Les 3 théories qui tentent d’éclairer les causes du Covid long <!-- --> | Atlantico.fr
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Un patient au coeur d'un service dédié au Covid-19 dans un hôpital au Royaume-Uni.
Un patient au coeur d'un service dédié au Covid-19 dans un hôpital au Royaume-Uni.
©Kirsty Wigglesworth / POOL / AFP

Progrès de la recherche médicale

Des chercheurs tentent de trouver des solutions pour traiter le Covid long.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Le Covid s’étant largement répandu, de nombreuses formes du virus sont apparues, notamment le Covid long. De nombreux spécialistes tentent d’en expliquer les causes : l’une des théories serait qu’après infection, de minuscules caillots sanguins restent à la suite de l'agression virale ou alimentés par ses conséquences, et cela pourrait avoir un effet désastreux du cerveau aux articulations. Est-ce possible et comment, sachant ça, nous pourrions anticiper ce genre de problème ?

Antoine Flahault : Le Covid long est un ensemble syndromique complexe et vaste et il est très concevable que plusieurs mécanismes différents puissent en expliquer la survenue. Maintenant, de là à dire qu’on ait trouvé aujourd’hui la clé de la compréhension du Covid long, il y a un pas que je n’oserai pas franchir aussi rapidement. Les constatations que le chercheur romain Danilo Buonsenso et la professeure sud-africaine Resia Pretorius ont pu faire de l’existence de micro-embolies de la circulation sanguine sont troublantes. Elles restent cependant difficiles à interpréter dans la mesure où les examens qui ont été pratiqués, le SPECT-CT apportent des résultats utiles à la recherche mais ne sont pas encore des examens complémentaires pratiqués en routine. On n’a donc pas grande expérience avec leur maniement et l’on ignore encore quoi faire avec les résultats qu’ils délivrent. Comme le disent les auteurs eux-mêmes, il faudra réaliser des essais cliniques pour savoir si les traitements anticoagulants, que cette hypothèse suggère d’administrer, font plus de bien que de mal chez ces patients. Comme souvent, le temps de la recherche est souvent plus long que celui de la décision clinique de routine. 

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On sait depuis le début de la pandémie que les tests PCR peuvent rester positifs pendant de longues semaines après l’infection aiguë. On sait aussi que cela ne signifie pas toujours que l’on est en présence de virus vivants, mais parfois les PCR se positivent parce qu’il reste seulement des éléments de génome viral dans l’organisme, sans que ce soient toujours des virus capables de se répliquer et d’infecter les cellules. A l’autre bout du spectre, on sait aujourd’hui que chez certains patients, en particulier ceux qui ont des déficits immunitaires, le virus peut rester vivant et se multiplier pendant de long mois après la contamination. On pense même que c’est un des modes d’émergence de nouveaux variants. Enfin, on sait aussi que certains virus comme les virus herpès ou celui de la varicelle peuvent rester quiescents dans l’organisme durant de nombreuses années et nous en hébergeons tous. Sans parler des portages chroniques et pathogènes de virus comme ceux des hépatites B ou C ou encore le VIH. Où se situe exactement le coronavirus du Covid-19 et quel est le rôle éventuel d’un certain portage chronique dans les manifestations de Covid long ? Là aussi, ces chercheurs que vous citez avancent prudemment des pistes de recherche très intéressantes qu’il va falloir explorer plus avant désormais. Ces pistes peuvent ouvrir la voie à des expérimentations thérapeutiques prometteuses qui devront être conduites avec la rigueur méthodologique qui s’impose pour ne pas donner de faux espoirs aux patients. 

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On a fait beaucoup de progrès en matière de compréhension des mécanismes immunologiques durant cette pandémie de Covid-19. On partait de loin lorsque l’on pense que l’on s’est presque tous engouffrés dans les théories sur l’immunité collective, par exemple, puis on a bien dû constater après 90% de couverture vaccinale et une immunité hybride très complète également que l’on n’empêchait toujours pas les nouvelles vagues de se produire en réinfectant de larges segments de la population. On ne sait donc pas encore tout en matière de désordres immunitaires créés par le Covid-19. Y a-t-il une forme d’immunodépression laissée par le passage du coronavirus dans notre organisme ? Combien de temps dure-t-elle ? Quelles cellules de notre immunité affecte-t-elle ? On n’a pas encore les réponses à toutes ces questions et il est possible qu’il y ait une grande variabilité de réponses en fonction des individus. Par la suite, quelle corrélation peut-on établir entre ces désordres immunitaires et la présence de Covid longs ? Toutes ces questions commencent à être explorées sérieusement par des chercheurs dans le monde entier et je n’ai nul doute que l’on va faire des progrès importants sur toutes ces questions car il n’y a jamais eu autant d’énergies et de ressources consacrées à une maladie dans le monde qu’avec le Covid-19. L’une des hypothèses qu’avancent ces chercheurs qui connaissent particulièrement bien le sujet serait que la cause des Covid longs pourrait être due à une combinaison de ces hypothèses actuellement avancées. Des troubles de la coagulation seraient ainsi associés pour partie à la persistance de virus dans l’organisme et à un certain degré de désordres immunitaires, voire à d’autres mécanismes encore mal élucidés.

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