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Les ambitions du programme spatial indien
©MANJUNATH KIRAN / AFP

Bonnes feuilles

Pierre Antonmattei publie "L'Inde de tous les possibles" chez Michalon. L’Inde juxtapose une incroyable diversité de peuples, de langues et de religions. Vers 2030, l'Inde sera, devant la Chine, le pays le plus peuplé au monde. Demain, tout est possible pour l'Inde, le pire comme le meilleur. Extrait 1/2.

Pierre Antonmattei

Pierre Antonmattei

Pierre Antonmattei est l'auteur d'une biographie de Gambetta (Michalon, 2000). Féru d'histoire et de géostratégie, il a, depuis de nombreuses années, centré ses recherches sur le cas indien.

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[La fierté des Indiens est au beau fixe depuis le succès historique de la mise en orbite autour de Mars du satellite MOM (Mars Orbiter  Mission). Mercredi, l’Inde est devenue le premier pays d’Asie à placer une sonde dans le champ gravitationnel de la planète rouge. C’est un exploit tenté par de nombreuses nations, mais que seuls la Russie, les États-Unis et l’Europe ont déjà accompli. Et les Indiens célèbrent la prouesse avec triomphalisme : tweets extatiques des célébrités de Bollywood, hommages victorieux de la classe politique, festivités organisées dans les écoles, ou encore 700 000 fans pour la page Facebook de l’agence spatiale indienne (ISRO en acronyme anglais)]. [Pour atteindre Mars, la sonde a voyagé trois cents jours en classe éco, pour un coût discount de 53 millions  d’euros. Soit moins que le budget du film américain Gravity, a souligné avec humour le Premier ministre indien Narendra Modi] (Deux extraits d’un article écrit le 26 septembre 2014 par Vanessa Dougnac (83)).

Si le Premier ministre actuel a tiré avantage de cet exploit, il ne faut pas oublier que cette mission avait été initiée trois ans  auparavant par un gouvernement du Congrès. L’exploit, c’est d’avoir accompli cette mise en orbite pour le dixième du coût de la sonde Maven de la Nasa, placée elle aussi en orbite autour de Mars trois jours plus tôt, comme l’a souligné K. Radhakrishnan, le directeur de l’ISRO. La presse a repris ce thème en saluant le jugaad, terme indien qui signifie la débrouille, une qualité répandue en Inde. Réaction inattendue mais compréhensible, des Indiennes ont manifesté à Bangalore pour dénoncer l’absence de femmes dans les missions spatiales. De plus, il existe des détracteurs depuis le début du spatial. En 1963, l’économiste et militant Jean Drèze a déclaré que cette mission participait à la quête délirante des élites indiennes vers un statut de superpuissance. Un point de vue discutable parce que le spatial a une grande importance dans les prévisions météorologiques, domaine où l’Inde doit progresser, d’autant plus que la mousson et les cyclones y jouent un grand rôle, ensuite parce qu’il est naturel qu’un grand pays émergent soit à la pointe du progrès scientifique, démontrant ainsi que la science n’est pas la propriété exclusive de l’Occident, de la Russie ou de la Chine. 

Si le spatial indien a été aidé au départ par l’URSS, avec le succès de son satellite autour de la lune, l’Inde a dépassé le Japon et la Chine, qui ont échoué à faire de même. Elle a donc redoré sa carte de visite sur le marché de l’industrie spatiale. C’est d’autant plus méritoire que le succès a mis du temps à se manifester. De sérieux revers ont touché le programme indien, dont le lancement manqué d’un satellite le 10 juillet 2006. Mais l’Inde a retrouvé le bon chemin : en 2008, l’agence de recherche Spatiale Indienne (ISRO, basée à  Bangalore) a envoyé un satellite faisant le tour de la lune. En en juillet 2013, elle a mis en orbite cinq satellites à la fois pour le compte du Royaume-Uni, avec une charge record d’une tonne et demie. À la fin avril 2016, l’ISRO a lancé depuis la station de Sriharikota, dans le golfe du Bengale, le satellite IRNSS-G1., permettant à l’Inde de disposer de son propre système GPS. En mai 2016, l’Inde a lancé avec succès, à partir de sa base de lancement de l’île de  Sriharikota, un satellite pouvant être réutilisé (reusable launch vehicle – RLV), qui permettra de diviser par 10 le coût de lancement. Dans un premier temps, les satellites lancés de Sriharikota seront récupérés en mer dans le golfe du Bengale, mais l’objectif à terme est bien de les faire revenir sur la base de départ, comme c’est le cas à Cap Canaveral aux États-Unis. En juin 2016, l’Inde avait envoyé dans l’espace 45 satellites étrangers, prenant donc un bon rang sur le marché mondial du lancement des satellites.

Le programme spatial indien peut réaliser des lancements déjà effectués par d’autres pays, mais l’originalité de l’Inde est de le faire à des prix très inférieurs. Il s’agit d’abord de se placer sur le marché sans cesse croissant du lancement des nanosatellites, d’autant que la miniaturisation devient la règle. Il s’agit aussi de désarmer les critiques sur le coût du programme spatial, dans un pays où les hôpitaux publics sont mal pourvus et où la pauvreté reste répandue. En 2017, l’Inde a envoyé d’un coup dans l’espace 104 nanosatellites, pour le compte de différents pays, dont des pays relativement pauvres. Le nouveau président de l’ISRO, Kailasavadivoo Sivan – preuve vivante que l’ascenseur social peut fonctionner en Inde, car il est issu d’une famille de modestes paysans du Tamil Nadu – prépare avec ses équipes la mission Chandrayaan-2, l’envoi d’une fusée à 100 km de la lune, qui larguera une capsule près du pôle sud de la lune, avec un rover à six roues, alimentée par des panneaux solaires et capable de faire une incursion de 200 mètres sur le sol lunaire. Bref, l’Inde veut être dans la cour des grands dans la conquête spatiale et Narendre Modi a fixé l’objectif à l’ISRO d’envoyer des astronautes dans l’espace en 2022.

Extrait du livre de Pierre Antonmattei, "L'Inde de tous les possibles", publié aux éditions Michalon

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