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Les 3 temporalités nécessaires pour comprendre l’impact de l’élection de Laurent Wauquiez chez LR
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

Chevalier à la parka rouge

L’élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti Les Républicains, suivie du départ de Xavier Bertrand et de la composition d’une nouvelle équipe de direction autour du nouveau Président permet de remettre en perspective les évolutions récentes de la droite française. Par Bruno Cautrès pour BVA.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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L’élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti Les Républicains, suivie du départ de Xavier Bertrand et de la composition d’une nouvelle équipe de direction autour du nouveau Président permet de remettre en perspective les évolutions récentes de la droite française. Pour cela, il faut renoncer aux seules explications de court terme et comprendre que le temps politique est un temps sédimenté par des couches successives. Rien n’est jamais totalement inattendu en politique et tout évoque les effets en écho des différentes temporalités politiques

La première dimension temporelle dans laquelle s’inscrit cette élection est celle du temps court : le contexte « post-traumatique » de l’élection présidentielle de 2017. Un peu comme le PS après le 21 avril 2002, les militants LR ont souhaité désigner un leader au CV politique déjà bien garni, une personnalité bien installée et campée dans le paysage médiatique afin que leur parti puisse à nouveau être incarné par une forte personnalité. La droite française a connu plusieurs leaders qui « faisaient chef » : Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont incarné, avant Laurent Wauquiez, un leadership fondé sur l’autorité, l’expression d’une ligne politique goûtant peu les « courants internes » qui déchiraient régulièrement dans le même temps le PS.

La seconde dimension temporelle dans laquelle peut s’analyser l’élection de Laurent Wauquiez est celle du moyen terme. Cette deuxième dimension nous ramène au tournant de 2004. L’élection de Nicolas Sarkozy à la tête de l’UMP cette année-là (il obtient 85,09 % des voix des membres du parti face à Nicolas Dupont-Aignan et Christine Boutin) a été suivie d’une victoire à la présidentielle de 2007, d’un match (de boxe) entre François Fillon et Jean-François Copé en 2012 pour la tête du parti, du retour de Nicolas Sarkozy en 2014, et de la désignation de François Fillon comme candidat à la présidentielle de 2017 à l’issue d’une primaire très mobilisatrice et ouverte.

En treize ans, la droite a eu plusieurs occasions de se choisir un leader. A chaque fois le choix s’est porté sur une personnalité incarnant une ligne de « droite sans complexe ». Le score de François Fillon à la présidentielle (20%), dans le contexte d’une descente aux enfers, est une donnée que l’on aurait d’ailleurs tort de négliger : son échec (mais en obtenant un score inférieur de seulement 1,3 point à Marine Le Pen) montre en creux la formidable envie de victoire qu’avait la droite, sur une ligne économique et identitaire que son candidat qualifiait lui-même de « radicale ».  

La troisième dimension temporelle qui permet de comprendre l’élection de Laurent Wauquiez est celle du plus long terme : la création de l’UMP en 2002 souhaitait unifier toutes les droites et en finir avec le spectre de la division. Comme si la création d’une union partisane, d’abord destinée à gagner les législatives de 2002, pouvait abolir les lourdes tendances historiques de la pluralité des droites françaises si bien décrite par René Rémond et son triptyque des trois droites : la droite « bonapartiste » autoritaire, la droite « orléaniste » libérale et modernisatrice et la droite « légitimiste », conservatrice et nostalgique de la royauté.

Les divisions provoquées au centre par la création de l’UMP (François Bayrou, lâché alors par de nombreux centristes ne souhaita pas rentrer dans l’UMP et faire allégeance) et les difficultés régulières de l’UMP à faire tenir ensemble les différentes traditions des droites françaises étaient en fait annonciatrices des clarifications qui s’affirment aujourd’hui : un centre-droit se rapprochant du centre-gauche (François Bayrou appela à voter pour François Hollande en 2012) ou rêvant d’une émancipation politique à travers une coalition des centres « à l’allemande » (rêve finalement porté plus haut et plus fort par Emmanuel Macron), une droite sous pression du Front national et qui cherche à (re)gagner de l’espace sur sa droite.

En somme, le retour à droite du projet maintes fois remis d’un « grand parti conservateur et libéral ». Exit l’UMP version originale et la rhétorique de l’alliance « de la droite et du centre » ? Telle va être l’épineuse question stratégique à laquelle Laurent Wauquiez devra apporter des réponses, posée aujourd’hui dans des termes plus difficiles qu’au moment de la création de l’UMP. 

La temporalité est affaire d’historien. L’historien de formation qu’est Laurent Wauquiez souhaite visiblement accélérer le tempo et vite relever le gant. Au fait, cette expression nous vient de la chevalerie du Moyen Age : à l’époque, la coutume voulait que les chevaliers jettent un gant au sol pour défier un adversaire et que celui-ci ramasse le gant en signe d’acceptation du combat. La tonalité vigoureuse des premiers discours du nouveau « patron » de LR semble indiquer que sa célèbre parka rouge va sans doute céder la place à une plus forte armure…

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