Légalisation du cannabis : quels revenus de substitution pour les quartiers qui en vivent (et quelle drogue plus dure pour les trafics de remplacement) ? <!-- --> | Atlantico.fr
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L'économie du cannabis concerne quelques dizaines à quelques centaines de "gros" trafiquants, et plusieurs dizaines de milliers de moyens et de petits revendeurs.
L'économie du cannabis concerne quelques dizaines à quelques centaines de "gros" trafiquants, et plusieurs dizaines de milliers de moyens et de petits revendeurs.
©REUTERS/Andres Stapff

Solution fumeuse ?

Si les trafiquants de cannabis les plus importants représentent quelques centaines de personnes en France, ils seraient au total plusieurs dizaines de milliers à vivre de ce trafic qui génère chaque année en France entre 400 et 600 millions d'euros. Un constat à ne pas négliger lorsqu'on envisage de légaliser le cannabis.

David Weinberger

David Weinberger

David Weinberger est chercheur à l'Inhesj. Il est spécialisé dans les politiques publiques de lutte contre la drogue.

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Atlantico : Le think tank Terra Nova a publié une note récemment dans laquelle il préconise une légalisation du cannabis, dans le but d'assécher l'économie souterraine qu'elle représente notamment. Qui aujourd'hui en France tire ses revenus de la vente du cannabis ?Combien sont-ils, et quelles seraient leurs perspectives en cas de légalisation ? 

David Weinberger : Nous avons publié une étude en novembre dernier où nous avons estimé le marché du cannabis à 1,2 milliards d'euros par an. A ce montant, il faut retirer 60% à 70% pour ne conserver que les recettes réalisées en France, ce qui nous donne un marché évalué entre 400 et 600 millions d'euros pour le cannabis. 

L'économie du cannabis concerne quelques dizaines à quelques centaines de "gros" trafiquants, et plusieurs dizaines de milliers de moyens et de petits revendeurs. La résine vient encore beaucoup du Maroc, et passe par l'Espagne, alors que l'herbe elle, est produite en Europe. Si les sources principales de distribution de la résine sont concentrées dans les cités des grandes agglomérations, l'herbe est, elle, distribuée grâce à des réseaux beaucoup plus marginaux et confinés. Concernant leurs rémunérations, les "chouffeurs" (ceux qui guettent) gagnent entre 800 à 900 euros par mois, et les revendeurs jusqu'à environ 1 800 euros par mois. Il est vrai que leur rémunération journalière est importante, mais ils ne travaillent pas tous les jours. 

Dans une étude que nous sommes en train de réaliser sur l'expérience dans le Colorado, l'Uruguay et l'Etat de Washington sur la légalisation du cannabis, nous observons que les plus petits vendeurs seraient ceux qui auraient le plus de mal à retrouver une autre activité rémunératrice en cas de légalisation. Les trafiquants importants, eux, anticipent les changements du marché bien avant qu'ils n'arrivent, et ils opèrent donc un report vers d'autres produits. Dans le Colorado, ces trafiquants d'envergure se sont mis à la production d'héroïne et de méta-amphétamines par exemple. Il pourrait donc effectivement y avoir une phase où les petits vendeurs se fondent dans le marché légal de la vente du cannabis, ou bien intègrent d'autres marchés illégaux.

Dans ces conditions, comment doit se poser la question de cette légalisation, si l'on considère un report vers d'autres substances par exemple ? Qu'a-t-on pu observer concrètement ?

Dans une étude de l'Inhesj portant sur la légalisation du cannabis, on a pu observer qu'au moment de la légalisation, et même un peu avant, s'est produit une baisse des prix. Celle-ci a effectivement engendré un report des groupes criminels mexicains vers une production d'opium pour produire de l'héroïne au Mexique. Les producteurs ne gagnaient plus d'argent, vu que le cannabis était désormais produit aux États-Unis... Il y a donc une stratégie d'anticipation de la part des gros trafiquants. Les petits revendeurs, eux, n'anticipent pas et s'adaptent à la dernière minute.

On a vu dans le Colorado une légère augmentation de la criminalité et de la petite délinquance la première année, et qui s'est estompée par la suite. Cette phase peut être interprétée comme une réadaptation suite à la légalisation. 

Il n'y a pas de recette miracle, et la légalisation d'un produit crée d'autres problèmes, c'est vrai. Mais la légalisation a aussi permis de réallouer les effectifs de la police, ainsi dégagés d'une activité lourde de contrôle et d'interpellation des usagers. Cette légalisation a également permis d'intégrer l'argent du cannabis dans l'économie réelle, avec la valeur économique que cela représente. Côté santé publique, il y a eu aussi une banalisation du produit, et une augmentation de la consommation. 

C'est en fait au politique de choisir la priorité, entre la lutte contre la criminalité ou pour la santé publique, car les réponses ne sont pas les mêmes. La prohibition est sûrement la meilleure réponse pour dissuader la consommation, et la légalisation a un effet conséquent à moyen terme sur le niveau de criminalité. 

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