Législatives 2022 : la droite chahutée entre posture paradoxale et incohérence des électeurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président des Républicains, Christian Jacob, s'adresse à la presse au siège du parti à Paris, le 13 juin 2022, au lendemain du premier tour des élections législatives.
Le président des Républicains, Christian Jacob, s'adresse à la presse au siège du parti à Paris, le 13 juin 2022, au lendemain du premier tour des élections législatives.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Espoir pour le second tour ?

Le premier tour des élections législatives permet de tirer de nombreux enseignements à droite, notamment sur la ligne politique. Certaines figures de la droite ont été éliminées dès le premier tour, comme Julien Aubert.

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy

Xavier Dupuy est politiologue, spécialiste de l'opinion. Il s'exprime sous pseudonyme.

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Atlantico : Quels sont les enseignements que l’on peut tirer de ce premier tour des élections législatives ?

Xavier Dupuy : Le premier élément, c’est que l’on s’installe visiblement, pour les élections législatives, dans un taux d’abstention qui dépasse les 50% dès le premier tour. C’est la deuxième fois d’affilée et c’est inquiétant pour une élection aussi décisive. Le deuxième élément, par rapport à cette abstention importante, est que l’on attendait une très forte baisse du Rassemblement national. Mais le RN est à près de 19%. Les sondages avaient bien estimé qu’Ensemble et la NUPES seraient au coude à coude, mais ils voyaient cela à 27 plutôt qu’à 25. La droite LR-UDI- Divers droite, elle, est un peu plus haute qu’attendue en arrivant à 13%.

La conséquence de ces résultats, c’est que beaucoup des qualifications au second tour se jouent à quelques voix, dans un sens ou dans l’autre. La majorité présidentielle est passée à deux doigts d’une catastrophe. Un certain nombre de candidats ont été éliminés dès le premier tour, mais surtout un certain nombre ont été qualifiés d’extrême justesse tantôt face à la NUPES, tantôt face au RN. Cela va leur permettre d’être élus dimanche prochain, alors que leur qualification s’est jouée à quelques voix. Et cela aurait pu compromettre durement la majorité absolue d’Ensemble. Il faut noter que deux circonscriptions pourraient être perdues par la majorité d’ici dimanche, en raison de bulletins qui pourraient être déclarés nuls.

Dimanche soir, malgré un coude à coude, la majorité absolue semblait acquise pour Ensemble, et cela s’est dégradé et est devenu plus incertain au fur et à mesure de la soirée.  Ce qui est sûr c’est que personne n’a vraiment donné le sentiment, parmi les observateurs, que la gauche pouvait l’emporter, malgré une forte progression. Marine Le Pen a d’ailleurs fait une déclaration habile en déclarant que Jean-Luc Mélenchon avait perdu son pari et ne serait pas Premier ministre. Ça n’incite pas les électeurs à se mobiliser par peur de Mélenchon. La question qui se pose, c’est la majorité absolue, ou pas, d’Ensemble.

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A partir des résultats du premier tour et de l’analyse de la carte électorale, quelles projections pouvons-nous faire pour le second tour de ce dimanche ?

La droite sera au second tour dans un nombre de circonscriptions plus faible qu’attendu. On aurait pu penser qu’elle serait présente dans 100-130 circonscriptions, mais elle n’y sera finalement que dans 71. En revanche, là où elle sera présente, son taux de réussite sera très élevé. On peut attendre une réussite d’environ 85%. Entre les sortants qui ne se sont pas représentés, les suppléants arrivés en cours de mandat, mais aussi la poussée du Rassemblement national, cela a entraîné des pertes LR importantes. Malgré tout, il y a une douzaine circonscriptions nouvelles ou LR pourrait réussir à prendre des circonscriptions. Et les résultats dans ces circonscriptions vont déterminer la taille du groupe. Il est à noter que cinq de ces circonscriptions sont en Auvergne-Rhône-Alpes.

La majorité présidentielle a déjà perdu des circonscriptions au premier tour, et notamment dans les grandes villes, des circonscriptions au profit de la gauche. Toutes ces pertes vont être en partie compensées, notamment en Alsace mais aussi ailleurs, par l’élimination du candidat de la droite, ce qui lui offre un duel face au RN ou à la NUPES dans des régions auparavant détenues par la droite. Est-ce que cela va leur permettre de sauver de justesse une majorité absolue, ou pas ? C’est encore difficile à dire. Le résultat va être serré dans de nombreuses circonscriptions et c’est ce qui fera la différence entre 280-290 ou 300 députés. Il est difficile de prévoir ce qu’il va se passer.

Pour la NUPES, elle peut espérer environ 200 députés. Sa représentation à l’Assemblée nationale va exploser.

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Le Rassemblement national lui va pouvoir conserver ses sortants et engranger quelques circonscriptions. Dans le Var, en Moselle, dans les Ardennes, dans la Meuse, dans la cinquième et peut-être la quatrième de l’Aisne, dans la septième de l’Hérault, la onzième de la Gironde, le RN peut espérer l’emporter, mais les duels vont être serrés. Dans l’Yonne, Julien Odoul est à 35% mais cela risque d’être difficile pour le second tour. Le RN peut en tout cas vraiment espérer avoir un groupe parlementaire et viser une vingtaine de sièges.

Ces résultats nous disent-ils quelque chose des rapports de force et des tendances du pays ?

La majorité présidentielle est à 25%, la NUPES à 25% et les souverainistes (RN, Reconquête ! etc.) sont autour de 24-25. Ce sont donc trois grands blocs, suivis par un bloc LR à 13% et des divers gauche à 3%. Le paysage est donc morcelé et assez mouvant. La droite, asséchée à la présidentielle, arrive à faire 8 points de plus, avec des disparités fortes. Certains candidats sont à 45% mais d’autres sont à 3%. C’est un écart que l’on n’a pas dans les trois autres grands blocs. Même quand le RN est faible, il est à 10%, et fort, il dépasse les 50%. Idem pour la NUPES, qui descend rarement sous les 14-15%. Le constat est le même pour la majorité présidentielle, même s’il y a très peu de circonscriptions où elle atteint les 50%.

Le fait que LR puisse descendre très bas signifie-t-il que là où il n’est plus implanté, il n’arrive plus à peser ?

Là où il n’a pas d’ancrage, LR ne pèse plus, c’est évident. Mais tout dépend de ce qu’on appelle ancrage.  Dans certaines circonscriptions, malgré l’absence de sortant, le candidat arrive à se qualifier. Dans la troisième circonscription de l’Allier, un jeune candidat a été investi tardivement, il a néanmoins réussi à récupérer 23% des voix et arriver premier devant la sortante. Ces quelques cas montrent que la droite, si elle se restructure et se dote d’un leader national, peut effectuer une remontée.

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Est-ce que les résultats de ce premier tour, et par exemple l’élimination de Julien Aubert, donnent des indications sur la ligne qui serait la bonne pour cette restructuration ?

Je ne pense pas. Nous sommes plus sur des circonstances locales. L’Auvergne-Rhône-Alpes, marquée par l’empreinte Laurent Wauquiez qui est sur une ligne relativement proche de celle de Julien Aubert, est la région où les LR ont progressé. Donc il y n’a pas de règle. Ce qui a manqué aux LR, c’est l’incarnation. Il y avait Mélenchon, Le Pen, Macron, Zemmour, mais qui pour LR ? Personne. Il faudra voir quels seront les résultats du second tour pour une éventuelle recomposition.

Quelles sont les bonnes surprises de ce scrutin ? Et les mauvaises ?

A droite, on peut citer parmi les bonnes surprises la qualification d’un adjoint au maire de Boulogne dans les Hauts-de-Seine. Il est potentiellement en mesure de gagner, tout comme Philippe Juvin dans une triangulaire des Hauts-de-Seine. A Asnières, la triangulaire Ensemble, NUPES, LR pourrait favoriser LR. La troisième circonscription de l’Allier est aussi une bonne surprise, tout comme la cinquième et la sixième de la Loire. Dans la quatrième circonscription de Côte d’Or, Hubert Brigand arrive en tête face au RN et peut gagner. En Moselle, dans la cinquième circonscription, même duel pour le second tour, ce qui devrait bénéficier à Vincent Seittlinger de LR.  Les mauvaises surprises ce sont l’éviction de Julien Aubert, de Sébastien Huyghe, entre autres.

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