Le Trump bavarois et ces leçons que les élites mainstream refusent de tirer sur les carburants des populismes<!-- --> | Atlantico.fr
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Hubert Aiwanger, chef du parti conservateur les "Electeurs Libres" est souvent présenté comme le "Trump Bavarois".
Hubert Aiwanger, chef du parti conservateur les "Electeurs Libres" est souvent présenté comme le "Trump Bavarois".
©CHRISTOF STACHE / AFP

Nouveaux enjeux

Hubert Aiwanger, chef du parti conservateur les "Electeurs Libres" est souvent présenté comme le "Trump Bavarois". Que lui vaut ce surnom, au juste ? Explications.

David Capitant

David Capitant

David Capitant est professeur de droit public à l'Ecole de droit de la Sorbonne et directeur de l'Ecole doctorale de droit de la Sorbonne. Il est également directeur du Centre de droit allemand de l'UMR de droit comparé de Paris (Paris 1). Il a aussi été président de l'Université Franco-Allemande.

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Atlantico : Deux élections régionales se déroulent en Allemagne ce dimanche. Celle en Bavière est particulièrement suivie car elle est menacée par sa droite. Quels sont les enjeux de ce scrutin? 

David Capitant : Dimanche ont lieu deux élections aux parlements régionaux en Bavière et en Hesse. Ce sont toujours des indicateurs de l'évolution générale du paysage politique en Allemagne, mais ces élections présentent aussi des enjeux locaux. S'agissant de la Bavière la grande question est de savoir quel sera le résultat obtenu par le chef du gouvernement bavarois Markus Söder, membre de l'Union CDU-CSU. Si son parti obtient plus de 37 % des voix, ce qui était son dernier résultat il y a cinq ans, il consolidera sa position et conservera toutes ses chances pour être la tête de liste de l'Union CDU-CSU pour les prochaines élections au Bundestag en 2025. Il en irait bien différemment en cas de mauvais score. L'autre élément à observer est le résultat des partis qui forment actuellement la coalition au niveau national : le parti socialiste SPD du chancelier Scholz, le parti des Verts et le parti libéral FDP, qui risquent de connaître un résultat plutôt décevant.

 La campagne s'est focalisée pendant quelques semaines sur Hubert Aiwanger. Qui est ce personnage que l’on présente comme le « Trump Bavarois »? 

Hubert Aiwanger se trouve à la tête du parti des Electeurs libres qu'il a transformé en un parti aux positions très conservatrices, qu'il s'agisse de mettre en cause les politiques de l'Union européenne en matière de solidarité entre les Etats membres en cas de crise, de la décision de renoncer à terme aux moteurs thermiques ou de l'accueil des migrants. C’est un fils d’agriculteur devenu ingénieur. Il a fondé son succès essentiellement sur l'usage des réseaux sociaux et la culture du clash, regroupant ainsi des électeurs insatisfaits, sans proposer véritablement de politique d'ensemble. Hubert Aiwanger a développé un parti politique protestataire, assez à droite, et tire ainsi parti en Bavière de l'érosion que connaissent les deux grands partis qui ont animé la vie poltique allemande depuis la Seconde guerre mondiale : le parti socialiste SPD et l'Union chrétienne démocrate CDU-CSU. Lors des dernières élections au parlement de Bavière, son parti a obtenu un peu plus de 11 % des voix et participe avec les chrétiens démocrates à la coalition au pouvoir localement. Lui-même détient le poste de ministre de l'économie de la Bavière. Il est Il été récemment au coeur d'une polémique consécutive à l'exhumation d'un pamphlet antisémite qu'il aurait rédigé et diffusé lorsqu'il était lycéen.

 Le gouvernement Bavarois l'a maintenu à son poste, pourquoi ?

 La polémique est sortie dans la presse dans l'optique des élections qui ont lieu ce dimanche. La question était alors pour le chef du gouvernement bavarois Markus Söder, de savoir s'il était plus pertinent politiquement de le conserver au sein du gouvernement ou au contraire de l'exclure. L'exclure c'était lui permettre de remettre en cause la politique menée par le gouvernement auquel il appartient. Le conserver au sein du gouvernement avant les élections, c'était l'obliger à assumer la politique menée au sein de la coalition sortante avec les chrétiens démocrates. Par ailleurs l'accusation reposait sur une publication faite lorsque Hubert Aiwanger avait 16 ans ; le pamphlet avait été révêlé par un ancien professeur, ce qui était contraire à l'obligation de respecter le secret professionnel de la part des enseignant ; enfin, l'origine du texte était controversée, le frère de Aiwanger ayant déclaré en être l'auteur. Bref, il a semblé plus pertinent de na pas remanier le gouvernement à cettte échéance et de préserver des possibilité d'alliance après les élections.

La presse allemande l'a attaqué de tous les côtés et a demandé sa démission. Est-ce que cela à eu un effet contre productif ? Au lieu de faire baisser le populisme, ça l'a fait monter ? 

Tout accusation d'antisémitisme déclenche en Allemagne des réactions très vives, et c'est heureux, là-bas comme ailleurs. La réaction de la presse et de la société allemande ne peut donc être mise en cause à cet égard. La question est plutôt de savoir s'il était stratégiquement pertinent de la part de ceux qui ont publié cette affaire de le faire à ce moment, en amont des élections au parlement bavarois. Il me semble que cela a surtout eu pour effet de le placer au coeur des médias, certes sous un angle détestable, alors que par ailleurs, il n'est pas difficile de l'attaquer sur le fondement de ses positions politiques qui sont souvent contradictoires et peu étayées. Les solutions simples qu'il propose à des questions complexes sont, comme souvent, surtout destinées à créer des clivages et à attirer l'attention. Hubert Alwanger dit ce qu’une certaine base à envie d’entendre. C’est un peu le gilet jaune de la politique allemande, au moins au niveau local.

Quelles sont les relations qu'entretiennent les deux partis, CDU et AFD? Une alliance est-elle possible en Bavière à l'issue de ces élections ?

La position de l'Union chrétienne-démocrate est tout à fait claire : elle n'envisage aucune coalition avec l'extrême droite, que ce soit au niveau national, régional ou communal. Les valeurs sur lequelles repose l'Union le lui interdisent, de sorte qu'aucune coalition avec l'AFD n'est envisageable ni envisagée. Le cours toujours que suit l'AFD, qui lui permet de séduire de nombreux électeurs dans les Länder de l'Est de l'Allemagne, va dans un sens qui la confine toujours plus à l'extrême-droite de l'échiquier politique, qu'il s'agisse de son opposition à l'intégration européenne, de sa mise en cause des sanctions adoptées contre la Russie dans le cadre de la guerre d'aggression contre l'Ukraine, ou de ses positions anti-immigrés qui vont au-delà de la volonté de limiter l'immigration. D'ailleurs l'AFD est membre au sein du Parlement européen du même groupe que le RN français, la Ligue italienne ou le Vlaams Block belge.

Si pas de coalition possible, qu'est-ce qui se passe? 

La seule situation qui permettrait de se passer de coalition en Bavière pour la prochaine législature serait une victoire du parti chrétien démocrate au-delà des 40 %, contre 37% lors des dernières élections. Cela permettrait à Markus Söder de gouverner seul, les oppositions étant divisées. Mais le plus probable reste le maintien de la coalition actuelle entre la CSU et les Electeurs libres. La seule coalition alternative qui aurait pu avoir un sens politiquement serait une alliance entre la CSU et le parti libéral FDP mais celui-ci participe actuellement à la coalition nationale avec les socialistes et le Verts et une tellle coalition a été rejetée en amont par Markus Söder.

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