouge ou douloureuse.

Et en cas de piqûre ou de morsure par un insecte, une tique… ?
S'il reste tout ou partie du corps de l'animal, il faut l'enlever sans tarder, mais doucement, sans brutalité, avec une traction ferme et progressive. Les arthropodes peuvent inoculer des bactéries (maladie de Lyme) ou des virus, et une antisepsie est logique, mais uniquement après le retrait du corps de l'arthropode reste accroché (car l'agresser avec l'antiseptique serait préjudiciable). La zone cutanée d'une morsure de tique doit être surveillée attenttivement pendant les jours qui suivent ; si une rougeur apparaît, même sans douleur, il est prudent de consulter un médecin qui pourra décider d'un traitement antibiotique. 

Par ailleurs, certaines personnes sont allergiques au venin d'insectes, et cela peut être grave : il se produit un gonflement de la zone piquée ; s'il s'étend et s'accentue vite, c'est une urgence.

Et que faire en présence d’une brûlure ?

La refroidir au plus vite par ruissellement d’eau du robinet, mais ne pas appliquer de glaçon ; éviter d’appliquer quoi que ce soit sur la peau brûlée, sauf avis médical ou paramédical contraire ; la protéger avec un pansement stérile ; consulter un médecin si son aspect est inquiétant ; si la brûlure est étendue (grande surface cutanée), elle relève de services d’aide médicale urgente.

Existe-t-il des moyens fiables de prévenir ces accidents ? Relèvent-il d'un manque de prudence ? Touchent-ils plus souvent les enfants que leurs parents ?

La prévention des accidents demande déjà de bien connaître tout ce qui les rend plus fréquents.

La survenue d’accidents est en premier lieu favorisée par des facteurs généraux qui fragilisent l’individu : dette de sommeil, alcool, médicaments psychotropes (tranquillisants, antidépresseurs, neuroleptiques), substances chimiques psychoactives (drogues diverses) et repas gras et copieux. Ces facteurs concernent bien sûr d’abord les adolescents, adultes jeunes et adultes d’âge mûr.

C’est l’expérience qui nous rend prudents. La prudence se traduit pour commencer par une bonne préparation aux activités de vacances : c’est utile et même nécessaire. L’improvisation augmente le risque d’accident, la formation ou l’encadrement par des personnes expérimentées le réduit, ce qui paraît assez évident. Mais il y a des individus qui surestiment leurs capacités et se croient capables de réussir une nouvelle activité avec très peu de préparation : si l’activité comporte des risques, ils sont dans ce cas mal gérés. Rien ne remplace l’expérience et le conseil de quelqu’un qui maîtrise un domaine d’activité (un écrit est beaucoup moins efficace pour éviter la survenue d’accidents ; une vidéo est déjà plus performante, du moins quand elle présente des situations concrètes et les attitudes à adopter).

Pour se protéger des accidents et de leurs conséquences, il faut toujours éviter d’être seul dans une activité porteuse de risques : l’autre pourra nous permettre d’éviter un accident, ou, s’il arrive, d’en atténuer les conséquences (ne serait-ce qu’en appelant des secours).

Il ne faut pas oublier que les accidents sont plus fréquents au début et à la fin (dernier jour) des vacances : au début, on n’est pas prêt, pas reposé ; à la fin, on veut en faire plus avant de repartir.

Les enfants, surtout ceux en bas âge, sont les premières victimes des ACVC. Il suffit d’une minute d’inattention pour que l’accident survienne. Que faire ? Nous avons vu que l’environnement était déterminant : si l’on a la possibilité de retourner dans le même lieu de vie, c’est sécurisant vis-à-vis de l’enfant qui a ses repères. À côté des risques bien connus (piscine, défenestration, chute dans un trou ou un escalier, cuisine, barbecue, etc.), c’est surtout une question d’anticipation et de vigilance permanente ou presque. C’est là le prix à payer pour la sécurité des jeunes enfants.

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